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Bayern – Dortmund : Kolossale sürprise !
Les résultats du match aller du Bayern et de Dortmund (4-0 et 4-1) et la fameuse « excellente santé de la Bundesliga » avaient consacré comme une évidence cette finale 100 % allemande à venir… Or, la surprise de ce duel germano-allemand officiel est pourtant bien réelle. Moins surprenant, c'est ce bon vieux « style allemand » qui a permis pareille performance.
Qui avait prévu en septembre 2012, quand la C1 a débuté, qu’on aurait cette finale Dortmund-Bayern en mai 2013 ? OK, le Bayern était l’un des favoris. Mais de là à se retrouver de façon aussi expéditive à Wembley… Car il y a eu la manière : le 3-1 à l’Emirates contre Arsenal, le 4-0 sec en deux manches face à une Juve réputée inbougeable et enfin le 7-0 face au grand Barça. Bref, une machine de guerre beaucoup plus impressionnante qu’on ne le pensait. Quant à Dortmund, il a appris très vite après son élimination précoce en C1 l’an passé. OK, ce fut juste-juste contre Málaga, en quarts. Mais face au Real, déjà pas mal secoué par le BvB au premier tour (2-1, 2-2 au Bernabéu), on a découvert une deuxième machine de guerre, aussi impitoyable que la munichoise. Le bilan comptable est éloquent : 3 victoires allemandes, 11 buts pour et 3 buts contre. Au premier tour, Bayern, Dortmund et Schalke avaient fini premiers de leur poule. Et Schalke a été éliminé avec les honneurs en 8es par Galatasaray, empêchant l’Allemagne d’avoir trois clubs en quarts…
Le Bayern, géant enfin reconnu…
L’étonnement général provient du fait que les clubs allemands ont frappé fort beaucoup plus tôt que prévu. Du fait de leur « excellente santé économique » , le monde du foot estimait que les clubs de Bundesliga pourraient renouer avec les succès européens à partir de la mise en place du fair-play financier initié par l’UEFA avec ses règles applicables en 2013-14 et ses sanctions prononçables en 2014-15. Or, la Bundesliga est déjà dans la place ! Deux clubs allemands en finale de C1… Qu’est-ce que ça sera quand le fair-play financier fonctionnera ? Qui plus est, avec sa dynamique victorieuse actuelle et ses quatre clubs engagés en C1 (3+1 qui joue les barrages), une hégémonie teutonne peut se mettre en place dès la saison suivante…
Une finale 100% nationale : l’Italie, l’Espagne et l’Angleterre l’avaient fait. L’Allemagne, quatrième grand du foot de clubs européen, pouvait prétendre à pareil exploit. Mais ce n’était pas évident. En C1, le bilan allemand est plus que respectable, mais égal à celui des petits Pays-Bas (6 trophées) et un peu supérieur au petit Portugal (4 trophées pour Benfica et Porto). Et encore ! C’est le monstre Bayern qui, avec ses quatre C1 (1974-75-76 et 2001), assure le gros du palmarès, avec Hambourg (vainqueur en 1983) et Dortmund (vainqueur en 1997). Reste que le Bayern est le seul club européen à avoir joué au moins une finale de Ligue des champions lors des décennies 70, 80, 90, 2000 et 2010. Seule la Juve a fait aussi bien, mais n’a pas encore figuré dans une finale des années 2010 en cours. Outre ses quatre titres, le Bayern, c’est aussi cinq finales perdues (1982, 1987, 1999, 2010 et 2012), soit neuf duels au sommet qui le classent désormais dans le grand carré continental avec Milan AC, Real et Liverpool. En cas de succès face à Dortmund le 25 mai prochain, le club bavarois passera devant les Reds au nombre de victoires (5 chacun) et de finales jouées. Cette dixième finale assoit donc pour de bon un statut de géant européen qu’on ne lui accordait que chichement, comparé au prestige soi-disant plus affirmé de MU ou du Barça. Le Bayern demeurait en fait le grand club mondial le plus sous-estimé… Avec l’arrivée de Guardiola et de la manne financière pour recruter, le Bayern ne pourrait-il pas aller titiller le Milan (7 C1) et le Real (9 couronnes) ?
Un renouveau, vraiment ?
