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Bayern-Nuremberg, on dirait le Sud…
Le Bayern Munich affronte le 1.FC Nuremberg dans l’un des plus vieux derbys outre-Rhin. L’occasion pour le Bayern, beaucoup plus fort sur le papier, d’accroître son avance sur un Borussia Dortmund (par exemple) qui se rend à Stuttgart. L’occasion une fois de plus pour Nuremberg de mettre les choses au clair, de bien montrer à toute l’Allemagne qu’il ne s’agit pas d’un derby « bavarois », comme tout le monde le croit.
En 2011 après JC, toute l’Allemagne est convaincue que le match de samedi entre le Bayern Munich et le 1.FC Nuremberg s’appelle le « derby bavarois » . Toute ? Non ! Car il est une région qui tente comme elle peut de résister à l’envahisseur. Cette région, la Franconie, a pour « capitale » Nuremberg, justement ; et pour ses habitants, les Franconiens, ce match n’est pas un derby bavarois, mais un derby « franconien-bavarois » . Mais qu’est-ce que c’est ça, la Franconie ?
La Franconie, c’est une région située à une centaine de bornes au nord de Munich, en plein milieu du Land de Bavière. Déjà que pour la plupart des Allemands, la Bavière, c’est un autre pays, alors la Franconie, c’est carrément la matrice dans la matrice. Même si sa région a été rattachée au Land de Bavière en 1815, un Franconien reste un Franconien : plutôt mourir que d’être comme eux, pourrait-il dire. Au niveau du caractère, rien à voir. « Les gens de Franconie sont plus discrets, ils ne parlent pas beaucoup » , déclare ainsi Eva Stefan, directrice adjointe de l’Institut Français d’Erlangen. C’est vrai, là-bas, quand on fait un truc bien, on est juste complimentés par un « C’est bien » . Pas plus. Les Franconiens sont dans leur délire, et ne veulent surtout pas avoir affaire aux prolixes et arrogants Munichois. Après tout, on se fout de leur gueule constamment: déjà, ils gardaient précieusement le trésor de l’Empereur Henri II à Bamberg, Munich est arrivé, et le leur a volé, soi-disant qu’on s’en occuperait mieux dans la vraie capitale du Land.
Ensuite, tout le Land est rincé par Munich, sauf la Franconie. Pour des villes comme Nuremberg, Fürth, Bamberg, Würzburg (la ville de Dirk Nowitzki), il n’y a pas de pécule. Pourquoi ? C’est comme ça, ils n’ont qu’à se démerder tout seuls. Et tant pis si les jeunes sont au chômage, s’ils veulent bosser, c’est à Munich que ça se passe. C’est ce genre de comportements qui attisent les tensions entre Franconiens et Bavarois. « A Munich, les gens sont riches, et compte tenu du rayonnement de leur ville dans le monde, ils se donnent donc l’air d’être importants. L’un des symboles de la ville, le Lion, reflète tout à fait cela » , tranche Marie-Laure Rocher, traductrice qui vit à Nuremberg.En gros, Munich, c’est le roi de la jungle bavaroise. Nuremberg, c’est quoi ? Que dalle, une ville de province, rien de plus. Il n’y a qu’à voir du point de vue culinaire, c’est le jour et la nuit, la finesse contre la barbarie. Là où à Munich on mangera une Weiss;wurst dans les règles de l’art, à savoir coupée en deux avec un couteau et savourée avec de la moutarde sucrée, les Franconiens, eux, sont plus dans la Schäuferle mit Kloss, à savoir une épaule de porc en sauce avec des boulettes de pomme de terre. Après, faut pas s’étonner que les Bavarois ne les respectent pas.
Sportivement, s’ils ne les respectent pas non plus, c’est parce que, depuis la création de la Bundesliga telle qu’on la connaît aujourd’hui, Nuremberg ne pèse plus rien sur la balance: un titre de champion (1968). Une Coupe d’Allemagne, à la rigueur, pourquoi pas (2007). C’est faible, en comparaison du grand voisin munichois. Toutefois, du côté de Nuremberg, quitte à délirer, on veut y croire un peu. Hanovre, l’ex-club du coach actuel du « Club » , Dieter Hecking, a réussi à battre le Bayern la semaine. Alors peut-être que Hecking pourra réitérer cette performance. De plus, l’équipe la plus jeune de Bundesliga (23,8 ans de moyenne d’âge) ne compte pas jouer le rôle de la victime dans ce 183ème derby. Même s’ils savent que leur équipe ne s’est plus imposée à Munich depuis 1992 (et ne s’est plus imposée tout court face au Bayern depuis 2007), les jeunes loups de Hecking veulent avant tout prendre du plaisir. Et si les mecs de Nuremberg arrivent à dicter leur loi au Bayern, à leur prendre au moins prendre un point, ils savent qu’ils pourront fêter ça dignement autour d’une bière, dans leur Franconie. Eh oui, la région de Bamberg (à 60 km de Nuremberg) compte 50 brasseries (dont neuf dans la ville même), ce qui en fait la région avec la concentration de brasseries la plus forte au monde. Prends ça, l’Oktoberfest.
Samedi, 15h30: Bayern Munich / 1.FC Nuremberg
Par Ali Farhat