- Révolution en Tunisie
Ben Khalfallah : «Faut que ça évolue»
Fahid Ben Khalfallah est un mec cool, sympa, et sans langue de bois. Un garçon qui commence à trouver ses marques, aussi, au sein du collectif bordelais, avant le déplacement à Lyon, dimanche. Mais « FBK », c'est surtout un type qui a une conscience politique et qui se fout pas mal du « qu'en-dira-t-on ». Ben Ali n'a qu'à bien se tenir.
L’actualité, c’est l’annulation de la rencontre amicale que la Tunisie devait disputer en Algérie. Comment avez-vous vécu cela ?
Nous, joueurs, nous n’étions pas trop concernés… Le dictateur, on va dire ça, ne mettait pas trop son nez là-dedans (le milieu du football, ndlr). C’est tant mieux pour tout le monde qu’il soit enfin parti. Maintenant, cela rejaillit sur d’autres pays, avec un effet domino. Concernant le foot, c’est surtout dans le championnat local que ce n’est pas évident, avec pas mal de présidents qui doivent être dans les magouilles… Et si l’on prend l’Espérance (de Tunis), dont le président était bien avec Ben Ali…
C’est-à-dire ?
Ben, on sait très bien comment ça peut se passer : quelques magouilles, quelques billets sous le bureau, et ça va vite ! Mais en sélection, nous n’étions pas concernés. Honnêtement, moi, je ne l’ai jamais vu (Ben Ali) et jamais rencontré.
Et ce match ?
Il a été annulé parce qu’en Algérie, le climat n’est pas non plus serein. C’est tant mieux, même si ce qui m’embête, c’est de ne pas aller en sélection car c’est toujours un plaisir de retrouver les joueurs.
Comment voyez-vous la suite ?
Il faut qu’il y ait des élections le plus rapidement possible, en espérant que ce ne soit pas des gens du Parti RCD (Rassemblement Constitutionnel Démocratique) qui se représentent, et qu’il y a ait enfin une démocratie, parce que ce pays le mérite vraiment. Ce qui est malheureux, c’est que tout le monde parle maintenant…
« Tout le monde » ?
Ce qui m’énerve, c’est que les politiques français en parlent maintenant, alors que cela fait 23 ans que ça dure, sans que jamais personne n’ait osé en parler ! Ici, il n’y a qu’Alliot-Marie qui l’a fait… (Rires)
Votre famille a-t-elle connu des problèmes ?
Mes cousins et mes oncles, là-bas, ont au départ surtout eu peur des pillages, mais après, l’armée a protégé le peuple et calmé tout ça. Mais le climat n’est pas serein… Il y a quinze personnes au gouvernement, et c’est marrant de voir qu’ils veulent désormais changer de parti ! Faut vraiment que ça évolue… mais pour ça, le gouvernement français va les aider ! Après, mes parents et mes frères sont ici, donc c’est rassurant.
Et vous n’avez pas peur que votre liberté de parole vous joue des tours ?
Ah mais moi, je l’ai toujours eue ! Je vis ici, en démocratie… enfin pour l’instant, parce que vu la ministre des Sports avec Laurent Blanc… (Rires) Moi, j’ai la chance de l’avoir, et c’est plus facile de dire ça en France, mais là-bas, personne ne l’avait, pas plus que celle de la presse, puisque le président avait la mainmise sur tout. J’ai la chance de vivre ici de pouvoir dire ce que je pense. Alors, que ça plaise ou pas, ça ne changera rien. De plus, je suis international et reconnu là-bas, donc sur moi, ils ne peuvent pas grand-chose.
On vous sent amer…
Les politiques français m’ont déçu, en ne parlant pas, sachant que la Tunisie est peut-être le pays le plus ami au niveau de l’Afrique, avec la France. En fait, personne n’était au courant que c’était une dictature (ironique, ndlr)… Sauf que quant on arrive à l’aéroport, il y a juste des panneaux de quinze mètres sur quinze avec le président dessus, et une propagande énorme, ce que personne n’a jamais vu ! Je trouve ça malheureux, mais on n’y connait rien…
… Et engagé…
Que je sois de droite ou de gauche, franchement… Ceux de la Gauche qui en ont profité pour manifester avec les gens, c’était juste pour dire que ceux du gouvernement de Droite n’avaient pas fait ce qu’il fallait ! Les politiques, tous des arnaques !
Propos recueillis par Laurent Brun, à Bordeaux.
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