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- 22e journée
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Bartomeu et le fantasme de la Mano Negra
Fort de son mois de janvier réussi, Josep Bartomeu est tombé des nues en début de semaine. Mis en examen dans le caso Neymar, le président du FCB s'est précipité pour pointer du doigt « certains pouvoirs de l'État » et le Real Madrid. Une stratégie qui l'emmène sur un terrain plus que glissant...
Fin décembre, San Mamés accueillait un match amical pas comme les autres. Deux pays qui n’en sont pas, le Pays basque et la Catalogne, se retrouvaient pour une fête plus indépendantiste que sportive. Dans le Palco de Honor du nouvel écrin des Leones, les politiciens des deux communautés autonomes posaient fièrement pour la photo. Ce dimanche, Athletic Bilbao et FC Barcelone prennent le relais pour un match un tantinet plus important. Josep Bartomeu, président blaugrana, a pourtant encore misé sur cette fibre nationaliste catalane durant toute la semaine. En cause, les soubresauts du transfert de Neymar qui viennent tout juste de lui coûter une mise en examen. « Ce transfert a conduit quelqu’un qui ne voulait pas qu’il vienne au Barça à créer ce conflit. Je ne veux pas parler d’un club en particulier, mais ce qu’a dit le père de Neymar est vrai. Il avait deux offres, une supérieure à la nôtre qui venait du Real Madrid. Neymar a préféré Barcelone et cela n’a certainement pas plu. » En se posant en victime d’un complot merengue, le big boss barcelonais réfute toute faute juridique et pointe du doigt la justice espagnole. Retour sur une stratégie à quitte ou double.
Une campagne à mener
Dans les faits, sa mise en examen repose sur un délit fiscal de 2,8 millions d’euros. Alors vice-président de Sandro Rosell, Bartomeu avait pris part aux âpres négociations avec le père du joueur. Des 57 millions d’euros annoncés initialement, le transfert aura finalement coûté pas moins de 94,8 millions. Un écart gargantuesque qui avait coûté sa place au président d’alors, poussé à la démission sous la vindicte populaire. Lundi dernier, le juge Ruz, en charge de l’affaire, a mis en examen les deux hommes. Aujourd’hui sur le trône présidentiel du Barça, Bartomeu a attendu un jour avant de dégainer. Après un communiqué officiel, dans lequel il se dit « surpris, indigné et en total désaccord » , il a squatté un programme de la chaîne catalane 8tv. Résolument offensif, l’homme fort du Barça a choisi de sortir le refrain de la fameuse Mano Negra – un argument déjà utilisé par son prédécesseur au printemps dernier : « Une ligne rouge a été franchie. Certains pouvoirs n’ont pas aimé la route que prend Barcelone et ont commencé un travail pour le déstabiliser » .
En d’autres termes, Josep Bartomeu s’imagine blanc comme neige : ce n’est pas sa petite personne que l’on vise, mais l’entité blaugrana dans son ensemble. Avec un semblant de perspective, cette stratégie a tout du fin politicien. Lors d’un début de mois de janvier chaotique, durant lequel le club a dû ingurgiter l’interdiction de recrutement imposée par la FIFA et validée par le TAS, le président a pris plusieurs mesures fortes. Sportivement, il a viré un Andoni Zubizarreta dont les propos ne lui ont guère plu suite à une défaite à Anoeta et a réussi à gérer le problème Luis Enrique-Leo Messi. Institutionnellement, il a promis que des élections présidentielles se dérouleraient au mois de juin prochain, histoire de se défaire de cette image de président par défaut. Économiquement, il a ouvert des pourparlers avec Telefonica, concurrent de Mediapro pour la renégociation des droits télés et possible sponsor principal en lieu et place du Qatar. Justement, cette amitié avec l’Émirat du Golfe persique fait grincer de nombreuses dents de socios. Bref, la machine politique est en marche pour contrer le favori des sondages, le très catalaniste Joan Laporta.
Des adjoints qui lui donnent tort
Le hic, c’est qu’avec cette attaque frontale envers le pouvoir castillan imagé par le Real Madrid, Josep Bartomeu donne dans le guignolesque. Ainsi, même au sein de son board, des voix s’élèvent. Coup sur coup, Javier Faus, vice-président économique, et Carles Vilarrubi, troisième vice-président, se sont désolidarisés de leur patron. Alors que le premier cité ne voit « pas une personne se dire « on va se taper le Barça » ni des movitations politiques » , le second n’imagine pas « de théorie du complot » . Bref, jouer sur la fibre catalaniste a tout de l’argument populiste. Surtout que la défense de Bartomeu a quelques arguments à poser sur la table. Même le président de la LFP, Javier Tebas, estime « qu’en tant qu’avocat, la mise en examen de Bartomeu me semble un peu douteuse » . Comme l’explique Faus, « l’opération était complexe et exceptionnelle dans le monde du football. Le Real Madrid avait déjà signé un pré-accord et lui avait fait passer une visite médicale » . Bartomeu joue donc à quitte ou double en pointant du doigt la justice et son soi-disant penchant merengue.
Par Robin Delorme, à Madrid