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Ben Arfa, la nouvelle quête inachevée
Touché par la nouvelle prestation inconsistante du Stade rennais en Ligue 1 dimanche contre Guingamp, Hatem Ben Arfa a laissé entendre que son histoire bretonne s'arrêterait en fin de saison. Une nouvelle page à tourner.
Entre son amour de la chronique, pour la faire et la défaire, son désir de liberté et son rejet de toute forme de normalité, Hatem Ben Arfa avait prévenu dès le début du mois d’avril, dans un entretien donné à L’Équipe : « Je ferai le bilan en mesurant ce que le club veut faire, ou un autre club, et en analysant bien tous les paramètres pour pouvoir prendre ma décision, mais ça va partir du plaisir. » Attaché à sa conception du jeu, le bonhomme avait également profité de l’enregistreur allumé sous son nez pour préciser ce qu’il entendait justement par « le plaisir » . Extraits : « Aujourd’hui, je pense qu’on pourrait être plus dans le toque, c’est vraiment ça le plaisir à mon sens. Le plaisir, pour moi, ce n’est pas le dribble. Le foot du plaisir, c’est : tu passes, une-deux, une-deux, tu donnes et tu la remets. Et ça, parfois, dans la saison, je ne l’ai pas trop retrouvé. Parfois, j’ai eu de la frustration d’être sur le terrain quand je ne ressortais pas en me disant : ah, je me suis régalé… Parce que pour moi, le foot, c’est le plaisir, les gens viennent pour en prendre, donc quand tu en as, tu gagnes les matchs, tu joues mieux et quand tu ne l’as plus, c’est problématique et frustrant. »
Merci, au revoir
Dimanche après-midi, Ben Arfa était sur le gazon du Roazhon Park. Le Stade rennais affrontait Guingamp pour un match qui ne comptait que pour les autres, et le meneur de jeu breton a fini la journée en restant sur sa faim et avec un goût de trop-peu. Insatisfait et inaccompli, celui qui rêve de bosser dans une Ligue 1 où les entraîneurs seraient des gens « dans la consistance, pas dans l’esbroufe » a alors noué sa serviette et s’est mis à table. Avant de la retourner : « Je ne prends pas de plaisir.(…)On est peureux dans le jeu. Quand on joue à domicile contre les derniers, il faut qu’on soit plus conquérants. Quand on mène 1-0, on n’a pas le droit de se faire remonter de la sorte et presque perdre. Si on en est là, ce n’est pas pour rien. » Encore ? Oui, encore. « À un moment donné, si tu veux passer un cap et progresser, tu ne peux pas te permettre d’avoir cet état d’esprit. Je suis orienté par le jeu et ces derniers matchs me permettent d’avancer dans mon cheminement pour la saison prochaine. » En Hatem Ben Arfa, cela veut dire merci, au revoir. Et comme souvent, c’est à lui de poser le point final.
Le football à l’orgueil
Pour se démarquer et affirmer de nouveau sa différence, Ben Arfa s’expose, se met sous les feux et n’a pas peur de l’ouvrir. Pourtant, on se dit aujourd’hui que son histoire rennaise ne change en rien des autres : accueilli comme un cadeau début septembre, le Français va repartir de Bretagne sans avoir su créer le manque, en ayant livré une saison irrégulière dans les performances et en mettant son nez dans quelques conflits (des sifflets reçus contre Reims fin octobre, une mise au vert séchée en février parce qu’il était « épuisé » , une embrouille avec Benjamin Bourigeaud en novembre…). Cette saison, comme à Newcastle, où Alan Pardew disait que Ben Arfa avait « un incroyable talent » , mais qu’il ne s’en « servait pas » , à Nice, où Claude Puel était arrivé à la conclusion que tout était « allé trop vite pour lui » et que personne n’avait « pris le temps de le construire » , ou à Marseille, d’où il était reparti dans le chaos et en retournant le bureau de Dassier, il n’y aura eu bien souvent que de l’intermittence. C’est le malheur d’un joueur qui a aujourd’hui 32 ans, mais aussi sa singularité : Hatem Ben Arfa est un type qui avance à l’instinct, qui se sent souvent habité d’une injustice profonde et qui se pense inconsidéré. Alors, lorsqu’il est contrarié, il part, encore et encore. Demain, il reviendra sûrement renvoyer à l’orgueil son potentiel. C’est ce qu’il avait fait à la folie du côté de Nice, ce qu’il n’aura pas vraiment réussi à recréer à Rennes, d’où il va repartir avec neuf buts marqués et six passes décisives toutes compétitions confondues, malgré un cadre tactique taillé pour son expression technique.
Après la victoire en finale de la Coupe de France, Julien Stéphan n’avait pas dit autre chose : « Hatem a un rôle central dans notre équipe. Mais, mon souhait, c’est qu’il soit heureux. Car quand il est heureux sur le terrain, son génie ressort. » Aujourd’hui, Hatem Ben Arfa ne l’est pas et ne s’en cache plus. Alors, le fantasme va repartir et le mystère avec : personne ne sait où ira se produire demain le « magicien » , mais il aura une nouvelle fois décidé de se faire disparaître lui-même du décor. En janvier 2009, cela avait donné ceci dans la bouche de José Anigo : « Hatem est dans un monde professionnel tout en vivant comme un amateur. Ce n’est pas au sens péjoratif, mais dans le sens d’insouciant. Il ne veut pas s’imposer de contrainte, c’est la passion qui prime. » Toujours dans L’Équipe en avril, Ben Arfa renforçait même l’affirmation et se demandait s’il continuerait sa carrière. « Si je ne trouve pas un truc bien, je peux arrêter, disait-il alors. S’il n’y a pas un truc qui m’excite. Sinon, je continue, je marche au plaisir. » Encore le plaisir, toujours le plaisir, ce même truc qui continue de donner au numéro 18 breton un côté sympathique et désarmant, au point de partir avec le sourire là où il enregistrait des vidéos sur Instagram il y a un an. Cette fois encore, les conditions pour briller étaient alignées, mais le footballeur alternatif aura repris le dessus. Une nouvelle page va se tourner : le mystère Hatem Ben Arfa continue.
Par Maxime Brigand