Le gros souvenir de l’Euro 84 pour vous, c’est le but en finale…
Déjà, c’est ce que tout le monde retient, mais j’ai un gros souvenir de l’ambiance dans notre groupe. On était vraiment solidaires, on s’encourageait beaucoup. On était une équipe de copains, on pouvait tout se dire. On déconnait pour dédramatiser les matchs. Le fait de plaisanter nous permettait de ne pas être bouffés par la pression de l’événement, alors qu’on sortait d’une demi-finale de Coupe du monde et qu’on était attendus. On était pratiquement donné favoris, on joue à la maison, donc on ne pouvait pas se permettre de perdre. Jouer chez soi, c’est bien, mais si vous faites un mauvais match, après le doute s’installe, la pression devient écrasante. Le Brésil 2014 a explosé à cause de ça. On mettait de l’ambiance dans le groupe pour évacuer cette pression, surtout qu’on avait 1h30 tous les jours à parler avec les journalistes. Donc on avait besoin de sortir de cette routine.
Vous vous sentez comme l’un des joueurs clés de la campagne grâce à ce but en finale ?
Tous les joueurs ont été importants, ainsi que l’entraîneur et son staff, c’est ça la réussite de cette équipe. On a formé une équipe soudée, sans faille. On se disait tout avant, pendant et même à la mi-temps des matchs. C’est une réussite globale. Si on doit prendre un joueur, c’est Platini, car il plante 9 buts. Il marchait sur l’eau. De s’appuyer sur un mec comme ça, c’est déjà génial, car on avait le meilleur joueur du monde avec nous. Il a été au summum de sa carrière : il n’était pas blessé comme en 82 et 86. Platini au summum, derrière cela suit. Il parlait beaucoup avec les joueurs. Sur la finale, il nous dit : « Les gars, la seule chose que vous avez à regarder avant le match, c’est la coupe. » À la mi-temps de la finale, on s’encourageait, car on voyait que c’était compliqué contre les Espagnols. L’erreur d’Arconada sur le coup franc de Michel nous a redonné confiance, car on n’était pas bien, on a joué une grosse équipe d’Espagne, comme le Portugal en demi-finales et le Danemark au premier match. Les Yougoslaves aussi, on a eu des matchs difficiles.
Le match contre le Danemark est déjà un tournant : les Danois sont presque meilleurs que vous, mais vous gagnez…
Quand on regarde les joueurs qu’ils avaient… Ils nous ont fait peur sur le premier match, on savait que ce serait dur.
Danemark match charnière, et Portugal, match d’anthologie…
C’était magnifique, l’ambiance au stade. Tigana, quand il fait son débordement, le staff d’Hidalgo réfléchissait déjà aux tireurs de penaltys… Le gardien portugais sortait un gros match, alors les penaltys… Mais c’était toute l’équipe portugaise qui était costaude, pas seulement son gardien.
À part la Belgique, la France a affronté des grosses équipes au sommet de leur art…
Après, la Belgique, c’est parce qu’on a marqué vite. Cela change tout quand vous marquez d’entrée, en plus il y avait une bonne ambiance à Nantes. Cela ne veut pas dire que la Belgique était plus mauvaise que les autres.
Pour les attaquants, ce n’est pas évident d’exister à côté d’un joueur comme Platini ?
On était les fers de lance, on était là pour créer des brèches pour les milieux. Marquer, ce n’était pas le plus important pour nous, pas autant qu’être des relais, bouger les défenses, histoire que les milieux puissent entrer dans la surface.
Les buts de Platini, à part les coups de pied arrêtés, ce sont des buts d’avant-centre…
Tout à fait, parce qu’il se sentait bien. Il était en forme physique, techniquement, il était au top. Et dès qu’il avait une occasion, cela allait au fond.
C’est vrai que Bats écrivait un recueil de poèmes pendant l’Euro ?
Ouais, il m’en faisait lire, c’était du bon niveau. Jojo, c’était quelqu’un de très calme, très posé, très doux comme mec. Jamais un mot au-dessus de l’autre, toujours positif. Il s’est fait gentiment chambrer pour ses chansons aussi après. Il savait qu’il ne savait pas chanter, mais il voulait se faire plaisir, changer un peu de pression.
Le jour de la finale, la causerie de Michel Hildago parlait de montagne, vous racontez ?
Il voulait nous dire qu’on était arrivés tout en haut, que ce serait bête d’avoir franchi toutes les étapes sans être capables de planter le drapeau qui dirait que l’on est la première sélection française à gagner un titre. Il nous a dit qu’il fallait marquer de notre patte l’année 84.
Lookman of the year