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Benjamin Gavanon: « Il est tranquille, Philippe Troussier »

Propos recueillis par Régis Delanoë
7 minutes
Benjamin Gavanon: «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Il est tranquille, Philippe Troussier<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Le Marseillais de naissance Benjamin Gavanon a beau avoir passé les deux dernières années en Chine, il n'en a pas pour autant perdu son accent provençal. Actuellement de retour en France, il raconte son périple dans la D2 locale, où il est question de Philippe Troussier, d'une formation locale défaillante, de claquettes toute l'année, d'interminables voyages en avion et de la nostalgie de sa belle période nancéienne.

Salut Benjamin, comment vas-tu ?Ça va pas mal. Je suis revenu en France depuis quelques semaines. Le championnat chinois que je disputais s’est terminé début novembre et j’ai décidé de partir dans la foulée. Je suis arrivé à Shenzhen en février 2012 avec un contrat de deux ans, qui vient de se terminer. Là du coup j’attends des opportunités. C’est pas impossible que je retourne en Chine en fait, mais ça peut prendre du temps. La nouvelle saison débutera seulement en mars alors les dirigeants des clubs sont pas tellement pressés. Ils attendent de voir quels étrangers ils sont en mesure de recruter, sachant qu’ils ont un quota à respecter (trois par club max, NDR). Ça devrait pas mal se décanter d’ici janvier voire février. Logiquement, comme ça fait deux ans que je suis là-bas, je me suis fait une petite réputation, donc je devrais avoir quelques offres à arriver prochainement.

Revenons à ton arrivée en Chine à l’hiver 2012. Comment as-tu débarqué là-bas ?À l’époque je venais de quitter Amiens et je cherchais un nouveau projet. Au même moment, Philippe Troussier, qui était et est toujours l’entraîneur de Shenzhen Ruby était à la recherche de deux étrangers pour boucler son mercato avant le début de saison. Il a activé ses réseaux et un intermédiaire m’a proposé ce challenge. Troussier cherchait notamment un milieu relayeur, mon profil. Et moi de suite ça m’a intéressé. À mon âge (il est né en 1980), je me suis dit que c’était un beau challenge à tenter.

Shenzhen Ruby venait pourtant de subir une relégation…Oui, et d’ailleurs clairement quand j’ai débarqué on avait pour objectif de faire remonter le club en D1. Bon, on n’y est pas arrivé au final, ni la première saison, ni la seconde. On n’avait pas forcément une équipe pour jouer les premiers rôles… Mais ça reste enrichissant quand même, je regrette pas. Déjà, ne serait-ce que de pouvoir travailler avec un entraîneur du calibre de Troussier, c’est un privilège. Et puis ça a facilité notre intégration avec Babacar Gueye, l’ancien Messin qui est arrivé en même temps que moi au club et qui y est toujours d’ailleurs. Ça va, j’étais pas trop perdu en arrivant.

Et Troussier alors, il va bien ?Ouais carrément. Tu sais là-bas, il jouit d’une énorme cote de popularité. Au Japon surtout (sélectionneur de 1998 à 2002, NDR) mais plus généralement partout en Asie. Il est tranquille, il peut travailler confortablement avec ses idées. Je pense qu’il a des conditions qui lui correspondent. De ce que je vois, il est bien. En tout cas je le vois pas revenir en Europe de sitôt.

Bon et sinon, niveau foot, ça donne quoi la D2 chinoise ?Ça varie beaucoup selon les équipes. C’est du National français je dirais, voire un peu de Ligue 2 pour les meilleures. Les lacunes sont surtout tactiques, c’est assez flagrant, surtout pour les équipes qui n’ont pas de coach étranger. Après individuellement tu as toujours quelques bons petits joueurs qui se débrouillent pas mal techniquement…

Comment ça se passe niveau formation en Chine ?C’est là tout le problème pour eux en fait : t’as pas tellement de système de formation comme ça existe en France ou ailleurs en Europe. J’ai déjà essayé de comprendre comment ils arrivent en pro, mais c’est hyper complexe. Le truc que je sais, c’est que contrairement à chez nous, une fois que les Chinois passent pro, ils le sont jusqu’à ce qu’ils décident d’arrêter leur carrière. C’est-à-dire que les mecs restent plus ou moins toujours sous contrat, ou ils sont transférés dans d’autres clubs du pays pour les meilleurs. Concrètement, ça veut dire que tu te retrouves avec des effectifs de 35 joueurs faciles par effectif. Avec une équipe première, une réserve qui joue seulement de temps en temps et c’est tout. Il n’y a pas de championnat spécifique aux jeunes. Donc t’as des joueurs qui sont au club mais qui ne jouent jamais.

