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Barcos, l’escale d’une vie
Hernan Barcos. Un nom qui ne vous dit sûrement rien. Pourtant le joueur de 28 ans enchaîne les buts dans une équipe de Palmeiras morose. Appelé pour la première fois en équipe d’Argentine pour les rencontres face au Paraguay et au Pérou, les 8 et 12 septembre derniers, le pirate a peut-être enfin trouvé un rythme de croisière. Portrait.
« L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive. » Les deux vies d’Hernan Barcos résumées en un vers de Lamartine. Deux vies opposées, avec un avant et un après le passage de Quito. Il faut bien le dire, l’Argentin fut un sacré voyageur. Rien que son nom, en traduction littérale, signifie « bateaux » . Une des nombreuses raisons pour lesquelles le natif de Bell Ville était prédestiné à parcourir le monde. Si le maigrelet est un attaquant longiligne, il n’a jamais été un joueur glamour. Singulier, il l’est jusque dans le look. Petit bouc, queue de cheval, une allure d’aventurier. Le monde du football l’ignore, un temps. Les supporters des clubs où il est passé l’adorent, souvent. D’abord pour son charisme et son cœur. Non, pas tous en fait… À l’Étoile rouge de Belgrade, où il effectue une pige de quelques mois de 2007 à 2008, même ses coéquipiers de l’époque l’ont oublié. Ou presque. L’un d’eux, Ibrahima Gueye, défenseur sénégalais de 34 ans qui l’a côtoyé lors de ce naufrage serbe, s’en rappelle vaguement : « Un joueur lent, mais un gars sympa. Il ne m’a pas impressionné. Le jeu européen n’était peut-être pas fait pour lui… » Depuis Belgrade, le géant vert est devenu un brin plus rapide. La technique ? Il l’a toujours eue. Et si l’Europe le snobe encore cet été après deux années exceptionnelles au LDU Quito, ponctuées de 22 buts en 32 matchs, ce n’est pas pour un manque de talent.
« Hernan who ? »
À la recherche de perles bon marché en Amérique du Sud, le scout bordelais Jérôme Bonnissel se pose plus de questions qu’il ne donne de réponses quand on lui souffle le nom du fantasque pirate : « Barcos ? Des collaborateurs m’en avaient parlé quand il jouait en Équateur. On n’a pas travaillé dessus mais je vois le type de joueur. S’il flambe, c’est sûr qu’on ira l’observer, mais les prix seront peut-être déjà trop élevés. Il n’est pas tout jeune si ? » Problème de taille, donc : Barcos a 28 ans. Pas l’âge idéal pour être pisté par les cadors d’Espagne, d’Italie ou d’Angleterre. Palmeiras rafle la mise l’hiver dernier, en catimini. Les médias locaux s’interrogent : « Hernan who ? » Il est vrai que le corsaire aime avant tout découvrir du pays. Dans son continent, ou ailleurs. Et s’il débute dans son pays, l’Argentine, à 19 ans, le Racing, son club formateur, ne cessera de se débarrasser de lui. En effet, ses intérêts sont gérés par une agence sans scrupules qui le prête chaque année pour accumuler des primes. Barcos écume six pays en huit ans.
À son carnet de route figurent d’abord, en 2005, les rivages paraguayens de Guarani. Un succès. Le globe-trotter repart l’année suivante en Équateur, à Omedo. 26 buts et 43 matchs plus tard, il commence à éveiller l’intérêt des écuries du Vieux Continent. La Serbie et son club phare, l’Étoile rouge, l’appellent. Pour le naufrage que l’on connaît. Il n’y reviendra plus. « El pirata » retourne donc au pays, à Huracán. Mais ce ne sera qu’un intermède. Le temps de préparer la caravelle, de charger les bagages et c’est parti pour la Chine. Décidément les choix de carrière du grand Hernan ne sont pas les plus académiques. Foutus agents. Sans grande surprise au vu du niveau, la Chine, nouvelle terre d’accueil de l’expat’, va très vite se délecter de la dextérité du lévrier, sosie inavoué du chanteur populaire Zé Ramalho. Barcos séduit au Shanghai Shenhua avant d’en faire de même au Shenzhen Ruby. 2009 lui réussit. Il enfile 14 perles en 14 matchs et devient le meilleur buteur du championnat. Son seul titre individuel. Pas bandant, mais c’est déjà ça. Les titres collectifs, eux, Barcos va les chercher avec sa patrie d’adoption, l’Équateur, où il remporte le championnat ainsi que la Recopa Sudamericana avec les blancs de Quito, l’année suivante.
Le pari de Scolari
L’Amérique du Sud fait donc connaissance avec ce talent pur qui n’inscrit, pour la plupart, que de jolis buts. Plus bel exemple en date, la chevauchée face à Godoy Cruz en Copa Libertadores. Barcos est excentré sur la gauche se débarrasse de deux poursuivants d’un râteau derrière le pied d’appui, accélère, fait mine de centrer pour enrouler la gonfle. Qui termine sa course malicieuse dans les filets adverses.
À force d’enquiller les golazos, il attire l’œil de Felipe Scolari, coach de Palmeiras. L’ancien sélectionneur de la Seleção le supervise toute l’année alors qu’il dynamite les défenses équatoriennes. Mais l’idole de Quito se sent bien dans son nouvel environnement. Si bien qu’en septembre dernier, le flibustier n’hésite pas à demander la citoyenneté du pays surnommé « l’enfer vert » , le Tricolor. Les procédures sont d’abord en cours mais n’aboutissent finalement pas. Barcos est adopté par le peuple équatorien mais Scolari le veut vraiment et parie 3 millions d’euros sur l’apatride. Suffisant pour remporter la mise. Sans surprise, le numéro 29 cartonne d’entrée. Il en est à 21 buts toutes compétitions confondues cette saison. Les supporters verdes ne s’y trompent pas et le voient comme un sauveur depuis un doublé inscrit face à São Paulo, l’ennemi juré en février dernier. Le pirate accumule depuis les belles performances et Alejandro Sabella, le nouveau sélectionneur de l’Argentine, a fini par lui offrir ses premières minutes sous les couleurs de l’Albiceleste face à l’Uruguay (3-0), le 13 octobre dernier. Sur une pente ascendante, le néo capé s’est ensuite permis d’inscrire un doublé contre un concurrent direct du Verdao, Cruzeiro (2-0). Finalement, Barcos n’a jamais eu qu’une escale, le but.
Par Dimitri Laurent