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Benatia de gala
Soldat réserviste de Massimiliano Allegri depuis son arrivée à la Juventus, Mehdi Benatia semble désormais prêt pour s'imposer comme le nouveau lieutenant de la défense des Bianconeri. Et à exorciser la Vieille Dame du souvenir pesant de Leonardo Bonucci. Sacré défi.
Pas toujours facile de combler le vide laissé par une absence de marque. Massimiliano Allegri a dû l’apprendre à ses dépens. Après le départ de Leonardo Bonucci, le Mister juventino a tâtonné dans tous les sens pour que la Vieille Dame retrouve un équilibre défensif solide. Après quelques ratés, voilà qui est chose faite : les Piémontais restent sur une série de sept matchs sans encaisser le moindre pion. Notamment grâce à l’émergence de Mehdi Benatia, qui pourrait bien enfin s’imposer sur la durée chez un mastodonte du football européen. Une ambition à laquelle s’accroche le stoppeur marocain et qui l’avait incité à quitter la Roma pour le Bayern en 2014.
Le nouveau chouchou de Barzagli
Élu joueur du mois de novembre par les tifosi juventini, Mehdi rayonne. Impérial face à Naples et l’Inter en Serie A, intraitable face à Barcelone en C1, il a tracé sa route pour s’imposer au sommet de la hiérarchie des défenseurs centraux d’Allegri. Un chemin qui s’annonçait pourtant embouteillé vu le CV de ses concurrents directs, Daniele Rugani et Andrea Barzagli. Finalement, le premier, titularisé en début de saison, ne s’est pas affirmé à la hauteur des espérances qu’il suscite, tandis que le second, bien que toujours performant, accuse le poids de ses 36 printemps. A contrario, Benatia, qui reste sur six titularisations sans prendre de but avec la Juve, n’a jamais semblé aussi fort depuis qu’il a débarqué dans le Piémont en 2016. Et semble progressivement s’imposer dans les esprits comme celui qui doit reprendre le flambeau dans l’axe, aux côtés de Chiellini. Pour Andrea Barzagli, les jeux sont d’ailleurs déjà faits : « Mehdi est notre nouveau Bonucci. Pour nous, Leonardo était un point de référence… Mais Mehdi est capitaine de son équipe nationale, il a joué au Bayern et il montre qu’il ne lui manquait qu’un peu de sécurité pour prouver qui il est réellement. Il est enfin à son meilleur niveau et a compris l’importance qu’il a dans cette équipe. »
Mehdi l’ambitieux
Un statut de référent en club qui fuyait jusqu’ici le capitaine des Lions de l’Atlas. Du moins, depuis qu’il avait décidé de s’imposer dans la cour des grands. Retour en mai 2014. Le Marocain vit alors une romance accélérée avec la Roma et est considéré comme l’un des tout meilleurs défenseurs de la Serie A depuis son transfert en provenance de l’Udinese, un an plus tôt. Au sommet de son art, Benatia est même élu meilleur joueur de la saison par les tifosi du club. Mais l’ancien Frioulan vise plus haut. « J’ai discuté avec les dirigeants d’une prolongation qui ne va pas aboutir, parce qu’on n’est pas du tout d’accord… Je me sens bien à la Roma, avec le coach et mes coéquipiers, mais j’ai 27 ans et j’arrive à un âge où les très grosses propositions des très grands clubs font réfléchir… » Des très grands clubs comme le Bayern, qui débourse près de trente millions d’euros pour le rapatrier en Bavière. Mais les ambitions de Benatia vont s’échouer sur le monolithe munichois. La faute à des performances irrégulières et surtout à une suite sans fin de blessures, qui le tiendra éloigné des terrains en tout et pour tout deux cents jours lors de ses deux saisons en Allemagne.
Les feux de la rampe
Il aura finalement fallu que Benatia retrouve la Botte pour se refaire une santé, mentalement comme physiquement : « Signer à la Juve, je l’ai fait pour ma famille, le mode de vie, le championnat, tout… Je me sens plus proche de la mentalité italienne que de celle allemande. » Le tout en continuant de progresser, en se frottant à ce qui se fait de mieux au niveau continental. Et tant pis s’il doit un temps se résigner à n’être rien de plus qu’une doublure de luxe. « La concurrence ? Si j’avais voulu l’éviter, j’aurais pu retourner à l’Udinese, où j’étais très bien. Je voulais me remettre en question, progresser et je suis heureux d’avoir des coéquipiers qui sont tous les trois des monstres défensifs : Bonucci, Barzagli et Chiellini, mais aussi Rugani qui sera selon moi le futur de l’Italie… » , lâchait-il l’année dernière.
Une lente reconstruction, dont on peut voir aujourd’hui les mérites au grand jour, alors que le départ de Bonucci laisse au Marocain l’opportunité d’exprimer sur la durée ses qualités. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, Benatia a aussi réussi à satisfaire ses ambitions avec sa sélection, qu’il a qualifiée pour son premier mondial depuis 1998 : « C’est le plus beau moment de ma carrière. Si vous me demandez : est-ce que la qualification au mondial m’a donné une joie intérieure, un enthousiasme incroyable et une motivation ? La réponse est oui. » De quoi peut-être permettre au Marocain de former, à terme, une BBC d’un nouveau genre avec Gianluigi Buffon et Giorgio Chiellini. Une éventualité déjà soulignée par Allegri lors du dernier exercice : « Nous avons un tas de BBC : Buffon, Bonucci et Chiellini par exemple. Ou Benatia. » Une boutade qui a depuis pris corps. Car, trois ans après avoir quitté Rome, Mehdi Benatia semble désormais fin prêt à plonger dans le grand bain.
Par Adrien Candau