Niveau engouement populaire, qu’est-ce que ça donne ?La D1 est très suivie (18 500 spectateurs de moyenne cette saison, en gros l’équivalent de la France, NDR), la D2 forcément un peu moins. Le truc étant que quasi toutes les équipes en Chine jouent dans des grands stades donc ça peut faire bizarre. Nous par exemple à Shenzhen, on a un stade de 40 000 places pour une moyenne de 5000 à 6000 personnes…

Les Chinois aiment le foot ?Oui, même si c’est pas le sport numéro un. T’as le basket d’abord, le tennis aussi qui est pas mal suivi. Mais ça commence à venir. Ils regardent surtout le championnat anglais, rapport au décalage horaire. Les matchs de Premier League du début d’après-midi sont en prime time en Chine, c’est parfait. Pour la Champions League, il y a des rediffusions le lendemain matin.

Le foot pro chinois a souvent été entaché d’affaires ou de soupçons de corruption. Des trucs à dire sur le sujet ?Oui tout le monde en parle, y compris là-bas, surtout en fin de saison. Certaines décisions d’arbitrage sont… disons étonnantes. Après, faut pas être parano non plus. Mais tu peux avoir certaines équipes qui ne tournent pas bien pendant une bonne partie de la saison et qui bizarrement se mettent à enchaîner les victoires sur la fin. Mais je pense qu’ils essaient de progresser pour rendre leur football plus crédible. Ces dernières années ils étaient dans l’optique de faire signer des gros noms pour médiatiser le championnat. Le problème, c’est que ça ne sert à rien s’ils ne développent pas en parallèle leur système de formation. Il faut qu’ils prennent conscience de ça (notons au passage la récente visite d’une délégation chinoise à Auxerre pour observer le centre de formation de l’AJA, NDR).

Qu’en était-il de ton quotidien à Shenzhen ?C’est une belle ville, situé dans le sud du pays, à une heure d’Hong-Kong. Dans l’esprit, ce n’est donc pas une ville 100 % chinoise. C’est pas mal occidental, avec beaucoup de Français. Areva et Peugeot notamment sont installés sur place. Le quartier des expatriés est sympa, on croise des gens d’univers différents… Et puis le climat est génial, c’est short et claquettes toute l’année.

« Les Chinois ne sont pas beaucoup à parler anglais »

Tu causes mandarin ?Quatre, cinq mots à tout casser. De quoi me débrouiller, le minimum. Je savais me débrouiller pour rentrer chez moi par exemple.

Et donc tu recommandes ?À d’autres joueurs français d’y aller ? Oui. Enfin disons que moi j’ai eu la chance d’arriver dans une équipe entraînée par Troussier, avec des Français dans le staff. Sans ça, franchement je sais pas si j’aurais osé y aller. Si t’es entouré que de Chinois c’est compliqué car ils ne sont pas beaucoup à parler anglais. Je recommande aussi de bien se renseigner sur la ville. Moi Shenzhen par exemple c’était parfait. Un truc quand même sinon qui est chiant à la longue, ce sont les déplacements. Le temps que j’ai passé dans les aéroports, pfff… Le pays est grand, les retards fréquents. Pour un déplacement en moyenne, si le match est programmé le samedi, fallait partir le jeudi pour un retour seulement dimanche soir. Ouais, c’est des bons petits périples !

Pour en revenir à ta carrière, tu as donc été formé à l’OM avant un long passage à Nancy, Sochaux puis Amiens et cette aventure chinoise. Des regrets ?Un regret, oui quand même, c’est le moment où je signe mon premier contrat pro à Marseille. J’avais l’opportunité de partir en prêt à Martigues en L2 pour avoir du temps de jeu mais on m’avait conseillé à l’époque de rester dans mon club formateur pour commencer. De là, Tapie est revenu aux affaires et pour les jeunes comme moi c’est devenu très compliqué… Si j’avais pu débuter à Martigues, peut-être aurais-je lancé ma carrière dans de meilleures conditions. J’ai perdu un peu de temps inutilement. Heureusement qu’après j’ai fait le bon choix en allant à Nancy.

Tes meilleures années ?Oui clairement. La deuxième saison surtout était la plus belle : on est sacré champion de L2, on monte et l’ambiance était exceptionnelle. J’ai toujours gardé contact avec la plupart des joueurs de cette époque d’ailleurs, que ce soit les vieux comme Patrick Moreau, Laurent Dufresne, Geoffrey Toyes, Biancalani, Lécluse… Ou ceux de ma génération, les Puygrenier, Bérenguer, Duchemin…

Supporter de l’OM ou de Nancy ?Marseille c’est ma jeunesse. Aujourd’hui je suis vraiment attaché à l’ASNL parce que j’y ai vécu mes plus belles années. Huit ans au total, ça marque.

Le roman de Nzola

Propos recueillis par Régis Delanoë

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