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Baresi, enfer et paradis

Par Adrien Candau

De la conquête du dixième Scudetto à l'âge sombre du Totonero et de la Serie B, pour finir par les années de gloire de l'ère Berlusconi, Franco Baresi aura tout connu avec l'AC Milan. La souffrance puis l'extase. Deux émotions, deux Milan aussi, dont Kaiser Franz reste le plus iconique des représentants.

#2 - Franco Baresi

Plus qu’un champion, Franco Baresi est un témoin. Un témoin du temps qui passe et d’un club qui change de fond en comble. Entre le Milan de Berlusconi, champion d’Europe en 1989 et celui de la fin des années 1970, surprenant champion d’Italie bientôt condamné au purgatoire de la Serie B, il y un gouffre, immense. Et un seul et unique joueur qui permet de faire le lien entre les deux : Baresi. Un mythe vivant, qui refuse toute hiérarchisation entre ces deux Milan, pourtant si différents : « Cette première Coupe d’Europe en 1989 était très spéciale, mais je ne peux pas négliger les deux années que nous avons passées en Serie B. Elles ont été tout aussi importantes que les autres. » Il Capitano le sait : si les sentiments que lui évoquent ces deux époques sont antinomiques, la force des souvenirs, elle, reste identique.

La dixième étoile

Pourtant, tout commence d’abord comme dans un doux rêve pour Franco Baresi. Ses débuts en équipe première du Milan, à seulement 17 ans , lui attirent déjà les louanges de la légende Gianni Rivera, conquis d’office : « Ce jeune garçon fera du chemin. » La saison suivante, le Mister du Milan, Nils Liedholm, installe Baresi dans l’axe de la défense. Le succès est total. Déjà incroyablement mature mentalement et tactiquement, le jeune libéro emmène Milan jusqu’au titre de champion d’Italie en 1979. Un titre pas comme les autres, qui représente le dixième sacre du Milan en championnat, que les Rossoneri attendent depuis onze ans, le fameux « Scudetto della Stella » . « Franco a sans doute été le joueur le plus important cette saison-là. À 18 ans, il avait déjà le savoir-faire d’un vétéran » , observe Liedholm. La saison suivante, Baresi confirme et les Rossoneri terminent à une satisfaisante troisième place. Mais tout s’effondre soudainement quand le club lombard est rétrogradé en Serie B, à la suite du scandale du Totonero.

L’âge sombre

Une relégation qui initie un cycle de trois saisons noires pour les Rossoneri. Si Milan remonte dans l’élite dès 1981, le club est relégué en Serie B l’année suivante. Une saison désastreuse, notamment marquée par l’absence prolongée de Baresi, atteint d’une maladie du sang qui l’éloigne pendant quatre mois des terrains. Pourtant considéré comme le défenseur le plus prometteur d’Italie, Baresi s’envole pour la Coupe du monde 82 en Espagne, en sachant qu’il évoluera en Serie B la saison suivante. Mais il refuse catégoriquement de quitter le Milan. Même après avoir remporté – bien que sans jouer – le Mondial avec la Nazionale, le joueur reste inflexible : « Je reste et resterai au Milan parce que Milan est mon équipe. Celle à qui j’ai beaucoup donné, mais qui m’a aussi beaucoup donné en retour. Je sais que de grands clubs s’intéressent à moi… Mais je ne voulais pas partir. La vérité, c’est que je ne considère pas honteux de jouer en Serie B avec les Rossoneri, bien au contraire. » En choisissant de souffrir en silence sous le maillot rouge et noir plutôt que d’intégrer une prestigieuse formation de Serie A, Baresi achève ainsi de gagner les cœurs des tifosi et de sa direction. À partir de 1982, il devient Il Capitano et ne lâchera plus le brassard jusqu’à la fin de sa carrière, quinze ans plus tard.

Le séisme Berlusconi

C’est dans un mélange de sidération et d’admiration que le défenseur observera ensuite l’arrivée de Silvio Berlusconi à la tête du club lombard en 1986. Il comprend alors que le vieux Milan, celui pour lequel il s’est sacrifié sans calculer, a vécu. « Berlusconi est arrivé alors que le Milan vivait des temps dangereux et était au bord de la faillite » , rembobine Baresi. Le Milan du Cavaliere sera d’une tout autre dimension. Berlusconi veut d’entrée bâtir un club capable de briller de mille feux sur les terrains, comme de donner le la de l’agenda médiatique en dehors : « Je me rappelle le premier jour de Berlusconi au club… On ne savait pas quoi faire de lui. La première année, pour présenter l’équipe, il nous a fait transporter par hélicoptère jusqu’au centre de Milan. Par hélicoptère ! Ça m’a laissé sans voix, mais, pour ça comme pour le reste, il était simplement en avance sur son temps. »

La défense au rang d’art

Si Milan change, Baresi, lui, restera le même de bout en bout. À la différence près que son talent, désormais mis en valeur par les titres en pagaille des Rossoneri sur le plan national comme continental, explose aux yeux du monde entier. Majestueux, technique, doté d’un sens superlatif de l’anticipation, voir Baresi défendre a quelque chose de merveilleux. « C’est mon idole. Il avait une façon de courir au sein des lignes arrières… la classe, tout simplement, se remémore Marcel Desailly. Il semblait toujours savoir en avance où la balle allait, aucun avant-centre ne pouvait le surprendre. Techniquement, il était aussi très bon. Je pense qu’on ne peut pas se représenter aujourd’hui à quel niveau il a emmené l’art de la défense. » Un art que Baresi imprègne de son style, si particulier, alors que son gabarit modeste dissimule des qualités physiques insoupçonnées : « Il était petit, mince, mais tellement fort. Il sautait tellement haut… se souvient Paolo Maldini. Il ne pesait que 70 kg, mais laissez-moi vous dire que quand il vous taclait, vous le sentiez passer. En somme, il était spécial. » Spécial, Baresi le restera jusqu’à ce qu’il mette fin à sa carrière en 1997. Son numéro de maillot, le six, est alors retiré, une première dans l’histoire du Diavolo. Une histoire aux contours parfois sombres, parfois triomphants, que Franco Baresi avait décidé d’embrasser dans sa totalité.

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Par Adrien Candau

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