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Barguil : « La première fois que j’ai vu un match à Lorient, il y avait encore la piste de vélo »

Propos recueillis par Jacques Besnard
10 minutes
Barguil : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>La première fois que j&rsquo;ai vu un match à Lorient, il y avait encore la piste de vélo<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Après avoir fait vibrer l'Hexagone par son panache lors du dernier Tour de France, Warren Barguil a quitté la Sunweb pour Fortuneo-Samsic. Fidèle à sa terre natale, « Wawa » reçoit en toute simplicité au bar de l'hôtel Best Western d'Auray pour parler de son unique entraînement de foot, des Merlus, de l'OM, du Vélodrome, de Raphaël Guerreiro, Jean-Claude Darcheville ou encore Pat' Évra.

Salut Warren. On connaît ton coup de pédale, mais pas ton coup de pied. Tu as joué au foot ?J’ai fait un entraînement à l’US Montagnarde à côté de chez moi, et puis c’est tout. J’ai vu direct que ce n’était pas pour moi. Le voisin de mes parents, c’était l’entraîneur, et il m’avait dit de venir essayer. Quand j’étais petit, je préférais faire du vélo. Je m’y suis mis juste après. J’ai fait du BMX et ça m’a plu avant de commencer le cyclisme à treize ans. Après, ce n’est pas pour autant que je n’aime pas jouer au foot avec mes collègues sur la plage. Elles sont belles en Bretagne en plus, donc on joue au foot dès que la marée descend.

Tu supportes quelle(s) équipe(s) ? Lorient et Concarneau, car j’ai un copain qui joue là-bas en National : Maël Illien. Je connais aussi très bien Raphaël Guerreiro. On a discuté sur Instagram parce qu’il jouait à Lorient et on s’est vus plusieurs fois, il était d’ailleurs venu à l’ouverture d’un de mes magasins. Pendant le Tour, il était blessé, il m’envoyait des photos de son lit d’hôpital pour me montrer qu’il s’occupait en regardant le Tour. On continue de s’envoyer des messages.

Est-ce que c’est mieux de jouer le maintien chaque année en Ligue 1 ou de jouer les premières places en Ligue 2 ? Finalement, en ce moment, il y a pas mal de monde au Moustoir, il y a une vraie ferveur. Je pense qu’une nouvelle ère arrive avec Landreau, et Lorient va repartir sur de nouvelles bases, avec une équipe renouvelée qui permet de donner confiance aux jeunes.

Tu aimerais aller le voir jouer à Dortmund, dans le mur jaune ?À l’intersaison, je prends un mois et demi de vacances et, cette année, c’était rempli… J’aimerais bien aller le voir, c’est un projet.

Tu as connu d’autres footeux à Lorient ?Oui, j’étais en classe au lycée Notre-Dame de la Paix avec Gaëtan Courtet. Il avait ses horaires aménagés pour s’entraîner et, du coup, moi aussi j’en profitais pour faire deux heures de vélo entre les cours. On n’a pas eu trop de contacts, mais quand on se voit, on se dit bonjour. Lorient, ce n’est pas très grand, on peut se croiser dans la rue.

Lorient est descendu en Ligue 2 justement. Pas évident après des années dans l’élite…Il n’a pas vraiment manqué grand-chose. Lors de la dernière journée, j’étais au stade du Moustoir, on fait un nul face à Bordeaux, on reste en Ligue 1 jusqu’à ce que Caen marque à la dernière minute au Parc… Après, lors des barrages, on passe à côté, c’était frustrant. C’est peut-être un mal pour un bien. Est-ce que c’est mieux de jouer le maintien chaque année en Ligue 1 ou de jouer les premières places en Ligue 2 ? Finalement, en ce moment, il y a pas mal de monde au stade, il y a une vraie ferveur. Je pense qu’une nouvelle ère arrive avec Landreau et le club va repartir sur de nouvelles bases, avec une équipe renouvelée qui permet de donner confiance aux jeunes. Denis Bouanga, par exemple, il ne va pas rester longtemps. C’était une phase où on se cherchait, c’est un mal pour un bien. Je pense qu’on va monter directement, on ne passera pas par les barrages. Mais c’est dur de ne pas avoir les grandes affiches face à Marseille ou Paris…

Soir de match au moustoir avec une belle victoire #happy #fcl #goodtime

À post shared by Warren Barguil (@warrenbarguil) on Feb 20, 2016 at 1:57pm PST

Ce retour en Bretagne était important pour toi ? Ça m’a fait du bien. Je voulais rentrer en France, et puis il y a eu l’opportunité de revenir en Bretagne. Le choix s’est vite fait. C’est surtout ça qui m’a fait signer chez Fortuneo. Il y a la proximité aussi, car le service-course est à une heure et demie, la langue française que je retrouve, l’esprit familial de l’équipe… Je suis content d’être rentré.

