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Barcelone-Liverpool : le clash des hymnes !
Un match de foot, ça se dispute sur le terrain, mais aussi dans les tribunes. Alors qui va gagner ce soir au Camp Nou le duel de chants des supporters ? À votre droite et à domicile, les Blaugrana et leur Cant del Barça et à gauche, les Reds et leur You’ll Never Walk Alone. Faites vos jeux !
BARÇA ! BARÇA ! BAAAAARÇA !
En novembre 1974, pour fêter les 75 ans du FC Barcelone, les Blaugrana disputent deux matchs amicaux au Nou Camp. Le 12 contre Manchester City (3-2) et le 27 contre la RDA (2-1). C’est lors de ce deuxième match qu’une chorale impressionnante de 3500 chanteurs dirigée par Oriol Martorell entame pour la première fois en public un chant de célébration du club, Cant del Barça. La musique est signée Manuel Valls Gorina (cousin germain du père de l’ex-Premier ministre français), et les paroles sont de Jaume Picas et Josep Maria Espinàs. Après quatre hymnes officiels créés en 1910, 1923, 1949 et 1957, c’est bien le Cant del Barça qui le deviendra jusqu’à aujourd’hui. C’est surtout le refrain qui galvanise : « Blaugrana al vent / Un crit valent / Tenim un nom el sap tothom / BARÇA ! BARÇA ! BAAAAARÇA ! » ( « Blaugrana au vent/ Un cri courageux / Nous avons un nom, tout le monde le connaît / Barça ! Barça ! BAAAARÇA ! » ). Un refrain qui claque comme un slogan. Et pour cause ! Le Cant del Barça ( « Le chant du Barça » ) est éminemment politique. En novembre 1974, le vieux dictateur Franco agonise, mais il tient encore l’Espagne dans sa poigne de fer, et l’interdiction de toutes les manifestations identitaires régionales fait loi. La langue catalane et la catalinité en général sont prohibées et ce n’est qu’au stade du Nou Camp que les Barcelonais bravent l’interdit en s’exprimant dans leur langue.
Le président du Barça du moment, Agusti Montal, a donc eu un sacré courage de faire retentir un chant en catalan. Mieux : cet hymne a des paroles, à l’inverse de l’hymne national espagnol, et en plus il est joué avant un match contre la RDA (Allemagne de l’Est), alors que Franco est viscéralement anti-communiste ! Les connaisseurs auront reconnu au début du Cort del Barça le clap-clap-clap en tapant des mains qui fait penser au slogan des supporters du grand Ajax Amsterdam de l’époque ( « A-jax ! Clap-clap-clap… A-jax ! Clap-clap-clap » ). Pas vraiment un hasard… En arrivant au Barça à l’été 1973, Johan Cruyff avait guidé le club à un titre de champion d’Espagne plus gagné depuis 1960. Certains historiens du club datent même le revival catalaniste porté par le Barça devenu « l’armée d’un état sans nation » au 17 février 1974. Ce jour-là, le Barça avait humilié le Real au Bernabéu 5-0. Un événement qui avait transcendé la jeunesse catalane, tel le petit Joan Laporta (12 ans en 1974) : « Je me souviens très bien de ce match : on sort du tunnel. L’histoire peut changer. C’est ce jour que je suis devenu cruyffien. » C’est entre autres sur la dynamique du titre de champion qu’Agusti Montal avait lancé les festivités du 75e anniversaire du club véhiculé par le mot d’ordre « El Barça Mes que un club » et en officialisant publiquement la dénomination « Barça » dans l’hymne Cort del Barça! Devenu président de la Maison blaugrana en 2003, Joan Laporta exigera que les paroles défilent sur les écrans du stade afin que tous les supporters blaugrana puissent chanter l’hymne au moment où les joueurs pénètrent sur la pelouse. Ce qui fut fait la première fois contre Chelsea en Ligue des champions, le 23 février 2005 (2-1).
Liverpool : YNWA
C’était foutu pour Lily Pool. La coupe aux grandes oreilles repartirait ce 25 mai 2005 à Milan, chez les Rossoneri. Et puis le cours du destin s’est inversé… L’ancien Red Luis García se souvient : « Nous étions assis dans le vestiaire et on pouvait entendre des milliers de nos fans chanterYou’ll Never Walk Alone. Pouvez-vous imaginer ce qu’on ressent là ? Nous étions menés 3-0 à la mi-temps et ce qu’on pouvait entendre, c’était 45 000 personnes nous faisant savoir qu’ils croyaient encore en nous. C’est à ce moment qu’on a commencé à y croire aussi. » Et le miracle d’Istanbul se produisit… Voilà ! C’est ça la force de l’hymne de football le plus connu au monde. YNWA : quatre lettres universelles pour You’ll Never Walk Alone. C’est au moment du football plus largement diffusé dans le monde des années 1970 que le grand frisson du YNWA s’est propagé. Au moment de l’épopée européenne du grand Liverpool FC (quatre C1) : les Reds, Anfield Road, le Kop, les écharpes tendues à bout de bras et le refrain de ce chant qui prend aux tripes. « Walk on, walk on with hope in your heart / And you’ll never walk alone. » ( « Marche, continue de marcher avec l’espoir dans ton cœur / Et tu ne marcheras jamais seul » )… Une ballade pleine d’espoir malgré l’adversité et qui colle si bien à une ville ouvrière où la solidarité tient lieu de devise. YNWA reflète surtout l’âme de tout le peuple scouser de la Mersey chantée par les Beatles à travers des chansons de communion comme Let It Be, The Long and Winding Road, Imagine et même le rigolo All Together Now. Mais ce sont Gerry and the Pacemakers, autre groupe liverpudlien, qui ont transformé en hymne officiel du club une chanson américaine écrite par Rodgers et Hammerstein en 1945 pour la comédie musicale Carousel.
Leur reprise du morceau enregistrée en octobre 1963 et devenue numéro 1 des charts accrocha d’emblée les supporters du LFC lorsque le DJ du club envoyait le morceau sur la sono d’Anfield Road avant les matchs. Bill Shankly, le célèbre coach du Liverpool FC du moment, adouba le titre que Gerry Marsden (leader du groupe) lui fit écouter. « Bill vint vers moi, raconte Gerry. Il me dit : « Gerry, j’ai donné à tous une équipe de football et ton groupe nous a offert une grande chanson. » » À la mort du grand Bill en 1981, le club associa l’homme et la chanson une année plus tard à l’entrée d’Anfield Road, à la Porte de Shankly (Shankly Gates). You’ll Never Walk Alone en fer forgé en surplombe le fronton. Ces quatre mots sont aussi devenus la devise du LFC, figurant depuis sur son blason. Ce même blason qui arbore deux flammes sur les deux côtés en souvenir de la catastrophe de Hillsborough du 15 avril 1989. C’est pour les 96 supporters morts que tout Liverpool a chanté You’ll Never Walk Alone le jour de leurs funérailles et qu’ils continuent aujourd’hui à le chanter. Quand YNWA retentit, on fait silence pour écouter, espérer, mais aussi se recueillir. Avant qu’une immense clameur embrase l’arène et qu’entrent enfin les héros. Depuis 56 ans, You’ll Never Walk Alone est le douzième homme qui ne laissera jamais les Reds marcher seuls.
Par Chérif Ghemmour