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Benjamin Erisoglu (SO Cholet) : « Si les clubs de National ne sont pas aidés, ce sera une catastrophe »
La Fédération française de football a annoncé ce jeudi l'arrêt de tous ses championnats amateurs... sauf le National 1 et la D1 Féminine, pour qui la décision reste suspendue en raison des enjeux sportifs. Pour beaucoup de joueurs, salariés et dirigeants de troisième division, cette décision marque l'ouverture d'un futur flou et incertain, sans doute difficile. Pour le président du Stade olympique choletais, Benjamin Erisoglu, une sortie de crise ne sera pas possible sans une réforme en profondeur du championnat.
La FFF a annoncé ce jeudi l’arrêt de l’ensemble de ses championnats amateurs… sauf le National, qui pourrait reprendre en juin. Vous auriez préféré un arrêt définitif ?Oui. Il faut arrêter de mettre des vies en danger, les mesures prises jusqu’à aujourd’hui sont très bonnes.
C’est la moindre des choses, vu la situation actuelle et le drame qu’on vit, de ne pas prendre le risque de reprendre le championnat. On doit d’abord respecter le confinement, le foot reviendra. De toute façon, les joueurs ne se sont pas entraînés depuis plus d’un mois, donc autant se laisser le temps de la récupération et de la préparation pour la prochaine saison. L’urgence n’est pas à la reprise du foot. Surtout que le football est le sport le plus populaire au monde, avec le plus de licenciés, le plus de fans. J’espère qu’ils ne vont pas nous faire reprendre avec des matchs à huis clos, ce serait une catastrophe. Si on reprend, le virus ne s’arrêtera jamais de circuler. Il faut faire comme toutes les autres disciplines moins populaires, qui ont arrêté. On est tous dans la même merde. D’autant qu’en ce qui nous concerne, la plupart de nos bénévoles sont des retraités, et je ne vois pas comment les retraités pourraient venir faire du bénévolat dans un stade aujourd’hui.
Il y a eu un débat entre ceux qui préconisaient une saison blanche, et ceux qui voulaient arrêter la saison en prenant en compte le classement actuel. Finalement, la FFF a opté pour la deuxième option pour les autres championnats amateurs, et le fera sans doute en cas d’arrêt du National. C’est ce que vous attendiez ?Nous, mathématiquement, on était maintenus, donc ça aurait été dans les deux cas (le SOC était 12e sur 18, N.D.L.R.). Mais même si on n’était pas en danger de descente, je pense qu’il vaut mieux annoncer une saison blanche et repartir l’année prochaine. La crise économique qui s’annonce va faire mal, et je ne pense pas que ça vaille le coup de mettre un autre coup de massue à des clubs en les faisant descendre. Financièrement, on va tous galérer, et on aura besoin d’aide. Aujourd’hui, il est clair que si les clubs de National ne sont pas aidés, ce sera une catastrophe. Surtout que 80% de nos partenaires sont des entreprises.
Vous militez notamment depuis quelque temps pour la professionnalisation du National. Cette crise vous conforte dans votre conviction qu’il est temps de faire du National cette fameuse « Ligue 3 » ?
Cette crise, c’est l’occasion de nous passer en professionnel. Ils doivent penser à comment nous aider pour payer tous nos salaires, rebondir et faire une belle saison l’année prochaine. Là, on n’a plus de nouvelles à ce sujet, mais on espère que la Fédération ne va pas revenir en arrière sur nos discussions. C’est un combat mené depuis des années par les présidents du National. On est dans une crise comme on n’a jamais vécu. Ne pas nous aider, ne rien changer, ce serait une claque supplémentaire. Il faut être juste. Les clubs de National sont dirigés par des chefs d’entreprise qui sont eux-mêmes dans la panade. S’ils ne sont pas aidés, c’est obligatoire que certains lâcheront les clubs. C’était déjà dur de boucler des budgets, alors sans les partenaires, c’est mort. La majorité des clubs du championnat ont des partenaires extérieurs, des entreprises, souvent des petites et moyennes, locales. Là, elles sont toutes en difficulté, donc c’est impossible de réclamer les sponsorings, d’autant qu’on ne joue plus… On est en National, on n’est pas en Ligue 2. Donc on n’a aucun avantage, mais on a tous les inconvénients parce qu’on nous demande de nous comporter comme des professionnels.
Comment ça se passe dans votre club depuis le début du confinement ? Vous arrivez à maintenir un certain équilibre ?
J’essaye d’avoir mes joueurs une fois par semaine, pareil pour l’entraîneur et le staff. On essaye de leur faire faire des exercices, des entraînements, mais c’est compliqué. On essaye de les accompagner aussi mentalement. Côté financier, on a fait les déclarations de chômage technique, on a avancé les salaires, au fur et à mesure, on va essayer de payer. Mais si on n’a aucune rentrée, aucune aide, ça va être compliqué. On est une SAS, donc il faudra payer nos salariés. On a toujours payé les charges, les impôts, c’est le moment de montrer que ça n’a pas servi à rien. On a besoin de la Fédération en ce moment, et des partenaires, de l’agglomération, des départements.
Propos recueillis par Alexandre Aflalo