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Bayern Munich : les doigts dans la crise
À une semaine du 8e aller de la Ligue des champions entre le Paris Saint-Germain et le Bayern Munich, une polémique a éclaté au sein du club allemand, à la suite de la sortie médiatique de Manuel Neuer. Habituellement géré en interne, ce conflit public par médias interposés fait tache chez l’institution modèle du football européen.
Quelques jours après le licenciement de l’entraîneur des gardiens du Bayern Munich Toni Tapalović, accusé d’avoir divulgué des discussions entre des membres du staff à certains joueurs du groupe, Manuel Neuer a livré une sortie fracassante, digne de celles qu’il effectue sur le terrain. Dans les colonnes de Süddeutsche Zeitung et The Athletic, le portier allemand s’exprime sur le départ de celui qui était devenu un ami proche. « Pour moi, ce licenciement est sorti de nulle part et pour Toni aussi, confie le joueur de 36 ans. Ça m’a vraiment assommé. Il n’était pas là seulement pour moi, mais pour l’ensemble du groupe de gardiens, pour le club. (…) Pour moi, c’était un coup dur, alors que j’étais déjà à terre. J’ai eu l’impression que l’on m’arrachait le cœur, c’est la chose la plus brutale que j’ai vécue dans ma carrière. Et j’en ai vécu beaucoup. » Des paroles fortes de la part du joueur, forfait pour le restant de la saison à la suite de la fracture de sa jambe droite après un accident de ski, qui était très attaché à son aîné. Les deux gardiens allemands s’étaient connus à Schalke et entretenaient une relation étroite. Arrivé au club bavarois en 2011 en même temps que son compatriote, Tapalović avait toujours été l’entraîneur des gardiens du club et, par conséquent, de Manuel Neuer. En mai 2020, ce dernier l’avait notamment cité comme l’un des facteurs de sa prolongation dans la ville de l’Oktoberfest. « Il était important pour moi de continuer à travailler avec Toni Tapalović », avouait-il.
Forcément, dans un club où l’institution est toujours au-dessus des joueurs, c’est une sortie qui passe mal. L’interview de l’international allemand n’était pas autorisée par le club, qui a été très surpris par ses commentaires, et les dirigeants bavarois n’ont donc pas tardé à réagir. Le président du conseil d’administration du Bayern Oliver Kahn a de suite répliqué : « Ce que Manuel dit dans certaines parties de ces deux interviews par rapport au départ de Toni Tapalović ne correspond ni à lui en tant que capitaine, ni aux valeurs du FC Bayern. De plus, ses déclarations ne sont pas opportunes, car nous sommes à la veille de matchs très importants. » À la suite des propos de l’ancien protecteur des cages bavaroises, le directeur sportif du Bayern Hasan Salihamidžić en a rajouté une couche. « Neuer a mis ses intérêts personnels au-dessus de ceux du club, affirme-t-il dans les colonnes de Bild. En tant que capitaine, j’aurais attendu de sa part une autre attitude. » L’ancien international bosnien n’écarte pas une possible sanction : « S’il doit y avoir des conséquences, nous en parlerons d’abord avec Manuel. »
Le retour du FC Hollywood
Au-delà du conflit, c’est le timing qui pose problème, comme l’évoque Kahn. Les partenaires de Kingsley Coman restent sur une élimination surprise et très décevante dans la compétition reine du football européen la saison dernière en quarts de finale face à Villarreal (2-1, score cumulé). En championnat, le club n’est plus aussi impérial qu’il a pu l’être par le passé, et son hégémonie en Bundesliga, avec dix titres consécutifs, se retrouve menacée. Poursuivie par une horde d’équipes affamées qui se tiennent en cinq points, l’équipe munichoise ne possède qu’un point d’avance sur son dauphin et seulement six sur le sixième. Ces sorties de membres du club dans différents médias ne font pas partie des coutumes de l’institution et s’opposent à l’habituelle communication toujours soignée avec des prises de parole polies et maîtrisées. Là où le géant de Bavière gère souvent ses crises en interne, le club lave ici son linge sale en public. Une gestion qui fait écho au FC Hollywood, surnom du club né durant les années 1990 lorsque les nombreux problèmes entre joueurs faisaient régulièrement la une des médias outre-Rhin. Le club a depuis connu un changement drastique de management et est devenu au fil des années tout l’inverse.
Cette polémique ne constitue pas une préparation idéale pour la double confrontation face à Paris. Si on l’ajoute au forfait de Sadio Mané, cela pourrait peut-être faire les affaires de l’équipe de Christophe Galtier. La dernière fois que le club de la capitale et le Bayern s’étaient affrontés, des tensions entre l’entraîneur Hansi Flick et Hasan Salihamidžić sur la politique de recrutement du club polluaient le club en coulisses. Au moment d’aborder leur quart de finale face à l’équipe alors entraînée par Mauricio Pochettino, les joueurs et le staff du Bayern Munich étaient forcément affectés par ces tensions en interne, ce qui avait souri au PSG, qualifié grâce aux buts à l’extérieur (3-3, score cumulé). Néanmoins, malgré des fuites dans la presse, cette crise avait été gérée en interne, comme en témoigne le discours du président du Bayern Munich, Karl-Heinz Rummenigge. « Nous ne souhaitons pas que cette affaire de famille s’envenime. Nous devons veiller à ce que la situation ne devienne pas pire que celle qui concerne la famille royale d’Angleterre », avait ironisé l’ancien international allemand. À l’aube du début de la phase à élimination directe de la C1, ces sorties médiatiques pourraient à nouveau perturber le quotidien de la meilleure équipe de la compétition lors des poules (18 points pris sur 18 possibles). Le Bayern Munich s’en serait sûrement passé, mais cette histoire pourrait rapidement tomber aux oubliettes, selon le résultat de ces deux matchs contre le Paris Saint-Germain.
Par Alexandre Ross