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Barça : Ansu Fati, le numéro 10 de sa team
Le Barça vient d’attribuer son emblématique numéro 10, laissé disponible après le départ de Messi. Et ce n’est pas Philippe Coutinho, un temps pressenti, qui en héritera. Mais Ansu Fati, symbole d’un Barça en crise, mais qui se veut à nouveau conquérant.
Les images d’abord. Le numéro 10 Ronaldinho offre la passe décisive du premier but de Messi (18 ans, numéro 30) pour le Barça le 1er mai 2005, contre Albacete. Et puis le 2 février 2020, c’est Lionel, passé numéro 10 depuis 2008-2009 après le départ de Ronnie, qui offre deux passes décisives à Ansu Fati (17 ans, numéro 31) contre Levante au Nou Camp. La tradition et la transmission : les grands joueurs et les grands numéros écrivent l’histoire des grands clubs. Une même filiation, parfois au sens premier du terme, relie donc Ronaldinho à Ansu Fati.
Adoubé par Messi
Il y a les mots ensuite. Après la longue accolade de Lionel étreignant Ansu sur le terrain en août 2019, le taulier du Barça avait deux mois plus tard littéralement adoubé le rookie : « Il a un niveau de jeu impressionnant et les conditions pour réussir. J’aimerais qu’on le considère comme on l’a fait avec moi quand j’ai commencé, c’est-à-dire sans mettre la pression. Il n’a que 16 ans. J’espère qu’il va continuer à prendre du plaisir et que toute l’euphorie qu’il peut y avoir autour de lui ne lui fera pas de mal, car il a toutes les qualités pour devenir un très grand. » Réputé pour avoir le compliment rare, Messi avait pris Ansu sous son aile en en faisant presque son successeur désigné. En coulisses, le père du jeune prodige s’était rapproché du clan Messi et c’est Rodrigo, frère de Lionel, qui était intervenu comme son conseiller à l’été 2019 dans une négociation cruciale. Rodrigo avait obtenu du Barça, au départ réticent, les mêmes conditions salariales que celles accordées au très jeune Ilaix Moriba approché par Manchester City. Outre l’admiration sincère de Lionel pour Ansu, l’importance du clan Messi a également contribué à arrimer plus solidement le jeune joueur au club catalan. Au printemps 2020, en pleine crise financière du Barça, Josep Maria Bartomeu, en négociation pour le prolongement de Lionel, avait contré certains membres de la direction qui souhaitaient vendre Fati, petit protégé des Messi, afin de renflouer les caisses du club.
La Masia à l’honneur
D’autres proximités multiples qui associent Lionel, désormais parisien, à Ansu peuvent expliquer en grande partie l’attribution du mythique numéro 10 de la Pulga à son cadet. Leurs divers records de précocité, bien sûr, leurs origines lointaines (Argentine et Guinée-Bissau) et surtout leur provenance de la Masia. Consacrer Fati de cette façon contribue à remettre en lumière le prestige de la formation barcelonaise qui battait de l’aile après la fin de la génération dorée de Xavi, Iniesta, Busquets. Plongé dans une grave crise financière et largué dans la course aux grands transferts, le FC Barcelone s’offre aujourd’hui un joli rebond médiatique en projetant vers l’avenir l’image d’Ansu Fati, jeune attaquant talentueux et formé au club. Issu de l’immigration africaine, il est aussi le symbole de l’identité ouverte et multiculturelle du Barça, réputé régionaliste, et de la Roja au sein de laquelle il est appelé à incarner la relève, avec Pedri ou Ferran Torres. Dans le sillage de Lionel Messi, la transmission du numéro 10 à Ansu Fati laisse aussi envisager une possible évolution tactique de l’attaquant devenu avec l’âge meneur de jeu. En dérivant progressivement d’un profil à la Samuel Eto’o à celui de Leo Messi au double registre de buteur et leader de jeu, c’est dans une autre projection dans le temps long que Fati s’inscrirait, pour le plus grand bénéfice du FC Barcelone. Car le Barça est désormais en quête de stabilité, notamment après le va-et-vient consternant d’Antoine Griezmann avec l’Atlético de Madrid, qui donne aujourd’hui l’image d’un club qui ne sait plus trop où il va…
Évidemment, reprendre le numéro 10 de Lionel Messi, c’est prendre sur ses frêles épaules le poids un peu démesuré du plus grand joueur de l’histoire du club. Mais outre l’obligation en Liga de donner des numéros de 1 à 25 qui empêchait de toute façon de retirer ce mythique numéro 10, comme on le voit en NBA ou dans d’autres grands clubs de foot (le 14 de Cruyff à l’Ajax), le Barça semble avoir décidé de marquer à la fois une continuité et une rupture dans son histoire avec Lionel Messi. Avec Ansu Fati comme nouveau héros paré du 10 sacré, le FC Barcelone invite aussi le peuple blaugrana à tourner la page, à rappeler que les joueurs passent, mais que l’institution demeure et qu’après Fati, un autre revêtira la tunique floquée du chiffre magique. Le numéro 10 est mort, vive le numéro 10 !
Par Chérif Ghemmour