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Bartomeu, en marche forcée vers l’indépendance

Par Adrien Candau
5 minutes
Bartomeu, en marche forcée vers l’indépendance

Plus prudent quand il s'agit de s'aventurer sur le terrain politique que certains de ses prédécesseurs à la tête du Barça, Josep Maria Bartomeu s'est résigné à ce que le club blaugrana appuie officiellement l'organisation d'un référendum pour l'indépendance de la Catalogne. Un signe supplémentaire que la direction du Barça doit s'adapter à la politisation croissante de ses supporters.

Bien sûr, c’était écrit. Alors que la Catalogne prévoit ce dimanche d’organiser un référendum pour décider ou non de son indépendance, une consultation considérée comme illégale par l’exécutif espagnol, le FC Barcelone ne pouvait pas rester en retrait de l’actualité. Alors le communiqué du club est tombé, le 20 septembre dernier, comme un symbole attendu de tous. Un texte simple, sobre, où le club affirme se prononcer en faveur de la tenue du référendum. Mais un texte qui s’inscrit aussi à contre courant de la volonté initiale du président du Barça, Josep Bartomeu, qui a longtemps semblé vouloir protéger le club des questions politiques.

Bartomeu, politique malgré lui

Quand les Catalans débattent âprement pour ou contre la cause de l’indépendantisme lors des élections régionales de 2015, le grand manitou du Barça préférait ainsi prendre ses distances avec l’actualité : « Le club a démontré qu’il est hors de la campagne électorale. Nous avons toujours parlé de sport et nous ne faisons pas campagne. » S’il a toujours déclaré être ouvertement pro-indépendantiste, l’activisme modéré de Bartomeu sur la question de l’autodétermination catalane n’a pas manqué de faire grincer des dents du côté de Barcelone. « En 2015, le club a rejoint ce qu’on appelle ici le Pacte Nacional pel Referèndum… En revanche, le club a été l’une des dernières institutions de Catalogne à rejoindre le Pacte, expliquait en juin dernier à l’hebdomadaire canadien La Presse l’historien Ángel Iturriaga, auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire du club catalan.

Le leadership de Josep Maria Bartomeu est très prudent quant à la politique. Ça n’a rien à voir avec ce qu’on a connu sous Joan Laporta, président de 2003 à 2010, qui était ouvertement catalaniste.

Le leadership de Josep Maria Bartomeu est très prudent quant à la politique. Ça n’a rien à voir avec ce qu’on a connu sous Joan Laporta, président de 2003 à 2010, qui était ouvertement catalaniste. »

Les récentes sorties officielles de la direction du Barça en faveur du référendum ressemblent ainsi à des prises de positions opportunistes, alors que l’autorité et la légitimité de Bartomeu à la tête de l’institution catalane sont violemment remises en question par de nombreux socios du club depuis plusieurs mois. S’il ne nie pas qu’il s’agit d’une décision pragmatique plus qu’idéologique, Ángel Iturriaga avance qu’elle était surtout inévitable : « Bartomeu et la direction du Barça ont suivi l’opinion des socios sur la question indépendantiste, voilà tout… Le catalanisme est un élément identitaire du Barça, qui a pris une dimension encore plus importante ces dernières années. »

Núñez, plus businessman que politique

Pourtant, la question politique ne s’est pas toujours systématiquement imposée à la direction blaugrana. Après la chute de Franco, le soutien officiel du club à la cause indépendantiste se fait même plus discret durant les vingt-deux ans de présidence de Josep Lluís Núñez, qui s’attache davantage à moderniser les structures du club, augmentant ses revenus comme son rayonnement à l’international, tout en le tenant autant que possible à l’écart des questions politiques. Alors que l’Espagne redécouvre la démocratie, la Catalogne retrouve en 1977 son statut de Généralité, qui lui confère une certaine autonomie vis-à-vis du pouvoir central, avec lequel elle entretient un rapport autrement plus sain et pacifié que du temps de la dictature franquiste. Le Barça suit alors logiquement le mouvement.

Guardiola et Piqué sont des catalanistes convaincus. Sportivement, ça peut paraître suicidaire. Mais là, il s’agit de faire un choix. Et pour eux, entre avoir un pays indépendant et une équipe de football compétitive, le choix est vite fait.

« Le Barça est resté un porte-étendard du catalanisme, mais quand Josep Lluís Núñez était à la tête du club de 1978 à 2000, il a cherché à dépolitiser l’institution » , poursuit Ángel Iturriaga. Mais cette ligne qui se veut plus distanciée de la chose politique semble autrement plus difficile à tenir aujourd’hui. Alors que le sentiment nationaliste catalan est resté minoritaire jusqu’en 2010, la même année, un texte élargissant l’autonomie de la région et reconnaissant l’existence de la « nation » catalane est rejeté par le tribunal constitutionnel, à Madrid. Suffisant pour mettre près d’un million de personnes dans la rue et ranimer comme jamais la flamme indépendantiste. Un brasier d’autant plus vif que la crise économique accentue le sentiment que la Catalogne, région la plus riche d’Espagne, serait « volée » par le pouvoir central, qui collecte l’impôt des régions pour redistribuer les richesses aux zones géographiques les moins bien dotées.

L’indépendance avant tout

Là encore, le Barça épouse logiquement les évolutions de la société catalane, où les indépendantistes ont remporté les dernières élections régionales en 2015 avec 47,8 % des voix. « Ce n’est que mon sentiment, mais je pense que les fans du Barça sont en majorité non seulement pour le référendum, mais également pour l’indépendance » , avance Ángel Iturriaga. Dans ce contexte-là, Bartomeu et la direction du Barça ne pouvaient sans doute que s’aligner sur l’opinion majoritaire de leurs supporters. « Nous avons reçu des pressions afin de nous positionner dans un sens ou dans un autre » , confiait récemment le président du club blaugrana. Les socios sont d’autant plus confortés dans leur alignement politique par le soutien à la cause indépendantiste de figures emblématiques du club comme Pep Guardiola et Gerard Piqué.

Le choix de l’indépendance sonnerait pourtant la fin du FC Barcelone tel qu’il existe aujourd’hui, puisque le club ne pourrait plus participer à la Liga si la Catalogne devenait une nation à part entière. « Guardiola et Piqué sont des catalanistes convaincus, même s’il me semble que Piqué s’est juste positionné en faveur du référendum sans parler publiquement d’indépendance. Sportivement, ça peut paraître suicidaire. Mais là, il s’agit de faire un choix. Et pour eux, entre avoir un pays indépendant et une équipe de football compétitive, le choix est vite fait. » Més que un club, définitivement.

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Propos d'Ángel Iturriaga recueillis par AC sauf citations issues de la presse

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