L’esprit était différent à la Sunweb ?Ça s’est bien fini, car on s’est envoyé des messages. Il y a eu ce qu’il y a eu, mais je ne suis pas du genre à dire que c’est une équipe de merde ou ces choses-là. J’ai du respect pour eux. Faut pas oublier les bons moments que j’ai passé avec…

Tu comprends que cette décision de signer dans une équipe « plus faible » ait pu surprendre ?Oui-oui, tout le monde me dit ça ! Mais le cyclisme, ce n’est pas comme le foot. Pour nous, c’est toute l’année la Coupe de la Ligue, les équipes de Ligue 1 et de Ligue 2 peuvent se rencontrer. C’est différent de dire que c’est une petite équipe. En continentale pro, il y a des formations qui sont au moins autant invitées sur les grandes courses que certaines équipes du Pro Tour. J’aurais pu signer dans d’autres équipes. J’avais le choix. J’avais Emirates, Trek-Segafredo qui est venue sur le tard, la FDJ et AG2R sont venues aussi me voir, mais je voulais revenir à la maison.

La décision de l’équipe a été extrêmement rapide, elle a été prise avant qu’on ait une discussion. Ils m’ont appelé après le repas et il m’ont dit qu’ils m’avaient pris un billet d’avion pour le lendemain. Je suis rentré chez moi et je me suis dit : « Ouah, c’est comme si on t’avait viré au boulot. »

Ça a été compliqué de gérer cet incident du Tour d’Espagne où tu es exclu pour indiscipline ? Bien sûr. Le vélo, c’est ma passion avant tout. La décision de l’équipe a été extrêmement rapide, elle a été prise avant qu’on ait une discussion. Ils m’ont appelé après le repas et il m’ont dit qu’ils m’avaient pris un billet d’avion pour le lendemain. Je suis rentré chez moi et je me suis dit : « Ouah, c’est comme si on t’avait viré au boulot. » C’est leur choix, ils me paient, ils décident. Moi, je me suis excusé auprès de mes collègues. À la Vuelta, j’étais super bien, motivé et je savais que c’était mon dernier grand tour avec l’équipe. Je voulais bien faire, quoi. Du jour au lendemain, je me retrouve dans un avion, et la course continue, c’est difficile à gérer.

On t’a reproché de l’avoir joué perso et de ne pas avoir attendu ton leader, Wilco Kelderman. Quelle est ta version des faits ?Il a crevé à vingt kilomètres de l’arrivée. Nous, on nous a dit de rester devant avec Sam Oomen. On est restés devant toute la bosse et il était en train de rentrer. Dans la descente, à cinq kilomètres de l’arrivée, on nous a dit de nous relever. Sam s’est relevé, je me suis mis dernier du groupe, mais c’était très sinueux, et à deux derrière, ça ne changeait rien. J’attendais que Wilco ne soit pas très loin au contact, genre à 500 mètres pour pouvoir me laisser décrocher et faire un gros sprint. Ça n’a pas été interprété comme ça, mais, pour moi, c’était la meilleure décision. Deux jours avant, dans un col, je l’ai attendu alors que je me sentais très bien et que j’aurais pu jouer la victoire d’étape.

On revient sur le foot. Tu avais aussi déclaré ta flamme à l’Olympique de Marseille. C’est toujours le cas ? Oui, je suivais l’OM quand j’étais petit. Là, je suis en train de ranger des affaires et, dans mes cartons, j’ai retrouvé une écharpe de l’Olympique de Marseille. Marseille-Paris, forcément c’était des matchs qui nous marquaient plus que les autres quand on était petits. J’étais un grand fan, j’aime toujours. C’est dur de rivaliser avec Paris, mais je pense qu’ils ont trouvé un bon entraîneur avec Rudi Garcia. Ça va prendre du temps, mais ce qu’il a fait à Rome, je crois qu’il peut le faire à l’OM si on lui donne les moyens.

