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Barcelone-Real Madrid : Que vient faire NEOM dans le foot ?
Les (télé)spectateurs de la finale de la Supercoupe d’Espagne qui opposera le Real au Barça, ce dimanche, ne pourront pas passer à côté de Neom, partenaire officiel de la compétition. Pour les autorités saoudiennes, la promotion de la pharaonique mégapole futuriste, qui doit voir le jour en 2030, passe aussi par le ballon rond.
Combinaison du mot grec « neo » pour nouveau, et « m » pour « moustaqbal » ( « futur » en arabe), Neom était partout lors de cette Supercoupe d’Espagne. Partenaire officiel de la compétition, le nom de l’entreprise figure sur les panneaux publicitaires en bord de terrain, sur le sol devant les virages, et sa police est encore plus grande que le nom du tournoi. C’était par ailleurs la seule chose qui pouvait attirer le regard en dehors du rectangle vert, lors des demi-finales opposant le Real Madrid à Valence, et le Real Betis au Barça, tant l’ambiance du King Fahd Stadium était morne.
Le foot, l’outil de communication idéal
Le projet de la ville de Neom a été dévoilé en grande pompe par le prince héritier Mohamed Ben Salman, en juillet dernier. Devant être située dans le désert au nord-ouest du pays, la ville prendra forme le long d’un axe principal, nommé « The Line » et qui doit faire 170 kilomètres de long. 500 milliards de dollars seront nécessaires pour la construction de cette ville ultra-moderne, sans routes, ni voitures. Et une énorme opération de communication dans le sport roi, pour sa réputation. Il faut en mettre plein la vue au monde entier. « Les stades de NEOM seront suspendus, et mesureront 300 mètres de haut », a ainsi annoncé Nadhmi Al-Nasr, ambitieux directeur du projet, le 30 novembre dernier. Et Neom n’a pas attendu la venue du Real et du Barça à Riyad pour mettre un pied dans le football.
Exemple des ambitions démesurées de ce plan : Le projet NEOM avec sa future « cité du futur » baptisé The Line de 460km en longueur, reliée par des transports en commun et véhicules autonomes, qui pourrait accueillir un million d’habitants en 2030. pic.twitter.com/ItkIoZlJpx
— FC Geopolitics (@FCGeopolitics) January 6, 2023
Il s’est d’abord tourné vers l’Asie. En 2021, un partenariat est signé avec la fédération asiatique de football (AFC), par le biais de Football Marketing Asia, le partenaire marketing exclusif de l’instance reine du foot continental. Grâce à ce contrat, toutes les compétitions continentales seront estampillées Neom : Coupe d’Asie 2023, Coupe d’Asie féminine 2022, Coupe d’Asie U23 en Ouzbékistan, matchs de qualification pour la Coupe du monde 2022, etc. Les têtes pensantes du projet n’ont aucun mal à assumer leur stratégie. Sur ses réseaux, Neal Coupland, directeur des partenariats, l’admet : « Le football est une plateforme idéale pour développer l’image de la marque. » Et en ce qui concerne le robinet de dollars qui permettra à la ville de sortir de terre, c’est le même que celui qui a redonné vie à Newcastle : le PIF (Public Investments Fund). « Je ne serais pas étonné que dans les mois à venir, on voit des panneaux près de la pelouse faisant la promotion de Neom à St James’ Park. Les propriétaires sont les mêmes, alors pourquoi s’en priveraient-ils ? », explique Mohamed Badine El Yattioui, professeur en relations internationales à l’université américaine des Émirats arabes unis.
Une image écornée à l’international
En matière de promotion d’image, le prince héritier saoudien, MBS, a eu un exemple tout près, chez le voisin qatari. Organisation de la Coupe du monde 2022, rachat du PSG par QSI (Qatar Sports Investments), recrutement des superstars Messi et Neymar, etc. Doha a mis les bouchées doubles dans le football, pour diversifier son économie, et se dissocier de la dépendance aux hydrocarbures. « Les Saoudiens veulent désormais eux aussi leur Coupe du monde en 2030 (coorganisée avec l’Égypte et la Grèce), après s’être offert Newcastle, et avoir fait venir Cristiano Ronaldo à Al-Nasr », enchaîne-t-il. Sans oublier la nomination, en mai dernier, de Léo Messi en tant qu’ambassadeur du tourisme. Un domaine dans lequel le PIF est particulièrement actif. Et comme pour le Qatar, il s’agit de redorer une image bien écornée à l’international. Et MBS le sait.
Son projet a failli être mort-né à la suite de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en septembre 2018. « Personne n’investira dans ce projet pour de longues années », avait-il concédé, dans des propos rapportés en décembre de la même année par le très sérieux Financial Times. Finalement, investisseurs et partenaires ont passé outre. De quoi inquiéter les 20 000 membres de la tribu des Huwaitat qui devront plier bagages, pour laisser le projet se concrétiser. « Pour nous, Neom se construit sur notre sang, sur nos os », avait déploré en 2020, au Guardian, la militante Alia Hayel Aboutiya al-Huwaiti. Le visage de cette contestation, Abdul-Rahim Al-Huwaiti, a été retrouvé mort chez lui en avril 2020. Les autorités saoudiennes, quant à elles, ont précisé dans un communiqué que c’était lui qui avait ouvert le feu face aux forces de sécurité. Mais dans l’actualité, la victoire retentissante des Faucons face à l’Argentine en Coupe du monde a fait plus de bruit que les revendications de celles et ceux qui ne souhaitent pas quitter leurs terres. De même que les deux titres d’Al-Hilal en Ligue des champions asiatique en 2019 et en 2021. Ce dimanche, les (télé)spectateurs du Clásico ne connaîtront pour la plupart même pas son nom. En revanche, ils verront des dizaines de fois celui-ci : Neom.
Par Achraf Tijani