- Français de l'étranger
Bengelloun : «En boîte, tu prends cinq mojitos, c’est 9€»
Quand on lit la bio Wikipedia de Youness Bengelloun, on se dit direct que le mec aime les voyages. Longue distance de préférence. Des piges en Suisse, en Espagne, des essais à Hibernian et à Istres, n’en jetez plus ! Formé au PSG, le Français d’origine marocaine et sénégalaise a arpenté bien des terrains, gazonnés ou pas, pour finir au Sud-Est de l’Europe où sa technique de défenseur central fait des merveilles, que ce soit en Grèce, à Chypre, ou actuellement en Bulgarie, au Lokomotiv Plovdiv. Il vient d’ailleurs de qualifier son club pour la finale de la Coupe de Bulgarie grâce à un but opportuniste. Interview confession d’un globe-trotter tombé amoureux de la moussaka et des filles de l’Est.
Youness, pour ceux qui ne te connaissent pas, peux-tu te présenter brièvement ?
Brièvement ça va être dur (rires), il s’en est passé des choses depuis le PSG ! J’ai commencé au Red Star, ensuite je suis arrivé au PSG, en centre de formation, où j’ai effectué toutes mes classes. A ce moment-là, j’étais sélectionné en Equipe de France des -15 et -16 ans. A 19 ans, je suis prêté en Ligue 2, à Amiens. J’en garde un bon souvenir, dans un beau stade de la Licorne. Ensuite je reviens au PSG. Je reste six mois au club, mais je vois que je suis cantonné à l’équipe réserve. J’ai l’opportunité de partir en Suisse, où je signe mon premier contrat pro à Neuchâtel Xamax. Le président Alain Pedretti, ancien président de Créteil, me fait venir. Il m’a expliqué son projet en Suisse, je jouais là-bas avec Laurent Leroy. L’objectif était de sauver le club, on l’a réalisé. Mais la Suisse ne m’a pas plu. C’est un pays assez froid par rapport au football.
Après la Suisse, l’Espagne…
Voilà, après la Suisse, je pars au Deportivo Alavés. Un bon club, bien structuré. Malheureusement, là-bas, je connais des longues blessures. Il n’y avait pas d’opportunité pour moi de jouer. A la suite de ça, je veux revenir en France, mais on m’a un peu oublié. Je fais une pige de 3-4 mois à Raon l’Etape. C’est vraiment le monde amateur, tu n’as pas d’équipement pour l’entraînement. J’ai dû ressortir mes équipements d’entraînement du centre de formation. J’arrête l’aventure après six matches. J’étais un peu déçu. Je reste au chômage 11 mois et je signe en décembre 2006 à Istres.
Qu’est-ce que tu vas foutre à Istres ?
A ce moment-là, c’était Michel Moulin le président. Il m’a dit « Va leur donner un coup de main » . Jean-Louis Gasset était l’entraîneur, à l’époque. Il m’avait testé, il me trouvait bon. Mais peu après mon arrivée, il se fait virer et je n’étais pas dans les plans du nouveau coach. Je joue deux matches en six mois et je décide de quitter la France.
L’exil commence donc en Grèce…
Oui, tout simplement en Grèce parce que ma maman est agent de joueurs et était en contact avec un agent grec. Il faut savoir que les pays où j’ai joué par la suite sont très intéressés par des joueurs entre 22 et 25 ans. En France on pense qu’on est ni un jeune sur lequel on peut miser, ni un joueur expérimenté. A l’étranger, on est exactement le contraire, le type de joueur recherché par les clubs avec une formation en France. Je donc arrivé à Panserraikos en L2 en 2007. J’ai dû apprendre le grec, ça m’a pris 4 mois. Sportivement ça s’est bien passé, après quelques matches, je deviens titulaire, on finit champion et on monte en première division. Ça reste mon meilleur souvenir.
Justement, tu as des anecdotes qui t’ont marqué là-bas ?
Des anecdotes ? Il y en a tellement. Allez, mon premier match avec Panserraikos. Je rentre sur le terrain à la 85e minute pour garder un bon 0-0 à l’extérieur. On a joué jusqu’à la 98e minute car l’arbitre ne sifflait pas tant que Ionikos n’avait pas marqué un but. Ils marquent à la 97e, les supporters rentrent sur le terrain, les remplaçants aussi, tous contents. On réengage et l’arbitre siffle la fin du match. Tout le monde s’énerve dans le vestiaire, le gardien me reproche de ne pas avoir pris de rouge pour gagner du temps. Puis notre président rentre et dit « Je suis fier de vous, vous avez bien joué, vous vous êtes battus ! » . Résultat : 500€ de prime pour chaque joueur. Voilà mon premier match en Grèce (rires).
Et ensuite tu vas te perdre à Chypre ?
Me perdre, non. Chypre, ça ressemble à la Grèce. Un beau cadre de vie, des ambitions sportives. L’objectif, c’était de faire remonter l’Olympiakos Nicosie en première division. Bon, on échoue à la quatrième place à la dernière journée, comme d’habitude dans des conditions rocambolesques. Après Chypre, j’en avais marre, je ne voulais pas rester à cause des problèmes financiers que connaissent les trois-quarts des clubs.
T’as voulu signer en Écosse ?