On applique aux performances de Dortmund et du Bayern les mêmes analyses qu’on a plaquées sur la Mannschaft depuis 2006. Un « vent de renouveau du foot allemand » , une « révolution dans le jeu et dans les mentalités » … À part l‘abandon tardif et notable du marquage individuel, le foot allemand est en fait resté fidèle à ses fondamentaux. En clubs, comme en sélection. Les Allemands sont pragmatiques : le football, c’est d’abord un sport. Donc, le physique compte : aujourd’hui comme hier, les footballeurs allemands sont costauds, rapides et endurants. Un Bayern tout terrain a pu contenir le Barça en neutralisant totalement sa possession et en bloquant Messi. Le physique, c’est aussi la possibilité d’imposer des temps forts efficaces et contraignants comme l’ont fait Bayern et Dortmund. C’est ce qui a longtemps rendu la Mannschaft aussi redoutable : le laminage en règle qu’elle imposait et qu’elle impose encore à l’adversaire. Exemple de point fort « physiquo-technique » déterminant des succès du Bayern et de Dortmund, c’est le jeu aérien. Notamment le jeu aérien défensif, où les deux défenses allemandes ont ramassé à peu près 95% des ballons dans leur surface. Le jeu de tête fait partie de ces fondamentaux du jeu que les Allemands ont longtemps partagé avec les Anglais. En se « continentalisant » par un jeu à terre plus prononcé, les British sont devenus moins performants dans ce domaine. Autre permanence du jeu allemand d’hier et d’aujourd’hui observée chez Dortmund et Bayern : la faculté de pouvoir marquer à la fois en attaques placées et en contres. Présentée comme une équipe qui ne fait pas le jeu, ou du moins peu portée sur la possession, Dortmund a pourtant planté quatre fois à l’aller sur des actions qui n’étaient pas vraiment des contres… Idem pour le Bayern, capable de varier, en contres ou en longue occupation. Mais paradoxalement, au Bernabéu (comme à Málaga), les nombreux contres foudroyants du BvB n’ont pas fait mouche. À l’inverse du Bayern, plus killer au Camp Nou…
Dernier fondamental galvaudé : la technique. On nous explique que depuis 2006, le footballeur allemand serait devenu plus technique (Özil, etc). C’est oublier que le foot allemand a toujours produit des grands joueurs à la technique très sûre, dont pas mal d’artistes : Beckenbauer (le toucher de balle le plus élégant de l’Histoire), Netzer, Overath, Schuster, Hansi Müller, Littbarski, Hässler, Möller, Scholl, voire Ballack… Enfin, même dans le domaine de la formation, l’Allemagne n’a pas exactement « copié » les autres comme le conteste, entre autres, Rüdi Völler. Le foot allemand a toujours formé de bons jeunes. Voyez la continuité de la Mannschaft au plus haut niveau (Coupes du monde et Euros) depuis 1954 à aujourd’hui : grâce à ses générations de joueurs talentueux, l’Allemagne est quasiment toujours arrivée dans le dernier carré, même dans sa période creuse du début des années 2000 (finaliste quand même au Mondial 2002). Le problème, c’est qu’on ne donnait pas leur chance à ces « rookies » . La Bundesliga avait fini par privilégier les joueurs bon marché (souvent issus des pays de l’Est) ou les gros transferts coûteux. C’est ce qui a failli tuer Dortmund, lourdement endetté au milieu des années 2000 et qui s’est donc aussi tourné vers la formation… par nécessité ! On voit le résultat aujourd’hui avec les « Klopp Babes » …
Vers l’hégémonie continentale ?
Plus que tout, en fait, le foot allemand est resté éminemment offensif. Comme il l’a toujours été. C’est l’enseignement essentiel du succès de Dortmund et du Bayern. Ajoutons la revanche personnelle de footballeurs allemands, hollandais (Robben) ou français (Ribéry) qui n’ont pas raté l’occasion de punir une bonne fois pour toutes ce football espagnol de clubs (et de sélection) qui leur avait tant fait mal depuis au moins 2008… Le foot allemand (clubs et sélection) avait tout à portée de main pour revenir au plus haut niveau, bien avant la mise en place du fair-play financier. Il faut maintenant confirmer dans les années à venir. On verra bien si on parlera d’hégémonie. Outre le fair-play financier qui le mettra en position plus favorable au niveau des clubs, ce qui manque peut-être encore au foot allemand, ce sont des vrais leaders. Un truc inhérent au foot de ce pays, propre à la mentalité germanique depuis au moins le Royaume franc. Le foot allemand, c’est d’abord ses grands tauliers, F. Walter, Seeler, Beckenbauer, Breitner, Mathäus, Kahn ou Effenberg. C’est ce qui manque encore à la Mannschaft. Idem au Bayern : le taulier, c’est Jupp Heynckes, pas Lahm, ni Schweini. À Dortmund, le charisme de Klopp et l’audace de sa folle jeunesse emportent tout sur leur passage…
Un dernier mot sur le parcours de Dortmund. Bien sûr, les Jaune et Noir ont déjà gagné la C1 dans le passé, ça compte. Mais avec ses moyens financiers aujourd’hui encore « limités » et un effectif sans stars de calibre international, on désespère à nouveau du foot français. Comme Dortmund (et l’Ajax Amsterdam dans le passé), le FC Nantes peut être considéré comme une école de foot réputée, basé sur un style de jeu original et pratiqué par des jeunes talentueux. Pourquoi les Canaris n’ont-ils jamais joué de finale européenne à la différence de l’Ajax et de Dortmund ? Enfin, le Dortmund en finale met encore plus en relief l’échec lyonnais en C1 pendant dix ans. Certes, la concurrence était plus hard du temps de l’OL. D’accord. Mais l’OL a eu aussi par moment un super effectif (période Le Guen – Houllier). Dortmund a su créer l’exploit d’éliminer nettement un bon Real en demies et d’aller en finale. Pourquoi pas Lyon ?… Le foot français avec un PSG capable de remporter bientôt la C1 pourra-t-il alors empêcher cette « hégémonie allemande » qui viendrait ?
par Chérif Ghemmour