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Batum : « Ma mère m’interdisait de jouer au foot ! »
Face à l’Espagne, en demi-finales du dernier Euro de basket, il a connu l’extase d’un tir à trois points monstrueux avant la douleur de louper ses lancers francs décisifs au bout de la prolongation. À la veille de s’envoler avec les Bleus pour l’Argentine, et un dernier stage de préparation dans l'optique des JO de Rio (premier match contre l’Autralie, le samedi 6 août), Nicolas Batum met le pied sur le ballon. Entretien.
Tu es connu comme étant supporter du PSG. Ça remonte à quand le début de ta passion pour ce club ? C’est arrivé dans les années 2000, assez tardivement, je l’avoue. Le déclic, c’est quand Pauleta est arrivé à Paris (en 2003, ndlr). À l’époque, c’était une super recrue. J’adorais ce joueur. C’est vraiment quand il a signé que j’ai commencé à suivre Paris. Ses nombreux buts, sa fameuse célébration… Mon premier match au Parc ? Oui, je m’en rappelle bien. En revanche, je ne me souviens plus de l’adversaire. Je crois que c’était pour la remise du premier titre de champion de France de l’ère qatarie, en 2013.
Tu avais neuf ans quand les Bleus sont devenus champions du monde, comment tu l’as vécu, toi, l’été 98 ?Ce qui m’a marqué, c’est plus la ferveur populaire que le titre de champion du monde en lui-même : voir le pays se regrouper, ne faire qu’un. Moi, j’étais fan de basket avant tout, mais c’est vrai que c’était génial. Ça m’a donné envie de faire du foot, mais ma mère me l’a interdit (rires).
Pourquoi ?Elle ne voulait pas. Elle me disait : « Continue de faire du basket, tu es très bon au basket. » Et puis, elle avait peur que j’attrape froid dehors.
Tu as déclaré il y a deux ans : « Parfois, je jouais plus au foot qu’au basket quand j’étais jeune ! » Est-ce que tu y prenais le même plaisir ? Le foot, c’était en détente avec les potes, dans la cour à l’école ou chez moi. Le basket, c’était mon sport. Mon premier amour. Déjà, j’étais plus fort sur un terrain de basket qu’au foot. Au foot, on me mettait devant parce que comme j’étais déjà grand, je faisais beaucoup de têtes.
Tu étais un peu le Guillaume Hoarau de ton équipe ?Exactement !
Avant de partir à Portland, en NBA, tu évoluais au Mans. C’était la belle époque du MUC 72 avec Gervinho, Romaric, Grafite, Sessègnon… Tu allais au stade les voir jouer ?Il y avait aussi De Melo, Marko Baša… Comme on était les deux équipes pros du Mans, on se côtoyait pas mal. Il y avait des rencontres organisées par la municipalité : on allait les voir à l’entraînement et inversement. Le gardien, Yohann Pelé, venait à la salle mettre des dunks ! On allait aussi voir quelques matchs au stade Léon-Bollée.
Tu as débarqué en NBA en 2008, comment le foot a évolué depuis aux États-Unis ?Le foot est en train de grandir. Je pense que l’arrivée de David Beckham aux Los Angeles Galaxy a pas mal fait bouger les choses. Il manquait une grande star depuis Pelé. Les Américains ont une vision différente comme de plus en plus de gros joueurs européens viennent finir leur carrière en MLS. Je l’ai vu à Portland (où il a joué jusqu’en 2015, ndlr). D’ailleurs, les Timbers de Portland ont récemment gagné la coupe (la MLS Cup, victoire de Portland en finale face à Columbus, le 6 décembre dernier, ndlr). L’équipe nationale a également progressé.
Est-ce que, justement, les Américains ont besoin d’avoir une grande équipe nationale pour s’intéresser à un sport ?Ça doit jouer quand même. Les résultats en Coupe du monde peuvent faire grandir l’engouement. Les tournées d’été des clubs européens aux USA, ça aide aussi. Et puis, c’est dans la culture de la communauté latino. Dans les médias, l’exposition est différente. Il y a beaucoup plus de matchs diffusés. Le classique PSG-OM, il passe à la télé. La Copa América ? Je n’y étais pas, mais de ce que j’ai entendu, il y a eu engouement. Voir Messi jouer une grande compétition, c’est autre chose que des matchs amicaux de pré-saison. Mais ça sera toujours derrière les quatre sports majeurs : foot US, basket, baseball, hockey sur glace. Chez les « purs Américains » , le foot, ça reste presque un sport inconnu.
Qui sont les plus grands connaisseurs de foot en NBA ? Quasiment tous les Européens ! Sinon, à Charlotte, mon coach, Steve Clifford, est un fan de Manchester United. Un assistant coach supporte Liverpool depuis qu’ils sont venus faire un match amical ici en 2014. Pour eux, c’est tout neuf.
Dans ton jeu, tu es notamment réputé pour tes grandes qualités défensives. Est-ce que de fait, tu apprécies par exemple l’Atlético de Simeone, une équipe acharnée en défense ?L’Atlético, ils ont quand même fait deux finales de Ligue des champions en trois ans. En basket, on dit que l’attaque gagne les matchs et la défense gagne les championnats. Mais quand je regarde du foot, en tant que spectateur, j’aime voir des buts !
Au foot, mis à part la goal-line technology, les arbitres n’ont pas accès à l’arbitrage vidéo, le jeu n’est pas interrompu. Au contraire, en NBA, dans le money time, les arbitres n’hésitent pas à arrêter le jeu plusieurs minutes afin de revisionner les actions, même pour une simple remise en jeu. Quel système devrait s’inspirer de l’autre, selon toi ? La vidéo ne me dérange pas, au contraire. Chaque décision peut faire basculer un match. Il ne faut pas faire d’erreurs. Je trouve ça très important dans une fin de match litigieuse.
Le 10 juillet, vous avez officiellement validé votre billet pour Rio en battant le Canada (83-74), en finale d’un tournoi de qualification olympique. Mais c’est aussi le jour où la France a perdu la finale de l’Euro contre le Portugal…On l’a regardé à 3h du mat’ à Manille. On était les seuls dans le restaurant, on leur a demandé de laisser les écrans allumés. C’est dommage pour l’équipe de France. Ils avaient fait taire leurs détracteurs… Avec ce match, nous, on s’est refait le film ce qu’on a vécu l’année dernière à l’Euro (défaite épique 75-80 en demi-finales face à l’Espagne, le grand rival, après prolongation, ndlr), à Lille. Les jours qui suivent, c’est un véritable cauchemar.
Tu as mis combien de temps à t’en remettre ? On ne s’en remettra jamais. On aura toujours cette petite boule dans la gorge, ce sentiment d’inachevé. Si tu t’en remets, c’est que tu n’es pas un compétiteur.
Sauf si vous gagnez les JO cet été ! Tout ce qu’on gagnera derrière, ça ne changera rien. Parce que là, c’était une compétition à domicile. C’est rare.
Par Florian Lefèvre