ACTU MERCATO
« Benedetto a un canon à la place du pied droit »
C'est fait! Après des semaines de tractations et un chèque de quatorze millions d'euros, Darío Benedetto sera bien le nouvel attaquant de l'OM. Jusqu'à présent, l'Argentin de Boca Juniors, reste encore méconnu en Europe, qu'il découvrira pour la première fois à 29 ans. Du coup, on a demandé à trois journalistes argentins de nous parler du Darío Benedetto qu'ils ont suivi, parfois loué, parfois critiqué. Plutôt confiants sur les qualités de « Pipa », des doutes entourent cependant son état de forme...
Diego Borinsky, journaliste pour La Nación et Cadena 3 Argentina
« Benedetto est un joueur qui est très technique, il a une palette très large. Il est capable de mettre des buts du talon, des lobs, des frappes lourdes de 35m… Il peut vraiment tout faire. Il a commencé dans tout un petit club en Argentine, l’Arsenal de Sarandí et quand le Boca de Schelotto l’a acheté pour cinq millions en 2016, tout le monde disait que c’était une énormité. Mais il a surpris tout le monde ensuite.
Pourtant, il a commencé par une série de cinq, six matchs durant lesquels il n’a pas mis un but. Mais il a ensuite eu un déclic pendant une partie contre Quilmes, où il met un triplé. Une talonnade, une frappe de l’extérieur de la surface et un de la tête, tous en première mi-temps ! A partir de là, il a eu des statistiques exceptionnelles. Pour beaucoup, c’est le meilleur neuf connu par Boca depuis la retraite de Martín Palermo. Après, il a eu des bas, il s’est blessé en mars 2018 : rupture des ligaments croisés. C’était pourtant probable qu’il joue la Coupe du monde, il a été arrêté six mois et il a eu du mal à revenir au niveau. À l’extérieur du terrain aussi, il a eu des attitudes qui ont été pas mal critiquées en Argentine, surtout vis-à-vis de River. Par exemple, pendant les fêtes de Pâques, il s’est affiché en train de casser une poule en chocolat pour provoquer les supporters de River Plate (Las Gallinas est un surnom des joueurs de River et signifie « poule » en espagnol). Et cela s’est parfois répercuté sur son jeu. Son adaptation en Europe ?
C’est un joueur qui a vingt-neuf ans, ce n’est pas un petit jeune et il a une forte personnalité, ce n’est pas ça qui lui manque. Il y a beaucoup de qualités dans ce joueur. Le garçon a su répondre avec Boca et su gérer toute la pression que cela implique, donc à Marseille il saura faire. Il a joué et gagné des duels à couteaux tirés entre River et Boca Juniors. Il y avait énormément de pression et il a quand même claqué cinq buts en demi-finales et finales de Copa Libertadores. L’inconnu reste plus le rythme, sa condition physique car il n’a pas fait une bonne présaison. Après, il faut attendre de le voir jouer avec Marseille. Mais ça m’a clairement surpris que le club s’intéresse à un joueur aussi âgé. En général, les clubs européens cherchent plutôt des joueurs de 22 ou 23 ans. Mais pour résumer : la technique et la personnalité pour réussir en Europe, il les a. Les inconnues concernent sa condition physique et sa forme » .
Nicolás Migliavacca, journaliste pour Olé
« Benedetto est un joueur de premier rang. C’est certain que sa dernière saison à Boca est loin d’être sa meilleure, du fait de plusieurs blessures. Sur le dernier semestre, je crois qu’il a marqué un seul but en neuf matchs.
C’est peu pour un goleador « létal » comme lui. Mais il a clairement été un des buteurs les plus importants de Boca et par moments, je crois qu’il a même dépassé Martín Palermo. Pour moi, c’est le principal artisan du Bicampeonato remporté par Boca, avec Cristian Pavón. Aujourd’hui, c’est un peu différent. Il s’en va d’une manière un peu étrange. Il s’est exprimé ce vendredi dans les médias après une longue absence et ne s’en va pas de la meilleure manière, en particulier avec les supporters. Il n’a pas pu dire au revoir sur le terrain au public de Boca, comme a pu le faire Nandez, également sur le départ. Mais à 29 ans, il va pouvoir réaliser son rêve qui était de jouer en Europe. Je crois que le départ en Europe est un grand défi pour Benedetto, mais comme l’a été son arrivée à Boca finalement. Là-bas, il a été à la hauteur des attentes et je considère qu’il peut s’imposer à Marseille. Je pense que ce changement d’air sera très positif pour lui, avec tout ce qu’il s’est passé en Copa Libertadores, cela a été assez lourd à porter. Il a en tout cas de nombreuses qualités et il est polyvalent : il n’a pas peur du contact, il adore décrocher, il a une bonne vision du jeu et apprécie aussi de jouer dos au but. C’est un attaquant qui aime toucher le ballon régulièrement et il a vraiment une grosse qualité : sa frappe de balle. Il a un « canon » à la place du pied droit. »
Marcos Villalobo, journaliste pour La Nueva Mañana de Córdoba
« Pour moi, c’est avec Lucas Pratto de River Plate le meilleur attaquant du championnat argentin que nous avons eu ces dernières années. Le fait de jouer à Boca l’a fait passer dans une autre dimension mais il avait déjà des bonnes statistiques lors de ses expériences au Mexique. Il a un bon sens du but tout en étant très à l’aise dans le jeu. Sans ballon, on a également pu voir de bonnes choses avec Boca.
Il sait faire beaucoup de choses et il a aussi su supporter la pression énorme qu’il y a dans un grand club. Et jouer à Boca, c’est comme faire un Master en gestion de la pression. Je pense qu’il peut réussir à Marseille. Il arrive à un bon moment en Europe mais en ce qui concerne l’adaptation, l’histoire de Dario Benedetto laisse penser que ça ira sans problème. Après, sa blessure lui a fait perdre le rythme. Depuis, c’est un peu comme si son pouvoir offensif s’était estompé. Dans la tête, il est très fort, mais il ne faut pas qu’il tarde à marquer dès son arrivée à Marseille, pour la confiance, c’est très important. Il arrive dans un contexte nouveau. À Boca, il était très apprécié par les supporters et entretenait une rivalité personnelle avec River, il y avait une sorte de confort entre guillemets. Benedetto n’était pas du tout aimé par les supporters des autres clubs à cause de l’extrasportif, de frictions sur le terrain avec des joueurs de River. Cela n’est jamais vraiment retombé d’ailleurs. Mais il était très apprécié par les supporters Xeneizes. Je sais que Marseille est un club avec une ferveur populaire forte. S’il arrive à retrouver cela là-bas, ça peut aussi être quelque chose qui le pousse beaucoup. J’ai la sensation que c’est un joueur qui a besoin d’avoir l’appui de son public. »
Propos recueillis par Victor Launay