- Journée mondiale des premiers secours
Bénévoles et premiers sur les secours
Ils sont sur les bords des terrains, y entrent rarement, ne touchent jamais le ballon. En revanche, ils peuvent sauver des vies. Les premiers secours du foot sont des anges gardiens discrets.
Deux minutes. C’est le temps pendant lequel le cœur de Claude François s’est remis à battre, le 11 mars 1978. C’est aussi l’intervalle de temps pendant lequel ses chances de survie auraient été multipliées par dix si un massage cardiaque et un bouche-à-bouche avaient pu lui être administrés juste après son électrocution. Matt Pokora ne lui rend pas forcément hommage avec ses reprises, mais il a peut-être tiré ses réflexes du décès de Cloclo. Quand, le 19 mai dernier, il se précipite sur un David Ginola en plein malaise cardiaque, il lui sauve tout simplement la vie de quelques compressions bien senties. L’ex Linkup devient l’égérie de ceux dont on parle moins, mais qu’El Magnifico n’oublie pas de remercier : « Les premiers secours ont été évidemment très importants. Les massages cardiaques prodigués par tous mes amis qui étaient sur le terrain, le SAMU, les médecins et les infirmières qui ont fait tout ce qu’il fallait, ont permis que je sois ici devant vous. » Pour son retour sur les plateaux télé, Ginola le sait mieux que personne : au-delà du show, il y a la vie. Et ses anges gardiens.
Le pourcentage qui change tout
Dans la vie comme dans le foot, le monde se divise en deux catégories, « deux cadres qui n’ont rien à voir » , selon le docteur Maillé, à la direction du Centre médical sportif de Clairefontaine. « Pour les amateurs, au quotidien, il n’y a rien. Dans un club de PH parisienne, il n’y a rien d’autre que madame et monsieur Toulemonde. » Pourtant, si le sport est bon pour la santé, il peut aussi être fatal. Douze décès sont à recenser sur les terrains de France pour l’année 2012. Alors la Fédé s’appuie sur les ligues et les districts pour former « au moins un dirigeant, un entraîneur ou un arbitre par club » . Et lance des campagnes de formation aux gestes qui sauvent en cas de commotion cérébrale, ou contre la mort subite. Quand elle n’apprend pas, au contraire, qu’il ne sert généralement à rien d’avoir recours aux premiers secours devant une crise épileptique.
De l’autre côté de la pyramide, on trouve Franck Le Gall, le doc de l’équipe de France. Lui est « un privilégié. En sélection nationale, il y a toujours un médecin urgentiste, trois ou quatre secouristes, un véhicule, éventuellement un lit réservé dans les services d’urgence pour les matchs internationaux » . Dans 99 % des cas, il sera à peine utilisé. D’abord car « neuf fois sur dix, c’est « T’as mal ? Tu vas bien ? Tu reprends. » » Ensuite parce que, pour les blessures traditionnelles, la médicalisation est rarement urgente : « Pour Fekir au Portugal, quand il se fait son croisé, il est parti avant la mi-temps passer l’IRM, il est revenu avant la fin du match » , remet Le Gall. « On avait l’examen clinique qui laissait entendre qu’il avait un croisé, l’IRM qui nous montrait le croisé et pas grand-chose à côté à part un bout de ménisque, à partir de là on avait tout le dossier. » Et puis, il y a le 1 % qui change tout. Parce que Fabrice Muamba est une exception.
« Les mecs font les durs, ils veulent continuer avec une cheville cassée »
Des épisodes rares, donc précieux. Il faut alors compter sur des mecs sûrs, aux gestes bien ancrés. Florian Douville est l’un de ceux-là. Bénévole à la normande ADPSE, pour Association des dispositifs de premiers secours de l’Estuaire, il prend normalement son poste au bord du terrain du Havre AC, au stade Océane. Mais, mardi dernier, il lui a fait une infidélité avec Michel-d’Ornano et les Bleuets, contre l’Islande : « Et là, c’est plus cadré ! Il y a une personne de l’UEFA qui contrôle tout, on a un emplacement bien précis, on ne peut pas bouger. C’est dur d’avoir des contacts avec les joueurs. » Car, quand on ne se paie qu’en passion et en satisfaction de servir la communauté, les petits plaisirs ne se refusent pas. Et ceux de regarder les matchs aux premières loges ou de croiser les joueurs en font partie. Sur les terrains de France, les secouristes – « formation PSE 2, avec gestes de premiers secours, relevage et brancardage » – interviennent bénévolement. Malgré la pression : « Ah oui, quand tu es devant tout un stade, quand tu passes à la télé, faut pas faire tomber le brancard ! Après, les gestes sont bien intégrés, ils viennent tout seuls. » Ce qui a évité, jusqu’ici, à Florian de se retrouver dans une compilation sur fond de Carmina Burana.
Mais si les accidents sur les terrains professionnels sont rares, il en va autrement lorsqu’on descend de niveau. Ou lorsqu’est joué un tournoi de dockers : « On a pas mal bossé, là » , sourit le secouriste. « Les mecs font les durs, ils veulent continuer avec une cheville cassée, puis ils reviennent : « Tu peux m’emmener à l’hôpital s’il te plaît ? » C’est pas forcément de l’urgence, mais ça fait partie du job. » Un job précieux, qui ne se limite pas aux terrains de foot, pros ou amateurs, pour s’étendre à tous les événements d’importance. Comme l’Euro et ses fans zones : « T’es toujours occupé, avec la chaleur, les bagarres… Un but, tu sais que tu vas avoir du travail dans les dix minutes. Le plus impressionnant, ça a été le mouvement de foule pendant la finale : d’un coup, on est passés de 10 à 700 victimes. Là, tu rentres dans le secourisme de catastrophe. » Ce jour-là, ceux qui ont eu le malheur de se retrouver au mauvais endroit ont aussi eu double ration de chance : ils ont pu compter sur des personnes dévouées à intervenir dans l’urgence, parfois à sauver des vies. Et ces personnes sont les mêmes qui veillent sur Mathieu Duhamel chaque week-end. En d’autres termes, des pros.
Par Eric Carpentier