Oui, j’ai fait un essai à Hibernian où évoluait Souleymane Bamba avec qui j’avais joué au PSG. Ça s’est super bien passé, j’ai signé un contrat de deux ans et je me suis entraîné tout le mois de mai avec eux pour préparer la saison suivante. Après la dernière journée de championnat, je reçois un coup de fil, l’entraîneur a été licencié. Le club m’a dédommagé, l’entraîneur ne me voulait pas. Encore un coup du sort… Le point positif, c’est que j’ai vu que j’avais le niveau. Fletcher (Wolverhampton), Bamba (Leicester City), c’est des mecs qui ont le niveau Premier League. Donc en janvier 2010, je suis arrivé en Bulgarie. Pourquoi la Bulgarie ? Parce que le président a un casino à la frontière entre la Grèce et la Bulgarie.
Donc attends, t’es en train de dire que tu es allé en Bulgarie pour pouvoir jouer au casino ?
Non (rires). Encore une fois, je privilégie les rencontres humaines. Le président, c’est un passionné de foot qui vit dans une ville frontalière. Du coup, il surveille tout ce qui se passe en Grèce au niveau du foot. Il venait souvent voir des matches et il m’avait vu jouer. Il m’appelle et me dit qu’il vient de prendre un club en Bulgarie et qu’il aimerait bien que je vienne à Plovdiv. On s’est vus, on a discuté et ça s’est fait. Ils étaient mal classés au départ. L’année dernière, on finit 5e et on joue la finale de la Coupe. Cette année, on est septième à deux points du cinquième le Levski Sofia. En coupe, on vient de se qualifier pour la finale face au Litex Lovech 1 à 0 (but inscrit par Bengelloun ndlr).
C’est comment la vie de célibataire en Bulgarie ?
Au début j’avais peur, l’Est, la mafia, le froid etc. Vu de France, de la Bulgarie on ne connaît que Sofia et encore… Moi je suis venu à Plovdiv. Le niveau de vie est assez faible. Nous on a des bons salaires donc on a possibilité de très bien vivre. En boîte, tu prends 5 mojitos, c’est 9 euros. Après tu t’imagines, dès qu’on gagne les matches et qu’après on sort le soir, on est des VIP. Pour ne rien gâcher, les femmes de l’Est sont vraiment belles et les Bulgares encore plus. Et surtout, elles sont très apprêtées. La nuit ici, c’est tous les jours de la semaine.
Pour en revenir à ton équipe, le Français est à la mode non ?
Ouais, il y en a pas mal. On avait Garra Dembélé qui jouait en L2 grecque avant (aujourd’hui à Fribourg). Il s’avérait que je le connaissais depuis Istres et j’ai un peu facilité son transfert ici parce qu’il n’était pas payé en Grèce. Mon président le voulait. Il a joué 5 mois, il a cassé la baraque avant de partir au Levski Sofia pour 200K€ et ensuite ils l’ont vendu en Allemagne, à Fribourg. Comme quoi tout est possible dans le football. En ce moment je joue avec Basile de Carvalho (formé à Sochaux, passé par Brest), et Jérémy Rodriguez (Boulogne-sur-Mer) que j’ai connu à Chypre.
Où est-ce que tu situerais le niveau du championnat bulgare ?
Le championnat progresse d’année en année. Il y a de plus en plus d’étrangers qui viennent ici. C’est un championnat à deux vitesses. D’un côté tu as 3-4 équipes qui vont jouer le titre. Je dirais qu’en France, le Levski et le Slavia Sofia pourraient jouer le maintien en L1. Ensuite tu as 5-6 équipes de bon niveau qui ont le niveau L2. Par contre le reste, ça reste très faible.
Tu comptes revenir en France la saison prochaine ?
J’aimerais bien. Je ne vais pas te cacher que cet hiver au mois de janvier, ma maman était en contact avec le président de l’AJ Auxerre Gérard Bourgoin qui cherchait deux défenseurs centraux. Le coach à ce moment-là, c’était Laurent Fournier qui me connaît très bien pour m’avoir coaché avec la CFA du PSG. Ils cherchaient des joueurs et ils n’avaient pas énormément d’argent. Mon profil l’intéressait. Laurent Fournier a dit « c’est un très bon joueur, mais ça ne va pas convenir pour sauver l’AJA » . Ça fait mal d’entendre ça, car je suis sûr que j’ai le niveau. Majoritairement, à part quelques-uns, les défenseurs en France, ça court vite, ça saute haut mais techniquement, c’est moyen et tactiquement, c’est encore moins bon. Je n’ai pas eu la chance d’être au bon endroit au bon moment. J’ai 29 ans, alors oui, la Ligue 1, pourquoi pas. La Ligue 2 ? Pas n’importe où. Laval, Châteauroux, non merci, ça ne m’intéresse pas. A la fin de la saison je suis en fin de contrat. Avis aux amateurs.
Pour finir, peux-tu nous raconter cette anecdote incroyable avec la femme de ton président ?
La femme de mon président, c’est une chanteuse, elle s’appelle Emilia. Une fois, on était au restaurant et en discutant je lui dis : « J’aimerais bien faire un clip » . Le président m’appelle un jour et me dit : « Va rejoindre ma femme, elle a fait un nouveau clip » . J’ai fait un clip avec elle. Ça, ça fait partie du folklore ! J’ai eu la chance dans mon parcours, même si je n’ai pas gagné des millions dans ma carrière, d’avoir des rencontres extraordinaires dans tous les sens du terme.
Propos recueillis par Dimitri Laurent