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Benevento-Inzaghi, le mariage réussi
Confortablement installé aux portes du top 10 de la Serie A, Benevento réussit son come-back dans l'élite italienne trois ans après y avoir goûté amèrement pour la première fois. Un retour en force que le promu doit en partie à son coach, Filippo Inzaghi, qui a enfin trouvé un terrain de jeu où il peut s'exprimer pleinement au plus haut niveau dans son nouveau costume. Avant un match couperet face au Torino ce vendredi, décryptage d'un mariage (pour le moment) heureux.
Au sortir d’une surprenante déroute à Crotone (4-1) mi-janvier, Filippo Inzaghi est en colère et décide de mettre les points sur les « i » : « Je suis fou en pensant que l’on a perdu ce match, alors que l’on a tiré dix-sept fois pour un seul but marqué.(…)En début de saison, on nous a d’abord dit que nous étions condamnés d’avance à la relégation, puis finalement, on nous a annoncé par la suite comme candidat à l’Europe. Moi, je crois surtout que nous ne devons pas faire l’erreur de jouer en fonction des commentaires. » La colère est froide, mais légitime à tous les étages, tant son Benevento a été loué plusieurs semaines durant aux quatre coins de la Botte pour son début de saison canon. Mais après cette deuxième claque en Calabre, qui s’est ajoutée à celle reçue face à l’Atalanta sur le même score quelques jours plus tôt, Inzaghi le sait : s’endormir pourrait faire fondre le précieux matelas acquis lors d’une phase aller inespérée il y a six mois.
Po ou Pippo ?
Il ne faut pas non plus s’y tromper : le coup de sang d’Inzaghi est également dû à un scénario cauchemar qui a vu Crotone inscrire quatre pions en cadrant seulement… trois tirs. Une inefficacité des siens dans les deux surfaces qui coûte cher, puisque son Benevento n’a pris que trois points lors des quatre dernières journées. Depuis le début de la saison, son équipe possède une statistique hors du commun pour un promu : elle a déjà tiré 322 fois au but en 18 matchs (soit une moyenne de 18 tirs/match) pour « seulement » 21 buts inscrits. Deux enseignements se dégagent de ce constat : d’une part, il manque un réel buteur à Benevento et ce n’est pas l’actuel bomber en chef Gianluca Caprari et ses quatre buts qui diront le contraire. Mais surtout, Inzaghi a trouvé la formule pour continuer à créer du danger à l’échelon supérieur. Et ça, ça n’a pas de prix.
Après des premières expériences qui ont fait « pschitt » à Milan et Bologne, l’ancien bomber rossonero est de retour en Serie A bien décidé à tout casser. Depuis son arrivée à l’été 2019 au cœur de la Campanie, il a brillamment fait monter en Serie A pour la deuxième fois de son histoire Benevento en roulant sur la Serie B avec des records à la pelle. Mais, vécu oblige, Pippo n’a pas oublié non plus le passé récent du club et cette première saison 2017-2018 chaotique en Serie A. Et a donc logiquement décrété la mission commando d’entrée, assortie d’une cure d’humilité : « Je ne suis pas là pour promouvoir mon produit, attaquer, envoyer mes joueurs au casse-pipe afin qu’on parle bien de moi, expliquait-il à L’Équipe. L’an dernier, on a pratiqué un jeu offensif, car on pouvait se le permettre, on était l’une des meilleures équipes de Serie B sur le papier. Cette année, on a un style différent, l’important est que mes joueurs progressent. » Et ça marche : Benevento est allé chercher des succès précieux face aux habitués de l’élite (Sampdoria, Fiorentina, Udinese…) et a notamment accroché la Juve ou la Lazio dans son antre du Ciro-Vigorito pour confortablement s’installer aux portes du top 10.
« Nous sommes des rookies, on sait d’où l’on vient »
Arrivé cet été à Benevento, comme de nombreux autres vieux routiers de Serie A tel que l’ancien Monégasque Kamil Glik, Bryan Dabo abonde : « Je pense que le club a appris de cette première saison dans l’élite pour revenir beaucoup plus fort. Et pour créer un groupe. Aujourd’hui, s’il nous manque 4 ou 5 joueurs, on n’est pas inquiets, car on a un groupe qui a complètement intégré les principes de jeu. » Ces principes, dans les grandes lignes, les voilà : un 4-3-2-1 qui permet à Inzaghi d’avoir une grande densité au milieu, de se projeter rapidement vers l’avant, mais également d’avoir du monde à la sortie du ballon autour de sa machine à laver, Pasquale Schiattarella. « Ce système nous permet d’être dense au milieu, de passer de trois à cinq joueurs dans ce secteur, car on joue avec des milieux excentrés qui rentrent souvent à l’intérieur, explique Dabo. Et en même temps, on n’a pas le choix : il n’y a pas de Cristiano Ronaldo ou de Paulo Dybala dans l’équipe. Ça nous force à l’entraide sur le terrain, on n’envoie pas tout valser quand on perd un match. Lorsqu’on a pris 5-2 à la maison contre l’Inter, derrière, on a réagi en allant gagner à Bologne. Même contre le Milan, le Napoli ou la Roma, ce ne sont pas des matchs où l’on méritait forcément de perdre à chaque fois. »
Cette unité, Bryan Dabo, passé par la Fiorentina ou encore la SPAL en Italie, explique qu’elle prend sa source dans le travail quotidien demandé par Inzaghi et son staff : « Mister Inzaghi veut un investissement total sur et en dehors du terrain. Les entraînements sont tellement intenses que, quand je rentre chez moi, généralement je dors ou je reste tranquille, mais je ne prévois jamais rien l’après-midi, car je peux repartir au centre d’entraînement à tout moment. Il est proche des joueurs et, parfois, il nous raconte quelques anecdotes du temps où il jouait. Un jour, il y avait un défenseur qui ne s’était pas lavé pendant trois jours exprès pour que, lorsque Inzaghi s’approcherait de lui, il sente qu’il pue. » Peut-être une idée à creuser pour sa charnière centrale. Mais sa fierté, Inzaghi la trouve de toute façon ailleurs que dans le résultat : « Nous sommes des rookies, on sait d’où l’on vient, ce sera compliqué de se sauver, mais on profite de ce moment. Benevento est une équipe que tout le monde craint, et ça, c’est la plus belle reconnaissance, peu importe comment ça se finira. » Bonne nouvelle au passage : avec 21 points déjà engrangés, le club a déjà égalé son total de points d’il y a trois ans lors de sa saison de dépucelage en Serie A. Une saison qu’elle avait commencée par… 14 défaites en 14 journées. Comme quoi, cela ne veut rien dire de louper sa première fois.
Par Andrea Chazy
Tous propos recueillis par AC, sauf mentions.