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Bayern : la parole est à la défense
Encensé pour sa force de frappe après le 7-0 infligé au Shakhtar, le Bayern n'en demeure pas moins la meilleure muraille d'Allemagne, si ce n'est d'Europe. Et ce n'est pas seulement grâce à Manuel Neuer.
S’il y a bien une chose qu’on semble négliger dans le Bayern de Guardiola, c’est bien sa capacité à ne pas encaisser de buts. Il est impossible de nier que Pep est un homme de milieu, peuplant ses compositions d’autant d’exemplaires que possible, de la défense centrale (Mascherano ou Busquets hier, Javi Martínez lorsqu’il est sur pied, parfois Xabi Alonso aujourd’hui) à l’attaque, avec cette idée sous-jacente du vrai-faux 9 (Messi ou Müller étant de moins bons exemples que Fàbregas et Götze). Et puis tant qu’à faire, pourquoi ne pas jouer en 3-4-3, ça en fait encore plus ? Lorsqu’un joueur est trop bon, il doit obligatoirement évoluer au milieu, jurisprudence Lahm oblige, et bientôt Alaba. Cette influence est telle qu’elle a tendance à cannibaliser les autres lignes. S’il est acquis que Guardiola n’a jamais été un grand fan des véritables 9 (Eto’o à droite, Villa à gauche, Zlatan dehors, tout comme Mandžukić), la faculté de ses protégés à beaucoup marquer s’est toujours vérifiée (Messi puis Robben, Müller, Götze). Le Bayern est la meilleure attaque de Bundesliga, avec 66 buts inscrits, dont quelques cartons récemment sur la scène domestique (8-0 contre Hambourg, 6-0 face à Paderborn), mais aussi européenne (sept pour le Shakhtar, et la Roma avant). Si c’est forcément impressionnant, c’est toujours moins que le Real (75) ou le Barça (76) en Liga – certes avec deux matchs de championnat en plus.
Le ballon pour défense
Là où le Bayern prend véritablement l’ascendant sur ses rivaux, c’est dans le domaine défensif, surtout quand les Merengues viennent d’en prendre 4 à Schalke. Combien de buts ont encaissé les équipes les plus imperméables en Europe ? Angleterre : 20 pour Southampton, 22 pour Chelsea. France : 20 pour Monaco, 22 à Lyon, 24 pour Paris. Espagne : 16 pour le Barça, 22 à Valence, 23 côté Atlético, 24 pour le Real. Italie : 14 pour la Juventus, 19 côté Roma. Le Bayern, c’est seulement 11. Un chiffre d’autant plus impressionnant que la défaite 4-1 à Wolfsburg, véritable naufrage, pèse lourd dans la balance. Contre Paderborn, lors de la 22e journée, le Bayern a ainsi récolté sa 16e clean sheet de la saison en Buli. Une réussite avant tout collective. « Le mérite revient à toute l’équipe, même au joueur le plus avancé sur le terrain, explique ainsi Jérôme Boateng. Toute l’équipe travaille pour aller de l’avant et en défense. » Même son de cloche du côté de Pep Guardiola : « Les onze joueurs reviennent en courant. Même si on a cinq buteurs sur le terrain, on aura toujours onze défenseurs » . Avant d’avancer une autre donnée : « On a aussi plus de possession que l’opposition » . En effet, avec une moyenne à 71% et 87,4% de passes réussies (selon Soccerway), rares sont les opportunités pour les équipes adverses. Une situation que résume à merveille Neuer : « Si nous avons le ballon, alors c’est difficile pour l’adversaire de marquer. Les attaquants aident à défendre – et nous avons une ligne de défenseurs si les choses deviennent sérieuses » .
Des hommes en forme
Une ligne souvent changée, toujours efficace, qu’elle soit à quatre ou cinq. À l’exception de Dante, en pleine descente aux enfers, les défenseurs apportent tous satisfaction individuellement. Rafinha est passé de second couteau sous Heynckes à indéboulonnable, d’autant plus que Lahm a récemment déclaré dans Kicker que son retour se ferait au milieu. Recruté cet été, Juan Bernat ne quitte presque jamais le couloir gauche, à l’exception du match de mardi face au Shakhtar, où Alaba avait retrouvé son bien, après avoir oscillé entre milieu de terrain, défenseur central et blessure. David Alaba, nouveau laboratoire tactique de Guardiola et principal artisan du schéma de jeu à géométrie variable du Bayern, n’a jamais paru aussi fort. Les centraux aussi sont plutôt pas mal, à l’image du plus aligné d’entre eux, Jérôme Boateng. « C’est un top, top joueur, avait expliqué Guardiola après le match aller face à City, en septembre. Je lui ai souvent dit : « Si tu veux être l’un des meilleurs défenseurs centraux mondiaux, tu peux y arriver ». Il est jeune, rapide, magnifique des deux pieds avec le ballon, a une bonne personnalité et c’est un bon gars. Il est important de se rappeler qu’il devient meilleur année après année. » Une prédiction, tant Jérôme apparaît inclassable aujourd’hui, dans la lignée d’une finale de Coupe du monde où il avait été monstrueux.
On peut aussi parler de Medhi Benatia, très à l’aise au duel et avec le ballon, Holger « I love you Badstuber » , de retour de blessure, le « meilleur joueur qu(‘il ait) jamais eu » , ou Javi Martínez, qui ne devrait plus trop tarder, et que Guardiola s’était efforcé de faire reculer pour en faire « un défenseur central de classe mondiale » . Au pire, il reste encore un dernier obstacle. « En cas d’urgence, il y a toujours Manuel Neuer » posait d’ailleurs, rigolard, Rafinha après une énième clean-sheet. Certes, le Bayern ne concède que 6,8 tirs par match, un chiffre ridiculement bas, ce qui fait que le titan n’a presque rien à faire. Il ne réalise d’ailleurs que deux arrêts par match, la plus basse moyenne de tous les gardiens de Buli. Mais c’est souvent du deux sur deux : Neuer a ainsi arrêté près de 90% des tirs sur sa cage, loin devant les portiers italiens (De Sanctis, Perin, Buffon) ou suisse (Sommer, à Gladbach), aux alentours de 80%, et très loin devant tous les autres. En somme, un dossier béton, dans lequel l’opposition risque de devoir abandonner les charges, et déposer les armes.
Par Charles Alf Lafon