- C1
- Quarts
- Inter-Benfica (3-3)
Benfica : L’aigle perd ses plumes
Après avoir été éliminés de la Ligue des champions et au cours d'une saison jusqu'ici exceptionnelle, les Aigles n’ont plus qu’un seul objectif en tête : le championnat. Et tout laisse à penser que le pire des scénarios n’est pas à écarter.
« Au Benfica, rien n’est impossible. » António Silva ne croyait pas si bien dire quand il s’est présenté en conférence de presse la veille du match retour crucial face à l’Inter Milan en Ligue des champions. Du haut de ses 19 ans et de son mètre 87, le jeune défenseur portugais a froncé les sourcils et balayé tous les doutes autour des derniers mauvais résultats de son équipe. « À San Siro, nous allons faire tout ce qui a marché pour nous tout au long de la saison : jouer un excellent football, montrer notre ambition par le jeu, et essayer d’écrire l’histoire avec le SLB. » Sauf que voilà, après une troisième défaite de rang – une première pour la maison rouge lisboète depuis novembre 2018 –, les soldats de Roger Schmidt ne sont pas parvenus à se qualifier pour le dernier carré de la coupe aux grandes oreilles. De quoi rappeler deux choses à António Silva et à ses coéquipiers d’une des équipes frisson de la saison. D’abord qu’il ne faut jamais oublier le plus important : gagner. Ensuite que, oui, réaliser neuf mois formidables et voir le château de cartes s’effondrer à quelques semaines de la fin, c’est possible.
🎙️ @antonio_66s: "Neste clube não há impossíveis." #FCIMSLB • #UCL pic.twitter.com/Igic6Pp6ik
— SL Benfica (@SLBenfica) April 18, 2023
Une saison blanche ?
Le tacticien allemand avait beau assurer le contraire une poignée de minutes après le tirage au sort des quarts de finale de la C1, son équipe était bien favorite face aux Nerazzurri. La raison est simple : après avoir facilement écarté Midtjylland au tour préliminaire de la compétition, le SLB a survolé une poule relevée où se trouvaient la Juventus et le Paris Saint-Germain. Après les deux succès face au Club Brugge en huitièmes (7-1 sur l’ensemble des deux rencontres), Benfica quitte l’Europe avec un bilan honorable de six victoires pour une seule défaite en dix rencontres, tout en ayant marqué à 26 reprises. « Ça reste positif, nous faisons partie des huit meilleures équipes du continent et puis on est content d’avoir brisé la série (de défaites), c’était important. Maintenant, ça ne change rien, nous sommes éliminés », a confié Gonçalo Ramos au micro d’Eleven Sports à la fin du match prolifique (3-3) à Milan ce mercredi soir. Aussi le moral dans les chaussettes, Grimaldo s’est dit « triste » de quitter une aventure « où les joueurs avaient beaucoup d’ambition », avant de relever la tête et de penser à la course au titre du côté du Portugal. Là aussi, c’est une affaire qui aurait pu, qui aurait dû, être pliée depuis bien longtemps.
Si la déconvenue face à l’Inter est une manière de faire savoir aux Lisboètes, annoncés favoris, que l’expérience dans la compétition reine ne s’achète pas, elle a aussi le don de rappeler que la saison est loin d’être terminée. En plus d’avoir éloigné le doux rêve de fouler la pelouse d’Atatürk le 10 juin prochain en alignant deux performances décevantes, Benfica a aussi perdu toute confiance en Liga BWIN ces deux dernières semaines. En menant face au FC Porto le 7 avril dernier dans un Classico renversant (1-2), les coéquipiers de João Mário avaient provisoirement treize points d’avance sur leur dauphin et adversaire du moment. Après cette défaite et un surprenant revers à Chaves, alors treizième du championnat (1-0), les Benfiquistas ne comptent plus que quatre points d’avance. Et comme s’ils ne s’étaient pas déjà rendu la tâche compliquée en perdant toute confiance dans cette période de non-résultat, les Aigles devront gagner face à Braga et se déplacer au Sporting ou encore à Gil Vicente pour garder leur première place et ne pas tout gâcher. « Nous avons fait neuf mois et demi brillants jusqu’à présent, et la saison se terminera bien », avait lancé Rui Costa à l’aéroport avant le déplacement à Milan plus tôt dans la semaine. Se voile-t-il la face ? Avait-il tout simplement envie de galvaniser ses troupes après une série de rendez-vous manqués ? Le président du SLB se cache peut-être derrière ce qui pourrait être une bien triste réalité : celle de finir la saison sans aucun titre.
