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Barrages Ligue 2 : Les étranges carrières de Frédéric Injaï et Florian Jozefzoon
Mardi dernier et sans que personne ne s’aperçoive de rien, deux mondes parallèles se sont rapprochés. Celui où un ancien joueur de l’Inter affrontait un ex de l’Ajax lors d’un barrage de Ligue 2, à savoir Frédéric Injaï, du FC Villefranche Beaujolais, et Florian Jozefzoon, de Quevilly-Rouen Métropole.
De l’Inter à Villefranche, ou de l’Ajax à Quevilly, il n’y a qu’une nuance de couleur. Frédéric Injaï et Florian Jozefzoon le savent mieux que quiconque : en sept ans, le premier est passé du bleu saphir des Nerazzurri à l’indigo des Tigres, tandis que le second a délaissé le rouge carmin ajacide pour le coquelicot de QRM. Entre ces réalités oxymoriques, il n’y a que six minutes en commun : l’intervalle entre la 84e et la 90e minute de ce FCVB-QRM, où Injaï puis Jozefzoon prennent successivement place sur le pré.
Début 2013, Frédéric Injaï, 17 ans seulement, figure sur le banc des U19 de l’Inter pour la première fois de sa carrière, lors d’un déplacement à Cesena, perdu 3-1. Le jeune milieu ne prend pas part à la rencontre, mais peut au moins se satisfaire d’avoir franchi une étape de plus dans sa progression. La suite logique voudrait justement le voir grappiller du temps de jeu avec la réserve, intégrer le groupe professionnel, et à moyen terme, entrer dans la rotation de l’équipe A du club milanais. Une logique qui correspondrait à la croissance suivante qu’Injaï a suivie. « Le foot, c’est tout pour moi, et je suis tombé dedans à 7-8 ans. J’aimerais enfin concrétiser tous les sacrifices que j’ai dû faire. J’ai quitté mes parents pour Clairefontaine à 13 ans et comme d’autres, j’ai fait l’impasse sur ma période d’ado et je n’ai pas connu que des joies », confessait le longiligne numéro 7 caladois (1,93m) dans un entretien accordé au Progrès il y a de cela bientôt deux ans.
Le modèle Luis Suárez
Au même moment, la carrière de Florian Jozefzoon est déjà bien entamée. Formé à bonne école, celle de l’Ajax, il rallie Waalwijk où son temps de jeu bondit. « C’était difficile en tant que jeune d’arriver dans l’équipe et d’avoir du temps de jeu. Après, j’ai été blessé. À l’Ajax, il y a tellement de talents que si tu te blesses, un autre a sa chance », racontait Jozefzoon dans une interview accordée à Football-Oranje en 2018. « Mes coéquipiers les plus marquants ? Suárez, Emanuelsson, Vertonghen, Anita, Alderweireld, Eriksen… Ils étaient tous bons, mais Suárez savait vraiment ce qu’il voulait. J’ai beaucoup appris de ces mecs, mais je n’ai pas passé beaucoup de temps avec eux pour en profiter plus », regrettait-il avec une pointe d’amertume.
En cette fin de janvier 2013, la phase finale de l’Euro espoirs se profile et commence forcément à trotter dans sa tête. Il ne le sait pas encore, mais il y affrontera l’Espagne de De Gea, Carvajal, Thiago, Isco, Sarabia, Muniain, Koke et Morata. Ou bien l’Italie de Verratti, Florenzi, Insigne et Immobile. Le tout aux côtés de Georginio Wijnaldum, Luuk de Jong, Daley Blind, Stefan de Vrij, et bien sûr, de l’immense Memphis Depay. C’en sera presque tout de son parcours international avec les Pays-Bas, puisqu’il choisira plus tard de représenter le Suriname. Toujours en 2013, Florian Jozefzoon ne le sait pas non plus, mais il côtoiera une kyrielle de grands entraîneurs, dont trois saisons de Phillip Cocu au PSV, qu’il vilipendait complètement dans cette même interview. « Ce que je retiens de Cocu ? Pour être honnête, il n’a pas aidé ma carrière, parce que je n’ai pas joué. Mais, ouais… Vraiment rien. Je n’ai vraiment rien à dire à son propos », le tançait Jozefzoon. Il y eut ensuite une pincée de Dean Smith à Brentford, puis un mélange de Frank Lampard, de Cocu – encore lui, sombre hasard – et même de Wayne Rooney à Derby County, bouclant une honorable longévité de 124 matchs de Championship. Toute une pléiade qui ne pouvait se clôturer sans Fabien Mercadal, à la tête de QRM depuis que son prédécesseur, Bruno Irles, est parti voir si l’herbe était plus verte à Troyes.
Ce dernier accueillait d’ailleurs l’arrivée de Jozefzoon avec joie. « Quand vous êtes performant en Championship, c’est que vous êtes solide, détaillait Irles, qui ne pensait pas un joueur de ce calibre accessible pour son QRM. C’est un type d’ailier que j’apprécie énormément, très explosif, à l’aise dans les un-contre-un, qui a de très bons appuis, capable de prendre la profondeur et de terminer ». Mais parfois, le foot fait bien les choses. « Un agent m’a indiqué qu’il y avait peut-être une ouverture. C’est une grosse opportunité que le club et le joueur ont su saisir. Florian est là pour faire parler de lui, pour montrer ses qualités au championnat de France. C’est un challenge pour lui de signer à QRM », le défiait son nouvel entraîneur. Challenge à moitié relevé : le Surinamais ne comptabilise que deux petits buts en 29 matchs au crépuscule de l’exercice 2021-2022, le tout sans être un choix numéro un.
« Repartir de plus bas et gravir les échelons »
Pour en revenir à Frédéric Injaï, il n’en a rien été des spéculations susnommées. « Comme tout jeune, je caressais le rêve professionnel, confiait-il. J’ai connu un parcours particulier. J’ai commencé fort, mais des blessures et un manque de maturité ont contrarié mon épanouissement. J’ai même arrêté le foot durant une saison. Repartir de plus bas et gravir les échelons reste mon ambition présente », témoignait le Parisien de naissance. Entre un prêt raté à Saint-Étienne, un exil au fin fond du Luxembourg à Pétange et un voyage dans les abysses du foot français, revoilà Injaï de retour en 2020 en troisième division, sous le maillot du FC Villefranche-Beaujolais.
Les planètes ont commencé à s’aligner lorsque le FCVB rate son accession en Ligue 2 pour un rien la saison dernière. Rebelote, voilà les Caladois de nouveau en barrages cette année face à un Florian Jozefzoon qui s’est visiblement fait arnaquer en achetant sa boule de cristal. « Où je serai dans cinq ans ? Je n’en sais rien, confiait l’ancien de l’Ajax, toujours en 2018. Tout ce que je sais, c’est que je vais me casser le cul pour avoir la meilleure carrière possible. Mais j’essayerai d’aller le plus haut possible. » Si on lui avait dit qu’il affronterait un ancien de l’Inter, il aurait probablement signé. Qui pourrait l’envoyer en National, sûrement pas.
Par Clément Barbier