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Barça : Libérez Antoine Griezmann
Depuis son arrivée au club l'été dernier, le refrain est le même : Antoine Griezmann ne serait pas fait pour le jeu du Barça. Une drôle d'affirmation sachant que la machine catalane repose désormais davantage sur le talent de Lionel Messi plutôt que sur une philosophie dogmatique. Un vrai casse-tête pour l'attaquant français, auteur d'une prestation quelconque à Majorque samedi, qui mériterait de bénéficier d'un peu plus de liberté et de respect.
Sur le papier, c’était plutôt excitant. Dans la tête d’Antoine Griezmann, aussi : quitter l’Atlético après un quinquennat réussi, rejoindre le Barça pour répondre à un nouveau défi et tâter le ballon aux côtés de Lionel Messi. Le tableau était presque parfait, il donnait même très envie. Résultat ? Près d’un an après son arrivée en Catalogne, le champion du monde ne fait toujours pas l’unanimité. Dernier exemple en date ce dimanche sur la pelouse de Majorque : si Barcelone a fêté le retour de la Liga avec un succès tranquille (0-4), Griezmann a quitté ses partenaires à l’heure de jeu, le visage fermé, après une prestation quelconque pour laisser sa place à Luis Suárez.
L’international français avait pourtant fait une promesse à quelques jours de la reprise du football en Espagne : « La pause m’a fait du bien. J’avais besoin de me reposer. Cela faisait cinq ans que je n’avais pas connu de période si longue sans jouer. J’ai pu profiter de ma famille et je suis au top physiquement et mentalement désormais. » Résultat, tout le monde a préféré retenir la tronche dépitée de Grizou sur le banc quelques secondes après sa sortie plutôt que ses 23 ballons touchés ou ses vingt premières minutes intéressantes (avant de disparaître, c’est vrai). Verdict des médias espagnols : le numéro 17 serait déprimé, ne trouvant sa place ni sur le terrain ni dans cette équipe. Pire, il passerait après Martin Braithwaite, qui a joué l’intégralité de la rencontre et marqué, dans l’esprit de Quique Setién. Griezmann a-t-il fait une erreur en signant au Barça ? Possible, mais il s’agirait de ne pas oublier le joueur qu’il est.
Infidèle au poste
Trois mois de repos n’auront donc pas suffi à chasser les doutes. Au Barça, le malaise Griezmann persiste et Setién a essayé d’éteindre les flammes à la veille de la réception de Leganés. « Ce qu’il doit faire pour être indiscutable ? Il l’est déjà, tranche le technicien espagnol devant la presse. C’est un grand joueur et on compte sur lui, rien ne change. Il va continuer à avoir du temps de jeu parce qu’il est très important pour l’équipe. » Mais ces caresses ne trompent personne : tant que l’attaquant ne sera pas utilisé à son poste, il aura toutes les difficultés du monde à se rendre indispensable, surtout offensivement, dans une équipe suspendue au talent de Messi. Après avoir trop souvent erré sur le côté gauche sous Valverde, Griezmann a retrouvé une position plus axiale depuis la blessure de Suárez, comme à Majorque où il a campé le rôle du fameux faux neuf, sans trop de succès. Personne ne pourra lui reprocher d’avoir essayé de faire son boulot : des décrochages, des efforts défensifs, des tentatives de combinaisons avec Messi dans les petits espaces et de multiples appels – souvent dans le mauvais tempo – pour offrir des solutions à ses coéquipiers.
Très actif dans le premier quart d’heure, Griezmann a semblé de plus en plus perdu sur le terrain contre Majorque. Ici en haut, il met un temps fou à se replacer et ne se rend pas disponible sur une attaque placée du Barça.
Le nombre de ballons touchés par Griezmann contre Majorque – Whoscored
Mais voilà, Griezmann n’est pas un faux neuf. Ce n’est pas non plus un vrai neuf d’ailleurs, ni un joueur de couloir destiné à coller la ligne de touche. Le Mâconnais est un artiste, un électron libre capable d’être brillant offensivement dans un registre similaire à celui de Messi, mais aussi d’être essentiel dans les tâches défensives. Un joueur brillant, qui avait su faire évoluer son jeu à l’Atlético, ou même en équipe de France lors du mondial 2018. Qui de mieux que Diego Simeone pour parler du phénomène : « Quand Antoine est lucide et dans une bonne forme physique, il n’y a pas au monde un joueur capable de comprendre et d’interpréter le football comme lui.(…)Quand un mec parvient à ce que toute son équipe fonctionne autour de son cerveau, cela a une valeur inestimable. » De quoi mesurer l’immense gâchis de sa première année au Barça, où il fait plus figure de bouche-trou – sur le terrain comme dans les déclarations de ses partenaires – que de pièce essentielle de la formation catalane.
Et maintenant, il faudrait reprocher à Griezmann d’avoir voulu prendre un risque, quitte à faire le mauvais choix. Sa communication outrancière et maladroite un an plus tôt avec son cinéma autour de La Decision ne lui aura pas rendu service, c’est vrai, mais il serait malhonnête de le juger coupable d’avoir souhaité se donner une chance de réussir dans l’un des plus grands club au monde. Après cinq années sous Simeone à l’Atlético, Griezmann avait le droit d’avoir envie d’un autre football. Mieux, il en avait besoin. Il sera finalement tombé dans le Barça le moins séduisant de la dernière décennie, au sein d’une équipe mal pilotée par Ernesto Valverde. Manque de pot, rien n’a changé sous Quique Setién. Un départ cet été pour passer à autre chose ? Peu probable, Griezmann a encore un contrat jusqu’en 2024 et surtout un ego à ne pas froisser. Le Français n’est pas encore une erreur de casting, mais il pourrait le devenir dans les années à venir si rien ne bouge. À moins que tout le monde à Barcelone ne se mette une chose en tête : le champion du monde n’a pas besoin de cirer les pompes de Messi pour briller, il lui faut juste de la liberté.
Par Clément Gavard
Propos de Diego Simeone tirés de France Football