Schmidt et son football responsables ?
« Est-ce qu’on a peur après cette élimination et nos derniers résultats en championnat pour aller chercher ce titre ? Non, je ne crois pas, a repris le latéral Alex Grimaldo mercredi soir. Nous allons rester unis et remporter les matchs qui restent. Nous avons fait une grande saison, et il est impossible de tout manquer si proche du but. » Pour sa défense, Roger Schmidt, arrivé en juillet dernier sur le banc du Benfica, a réussi le tour de force de ramener le géant lisboète au milieu des grands en seulement quelques mois et donc de faire rêver tout son petit monde par un football fiévreux après une longue période de crise. Mais le coup de maître pourrait se transformer en fiasco si Schmidt ne ramenait rien de cette première année dantesque. Éliminé dès le premier tour de la Coupe de la Ligue par Moreirense – club de deuxième division portugaise – juste après la trêve internationale et le Mondial au Qatar, Benfica a aussi dit adieu à l’autre coupe – la Taça – dès les quarts de finale à Braga (2-1 AP). Sur tous les tableaux il y a trois mois, le SLB devra vite se relever pour éviter une nouvelle désillusion, rappelant la saison 2013-2013 où Óscar Cardozo, Eduardo Salvio, Nemanja Matić, Luisão, Ezequiel Garay et compagnie avaient perdu en finale de coupe, la première place du championnat et la finale de la Ligue Europa le même mois.
Le plus dur est peut-être que cette dégringolade est difficile à expliquer. Tous les cadors de Schmidt ont baissé de quatre-cinq degrés ces trois dernières semaines par rapport ce qu’ils ont proposé depuis juillet dernier. Un problème de fatigue ? Une mauvaise gestion du stress dans les moments importants ? Trop d’anxiété à l’approche de la fin de la saison ? C’est peut-être tout ça à la fois. Dans un 4-2-3-1 ou un 4-4-2 avec ballon très agressif, qui vit entre bloc médian et bloc haut, moins extrémiste qu’à Salzbourg, mais où chaque homme reste au service de l’autre pour permettre à l’ensemble de jouer la même musique, où les lignes sont serrées et où l’objectif est de grignoter temps et espace à l’adversaire en lui imposant une grosse densité côté ballon, le football schmidtien demande énormément d’efforts mentalement et physiquement. Si certains amoureux du Benfica s’en prennent à la direction pour avoir laissé filer Enzo Fernandez, si important dans ce groupe et dont l’absence laisse un grand vide dans l’entrejeu des Benfiquistas, d’autres pointent du doigt la mauvaise gestion de l’effectif par Schmidt, ne profitant pas de sa profondeur de banc. Essoré après une si longue saison, le groupe de treize, quatorze joueurs utilisés par l’ancien entraîneur du PSV Eindhoven semblent manquer d’idées et ne plus trouver de solutions pour surprendre ses adversaires. Le seul changement effectué par Schmidt au match aller de ces quarts de finale (Neres pour Florentino) témoigne tout de même d’un aveu de faiblesse et va ainsi dans ce sens. « Si nous n’avons pas confiance en nous après la saison que nous sommes en train de faire, nous n’aurons jamais confiance en nous, s’est défendu l’homme de 56 ans, pressé de disputer les six dernières finales de la saison. Nous avons encore notre destin entre nos mains. Cette période nous rendra plus forts. Nous devons montrer que nous savons gérer ces défaites. C’est ça, la vraie marque de fabrique des champions. » En avril 2013, l’entraîneur de l’époque Jorge Jésus avait aussi dit ça…
Par Matthieu Darbas