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Belenenses, l’Athletic Bilbao à la sauce portugaise
Auteur d’un parcours honorable en Ligue Europa malgré ses deux millions d’euros de budget annuel, Belenenses s’illustre surtout par le fait de ne compter quasiment que des joueurs portugais dans son effectif. C’est le club qui compte le moins d’étrangers dans ses rangs en Europe derrière Bilbao. Ça tombe bien, l’Athletic est un modèle à suivre pour les pensionnaires du Estadio do Restelo.
Le 22 octobre dernier, Belenenses se rendait sur la pelouse du St.Jakob-Park pour y défier le FC Bâle. Les bookmakers et les médias portugais ne donnent alors pas cher de la peau des hommes de Ricardo Sá Pinto. La différence de budget – environ 50 millions d’euros pour les Suisses contre 25 fois moins pour leur petit opposant -, l’inexpérience de l’équipe au niveau continental et la gifle reçue au Estadio do Restelo devant la Fiorentina 20 jours plus tôt (0-4) ne laissaient aucune place au doute. Le champion suisse l’emporterait facilement et offrirait en prime une belle valise à ses visiteurs lusitaniens. Bref, personne n’avait imaginé que Belenenses décrocherait ce soir-là son premier succès en phase de poules d’une compétition européenne (1-2). À la veille de la réception décisive de Poznań, Sá Pinto jubile encore. « Les gens pensaient que nous n’allions marquer aucun point en phase de groupes. On en a déjà 4 et on a battu le grand Bâle sur sa pelouse. C’est pas trop mal » , d’autant que l’actuel dixième de Liga Nos joue la partie en mode difficile. En plus de son budget minuscule, l’écurie a la particularité de privilégier le recrutement de joueurs nationaux. Résultat, Sá Pinto compte seulement deux étrangers dans son vestiaire. Et encore, Luis Leal (Sao Tomé e Principe) et Kuka (Cap-Vert) sont lusophones. Une sacrée anomalie dans un pays où les deux seuls champions de la décennie en cours présentent des effectifs dominés par les étrangers. Tellement à contre-courant que le club présidé par Patrick Morais de Carvalho commence à être qualifié d’Athletic Bilbao portugais.
Relancer les anciens espoirs portugais
La comparaison avec le prestigieux club basque fait effectivement sens sur le plan identitaire. L’équipe de Belem est la formation européenne qui compte le moins d’étrangers derrière l’Athletic. Pour Morais de Carvalho, faire quasiment jeu égal avec une telle institution est une réelle satisfaction. « Bilbao est un modèle, un club qui m’inspire et que je respecte beaucoup. » Problème, le budget de Belenenses ne permet pas de recruter des joueurs de notoriété nationale, sauf s’ils sont en fin de carrière comme Tonel (ex-Sporting) ou Carlos Martins (ex-Benfica). « Nos moyens limités nous obligent à être créatifs. Il faut scruter le marché des joueurs en fin de contrat, des joueurs sans contrat, des prêts avec option d’achat, mais aussi le marché peu coûteux de D2 » , explique Sá Pinto. Ce dernier est un gigantesque vivier d’anciens internationaux espoirs, U20 voire U17 ayant échoué au moment de s’imposer chez les seniors à Porto, Benfica ou au Sporting. C’est le cas de Ricardo Dias, 24 ans, et vice-champion du monde U20 en 2011 aux côtés de joueurs comme Danilo Pereira (FC Porto) ou Cédric Soares (Southampton). Formé à Porto, et prêté à plusieurs reprises par les Dragons avant d’être cédé à Beira-Mar sans jamais avoir eu sa chance, le milieu de terrain a rejoint l’été dernier le Restelo, où il espère bien se relancer. Mais le meilleur exemple de « résurrection » opérée par la nouvelle politique de Belenenses demeure celui du gardien international portugais Hugo Ventura. Longtemps présenté comme le successeur d’Hélton dans les buts de Porto, le portier a été « écarté des terrains pendant plus d’un an (il était sans club, ndlr), et c’est nous qui l’avons relancé. Depuis, il a même été sélectionné avec le Portugal » , se vante le président du club avant d’ajouter qu’il « y a un énorme vivier dont on ne profite pas assez » en Liga Nos.
« Nous ne voulons pas être nationalistes dans le mauvais sens du terme »
Sans surprise, la politique patriote de la formation de Belem fait monter sa cote de popularité auprès de ses propres supporters mais aussi de tous les suiveurs du football portugais, fiers de voir qu’un club fait réellement l’effort d’aider les siens. À en croire Sá Pinto, ce sentiment de fierté nationale s’étend jusque dans le vestiaire. « L’orgueil d’être portugais est quelque chose qui entre dans la motivation du groupe quand nous représentons le pays en Ligue Europa par exemple. Pour notre premier match de C3, contre Lech Poznań, tout le groupe était portugais. Et ça, les joueurs le ressentaient. Ça les motivait, les rendait fiers. Après, cela reste évidemment secondaire, ne serait-ce que parce que nous avons deux joueurs étrangers dans le groupe qui méritent tout notre respect. » Le patriotisme, oui, mais toujours dans la retenue. La peur que l’amour du pays soit interprété comme un extrémisme est bel et bien présente chez Patrick Morais de Carvalho. « Nous ne voulons pas être nationalistes dans le mauvais sens du terme. Nous sommes dans un monde ouvert et nous avons récemment eu des très bons joueurs étrangers, européens et africains. La priorité restera toujours la qualité. Si demain un excellent joueur non portugais veut signer chez nous, évidemment qu’on le fera signer » , s’excuse-t-il presque. Même son de cloche chez l’ancien joueur et coach du Sporting, avec illustration. « Regardez, on a prêté un gardien à Tondela(autre club de D1 portugaise, ndlr), Matt Jones, qui est anglais et qui était présent dans l’équipe première la saison dernière. »
En dehors de toute polémique, Sá Pinto ne se garde pas d’énumérer les avantages que représente le fait d’avoir autant de joueurs locaux dans son effectif. Pas de barrière de la langue ni de fossé culturel, une connaissance poussée du championnat portugais ainsi que des idéologies tactiques des entraîneurs lusitaniens… Autant de paramètres favorables qui facilitent la tâche d’un commandant très élogieux envers le prototype du produit issu de la formation lusitanienne. « Le joueur portugais est un joueur talentueux, qui a une bonne qualité technique et une grande compréhension tactique. Il s’adapte aussi très bien et est travailleur. » Tant mieux, car le président Morais de Carvalho compte bien poursuivre sa promotion du made in Portugal sur le long terme. « Notre objectif pour le moment est de terminer systématiquement dans le top 8 tout en ayant notre propre identité. Il faut que l’on soit reconnaissables. » Pour le moment, c’est plutôt réussi, même si la route pour devenir l’Athletic Bilbao de l’Ouest ibérique est encore longue. Très longue…
Par William Pereira