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Belenenses, la croix gommée

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Belenenses, la croix gommée

Au terme d'une saison apocalyptique, Belenenses est condamné au purgatoire. Bon dernier de l'élite, le club de la Croix du Christ rejoindra la D2. A moins qu'une fois de plus les Dieux ne viennent ressusciter un écusson à l'histoire nébuleuse...

Deux victoires en 28 rencontres. 17 malheureux points grappillés. Et lundi soir, une défaite (de plus) contre Guimarães (0-2) scelle une destinée qu’on devinait déjà. A deux journées de la fin de l’exercice, Belenenses rejoint la Liga Vitalis (D2 portugaise). La tête basse, bien enfoncée dans les épaules. Comme si le poids de l’histoire était trop lourd à porter. Car avec 73 saisons en Liga, le Clube de Futebol “Os Belenenses” est le club avec le plus de présence parmi l’élite derrière les trois grands (Benfica, FC Porto et Sporting). Un monument qui court derrière ses mémoires. Le club de Belém (quartier chic de Lisbonne) fut le premier club –et pendant très longtemps le seul– à se taper le trophée à la barbe du trio. En 1946. En ce temps-là, le club de la Croix du Christ était lui aussi un grand. Les puristes disent même que le “vrai” derby de Lisbonne est celui qui oppose Belenenses à Benfica.

AJ Pereira, la première star du foot tos

Belenenses est né en 1919 de la volonté d’un homme : Artur José Pereira. Considéré comme le plus grand joueur de son époque, il est la première star du foot guesh. Natif de Belém, Pereira déroule au Sport Lisboa e Benfica avant de s’embrouiller avec ses dirigeants et d’être mis à pied. C’est alors que le Sporting récupère le surdoué. Il devient le premier joueur payé de l’histoire du football portugais avec, en plus, un accès prioritaire aux bains chauds. Mais depuis que les Aigles ont décidé de quitter son quartier pour aller jouer plus loin, Pereira a le blues. Il décide alors avec des dissidents benfiquistes de fonder Os Belenenses. La légende raconte que c’est sur un banc du jardim da Praça Afonso de Albuquerque que le “craque” et ses proches ont conclu le pacte. C’est sur le terrain des Salésias que son club connut ses plus belles heures. Aujourd’hui, il n’est plus qu’un terrain vague. Une décharge. Le beau stade du Restelo a pris la succession mais il sonne bien creux… Pereira deviendra entraîneur de son œuvre avec laquelle il remportera trois Campeonatos (l’ancêtre de la Coupe). Il a encore été sélectionneur national. Emporté par la tuberculose à 53 ans, il fait partie de la légende des “Azuis” (Bleus) de Belém qui avec Pepe et Matateu est enterré au mausolée du club. Trois générations de joueurs qui ont fait vibrer Tour à Tour Belém. Mais pas seulement.

La sympathie dictatoriale

Il y a encore quelques années, les “Pastéis” (gâteau typique de Belém) pouvaient se vanter du statut de quatrième puissance du football lusitanien. Mais en 2001, Boavista a aussi remporté un titre de champion et question sócios, les nordistes du Viória Guimarães et du Sporting Braga ont pris le dessus. Belenenses vieillit (mal) mais possède encore des filiales et des délégations, ici et là. Dans les anciennes colonies notamment (Cap-Vert, Mozambique, Angola…). C’est de Belém que partaient les navigateurs portugais au temps du grand empire. Et c’est aussi de là qu’étaient envoyés les combattants des guerres coloniales, près de 600 ans plus tard, avec, cette fois-ci, le phantasme –et les fantômes– de l’empire… Bon nombre d’entre eux sont revenus l’âme marquée et le bras tatoué d’une croix du Christ. La même qui git sur l’écusson de Belenenses. Selon certains historiens, le dictateur António Salazar lui-même était un sympathisant du club. Pas tant par passion du ballon rond mais par besoin de récupération. Le Portugal de Salazar était celui des 3 “F” : Fátima, Fado et Football. Le dernier président de la république du régime de l’Etat Nouveau –instauré par Salazar– était carrément l’un des plus fervents sócios du club.

Repêchages, impayés et Mourinhos

Les adeptes belenenses se défendent d’un tel raccourci. Après tout, c’est Benfica qui a raqué le plus de titres au cours de la plus vieille dictature d’Europe. N’empêche, dans l’histoire récente de la Liga, Belém semble toujours s’attirer certaines faveurs. En 2006, l’équipe est repêchée suite au Cas Mateus malgré sa place de relégable. Gil Vicente aurait fait jouer l’international angolais sans autorisation. Malgré les faxes, les preuves écrites et les témoignages, c’est le club lisboète qui est maintenu et la formation de Barcelos qui est rétrogradée. L’affaire est toujours en jugement devant la justice civile. Puis la saison passée, la Ligue décide d’exclure l’Estrela Amadora qui croule sous les dettes et ne parvient même plus à payer ses joueurs. C’est Belenenses, encore 15ème , qui prend la place du mort.

Pourtant, on ne peut pas dire que les Bleus aillent beaucoup mieux. La dette globale atteint les 16M€, les retards sur salaires sont un secret de polichinelle et on parle même d’hypothéquer le Restelo… Mise à part une finale de Coupe (2007), rien de très folichon, ces dernières saisons. Un comble pour le club qui a vu passer des techniciens de renom tels Helenio Herrera, Otto Gloria, Carlos Queiroz (catégories de jeunes), José Couceiro ou plus récemment Jorge Jesus. Ici a également joué un certain José Mourinho. Joué, oui. Enfin, essayé. Son père, Félix, y est une légende. José, une arnaque… Et dire que cette année, celle de sa descente aux enfers, c’est Benfica qui va (re)monter au paradis, avec Jesus, l’ancien berger de Belém…

Nicolas Vilas

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