Belgique, année 0…

Impression fugitive et pathétique : le Standard de Liège mène 2-0 contre Arsenal après cinq minutes de jeu en Ligue des Champions. Le foot belge renaît enfin ? Oui… Non. Les Gunners gagnent 3-2 et condamnent certainement les pauvres Liégeois pour la suite de la compétition. La Belgique… Voyons voir… Le dernier coup d’éclat du foot belge ?… Ben, le but refusé de Marc Wilmots (parfaitement valable) juste avant la pause du 8ème du Mondial 2002 contre le Brésil. La Seleçao, dangereusement valdinguée par les Diables Rouges, se qualifie finalement 2-0 et vogue vers la victoire finale. La Coupe du Monde 2002, c’était la dernière participation de la Belgique à une grande compète internationale, présente sans discontinuer du Mundial 82 au Mondial asiatique. L’après 2002 est une longue descente aux Enfers (pour des Diables, c’est logique) : absents aux Euros 2004 et 2008, pas qualifiés en Allemagne 2006… et portés disparus du Mondial 2010 dans des éliminatoires désastrophiques. Les Diables Rougis sont 4èmes et largués du Groupe 5 après cinq défaites en cascade contre l’Espagne (2-1 à dom, 5-0), contre la Bosnie (4-2 à dom, 2-1) et surtout la dernière en date, le 2-1 en Arménie du 9 septembre dernier. Le sélectionneur intérimaire, Francky Vercauteren, qui avait succédé à René Vandereycken, a donc laissé place à Dick Advocaat, hier mardi. Sa mission : qualifier la Belgique à l’Euro 2012. Mission impossible ?

La formation défaillante ?

L’état des lieux du foot belge, d’abord. OK, le classement FIFA a une crédibilité très relative. Mais quand on est classé 68ème nation mondiale, c’est quelque part une donnée tangible qui décrit bien un état réel de décrépitude. Se faire taper par l’Arménie est plus qu’un indice probant, comme l’est l’absence régulière aux sommets de la sélection depuis le Mondial 2002. Au niveau des clubs, pas la joie non plus : en coupes d’Europe, c’est morne plaine. Pas la trace d’une équipe belge en finale depuis 1984 en C3 (Anderlecht battu par Tottenham) ou depuis 1993 en C2 (Royal Antwerp battu par Parme). La dernière victoire remonte à 1988 avec Malines, vainqueur 1-0 contre l’Ajax en C2. En Ligue des Champions, il y a belle lurette que les clubs belges ne jouent plus les épouvantails craints et respectés comme le Bruges des années 90. Le championnat, quoiqu’en regain qualitatif, avait atteint un niveau si bas qu’il avait souvent était question, et récemment encore, qu’il fusionne avec une autre ligue sinistrée, l’Eredivisie, championnat des Pays-Bas. Les terribles affaires de corruption des paris truqués révélées en 2006 ont asséné un coup terrible à une ligue gangrenée aussi bien au niveau des joueurs, des dirigeants que des entraîneurs… Mais c’est surtout côté joueurs que le talent s’est tari, ces dernières années. L’immense Paul Van Himst, ex-sélectionneur de la Belgique (1991-96), avait déploré après l’Euro 2000 le retard pris par le foot belge en matière de formation des jeunes. Il prédisait une décennie 2000 sinistrée par un manque de formation des jeunes talents aussi bien au sein des clubs locaux que de la part de la Fédé belge. Les faits lui ont donné raison, avec le trou de l’après 2002 et la fin de la génération Wilmots, Boffin, Deflandre. Les bons joueurs Van Buyten, Mbo Mpenza ou Wesley Sonck n’ont pas suffi à maintenir à flots la génération suivante…

L’espoir de Pékin…

Heureusement, le foot belge a connu une embellie récente. C’était aux JO de Pékin avec la sélection Espoirs qui a fini 4ème de la compète. Une génération prometteuse qui pourrait s’agréger aux « anciens » , Van Buyten, Mpenza, Sonck. On peut citer pêle-mêle, même s’ils ne sont pas tous de l’épopée chinoise, Vincent Kompany (23 ans, titulaire à Manchester City), Big Thomas Vermaelen (23 ans, titulaire à Arsenal), Maarten Martens (25 ans, AZ Alkmaar), Moussa Dembélé (21 ans, AZ Alkmaar). Le cas Dembélé, immense espoir de père malien, illustre aussi l’émergence de joueurs issus de l’immigration (essentiellement maghrébine et africaine) comme Fellaini (21 ans, Everton) ou Faris Haroun (24 ans, Geminal Beerschot) d’origine marocaine, qui ont opté pour la nationalité belge. En bon formateur hollandais qu’il est, Dick Advocaat a sans doute les moyens de faire progresser les jeunes talents et de réaliser une synthèse parfaite entre ces jeunes et les anciens. Parce que les conflits de génération polluent l’ambiance au sein des Diables… Plus grave, le Néerlandais Advocaat va devoir gérer l’autre grave conflit linguistique et « communautaire » qui pourrit la vie politique du Royaume et qui traverse aussi la sélection nationale. « Il y a des joueurs flamands qui se sentent intouchables car ils sont surprotégés par la presse du nord du pays » , avait déclaré la semaine dernière Sébastien Pocognoli, défenseur francophone, un des héros de Pékin 2008. Advocaat a botté en touche, déclarant qu’il ne ferait « pas de politique » : « Je ne sélectionnerai pas les joueurs en fonction de la langue mais uniquement sur la base de leurs qualités footballistiques. Je ne parle pas français mais c’est le langage du foot qui compte. Et je serai épaulé par un assistant bilingue » .

Le conflit entre Flamands et Wallons n’est pas de la rigolade clochemerlesque. Quelques jours avant un récent Belgique-Portugal, Stijn Stijnen a refusé de s’adresser à des journaux francophones. Lors de ses conférences de presse, l’ex-sélectionneur René Vandereycken, parfait bilingue, alternait jour après jour le français et le flamand : un jour en français, le suivant en néerlandais… Advocaat n’ira donc pas jusque-là. Pour finir, il n’y a plus qu’à attendre le tirage au sort de l’Euro 2012, le 7 février prochain, que la Belgique espère favorable. Ensuite, ce sera le mondial sud-Africain en juin. Devant la télé.