Lorient-Marseille, t’es pour qui ?Lorient quand même, j’ai noué plus de liens avec eux. Je me souviens de la finale de Coupe de France devant ma télé quand on gagne avec Darcheville. C’était énorme… La grande époque de Lorient.

Tu as couru au Vélodrome lors du dernier Tour de France. Un grand souvenir, j’imagine ?C’était dingue. Ça m’a marqué parce que c’est impressionnant de voir comme on est petit au milieu de ça. J’avais déjà donné le coup d’envoi du match Lorient-Paris quand ils étaient devenus champions de France et ça m’avait fait très bizarre. Le Moustoir, ce n’est pas grand, mais le stade était plein. Être joueur de foot quand on joue à l’extérieur dans un grand match, ça doit être vraiment très compliqué.

Tu as ressenti l’atmosphère d’un stade de foot à Marseille ?C’était une grosse émotion, j’ai réussi à la gérer, ce n’était pas du stress, c’était du plaisir. J’avais déjà consolidé le maillot à pois. J’ai fait un bon chrono en plus. Je n’y étais jamais allé, j’ai un copain qui y était allé quand on était petits et on était tous jaloux de lui. Ils nous avaient dit : « Les gars, ils sont tous torse nu, c’étaient des malades. » Les gens étaient vraiment regroupés à Notre-Dame-de-la-Garde dans la bosse, c’était génial. C’était bizarre d’être sur un vélo dans un stade de foot déjà, même si, comme son nom l’indique, à la base, on y faisait du vélo à l’époque. C’est comme au Moustoir, la première fois que j’ai vu un match à Lorient, il y avait encore la piste de vélo, c’était mythique.

Il y a des joueurs que tu admires ou que tu aimes plus que les autres ?Il y en a un qui me fait bien rigoler, c’est Patrice Évra. Tout le monde lui casse du sucre sur le dos, mais, finalement, il se fait une belle com’. C’est fort ce qu’il fait. Il est critiqué, mais j’ai entendu dire que dans les vestiaires, c’était un meneur d’hommes et un très bon capitaine. Sur les réseaux, tout le monde se fout de sa gueule, mais je crois qu’il se moque encore plus de nous. Je lui tire mon chapeau de faire ce qu’il fait, car il ne se rabaisse pas aux critiques des gens, à les insulter, il rigole. Il se marre bien dans sa vie et c’est l’essentiel.

Deux victoires d’étape, pour moi, c’est déjà énorme. Le maillot jaune, ce n’est pas mon but à l’heure actuelle. Déjà, rentrer dans les cinq premiers, ce serait bien.

Tu as réussi à gérer toute cette ferveur autour de toi après le Tour ?Oui, j’ai été beaucoup sollicité, mais j’ai réussi à prendre mon temps, j’ai essayé de ne pas accepter trop d’interviews. Je me suis marié, j’ai eu ma lune de miel, ça m’a permis de voir autre chose. Je ne me prends pas la tête, c’est cool. En Bretagne, et notamment à Lorient, les gens me suivent depuis longtemps, ils me reconnaissent sur la route quand je m’entraîne, ils me font des signes, ils klaxonnent, me demandent des photos. Il n’y a jamais de problèmes, ils sont respectueux. Si j’avais été footeux avec le même niveau que dans le vélo, je mettrais peut-être plus une barrière avec le public.

Tu penses être capable de gagner le tour ? Tu t’imagines avec un maillot jaune à Paris ?Non, non… Deux victoires d’étape, pour moi, c’est déjà énorme. Le maillot jaune, ce n’est pas mon but à l’heure actuelle. Déjà, rentrer dans les cinq premiers, ce serait bien.

Il y a une course qui te fait rêver ?Les championnats du monde. Et puis j’aime bien le Tour d’Espagne, c’est la course qui m’a permis de me révéler, elle me tient à cœur. Et puis on se réveille tard le matin, c’est une course cool, quoi. J’aime bien le public espagnol, je m’entends super bien avec lui. Je suis quelqu’un qui est ouvert, je pense, je sors tôt du bus, je vais voir les gens…

Chris Froome a subi un contrôle anormal à cause d’une concentration trop forte de salbutamol. On ne va pas parler de ça, je n’ai pas envie de me faire d’ennemis dans le vélo. (Rires.)

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Propos recueillis par Jacques Besnard

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