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Baptiste Lecaplain : « Les footballeurs ont la culture de la vanne »
En 2023, Baptiste Lecaplain a ouvert son propre Comedy club, The Joke, dans le 4e arrondissement de Paris, qui accueille des humoristes comme Franjo, Jonathan O'Donnell ou Elsa Barrere. L’occasion pour ce supporter de Bordeaux devant l’éternel de décrire un peu la relation qui unit les footballeurs et les artistes de one-man show.
D’où vient ce lien assez fort qui a toujours existé entre le foot et le one man show, entre les joueurs et les humoristes ?
Les footeux sont des gros consommateurs d’humour, ce sont des vanneurs dans les vestiaires. Ça ne m’étonne pas que ces mecs-là soient intéressés par les spectacles. Et mine de rien, ils ont beaucoup de temps libre, donc faut qu’ils s’occupent. Ma génération, Ludo Obraniak, David Bellion, ces joueurs-là allaient voir plein de spectacles. Ceux de la nouvelle génération aiment surtout la punchline. Dans le one man show, il y a une culture de la vanne que les footballeurs ont et qu’ils aiment. Il y a des joueurs que j’ai un peu vannés qui parfois venaient me défier. Il y en a un qui m’a dit : « Moi, mon humoriste préféré, c’est Jonathan Cohen », je lui ai répondu : « Mais c’est pas un humoriste », et il me dit : « Tu es vénère parce qu’il est plus drôle que toi. » Les gars de ma génération, ils venaient voir tes spectacles, ils t’attendaient pour aller boire un verre. Ceux de la nouvelle génération, j’en ai invité, mais ils ne restaient même pas à la fin pour te remercier.
Tu vois souvent des footballeurs dans tes spectacles ou dans le public de The Joke ?
À Bordeaux, j’invite toujours des salariés du club, du staff, des gens que je connais depuis plus de 10 ans, j’adore les voir. Un jour, quand je faisais une date à Caen, Johann Lepenant était placé loin dans la salle. Je lui ai dit : « La prochaine fois que tu viens, je t’invite avec grand plaisir. » Après, je ne suis pas Paul Mirabel : lui à chaque fois qu’il passe quelque part, il a beaucoup de demandes. Pour mon dernier spectacle à Troyes, je vois Laurent Batlles au fond de la salle, j’étais trop content, donc j’ai fini en lui rendant hommage : « Vous avez fait la plus belle passe décisive à Pedro Miguel Pauleta, Bordeaux-Sochaux, le 2-0 la passe est magnifique. » J’ai des belles surprises parfois.
Tu décris ton spectacle comme fun, coloré et ouvert au monde : c’est ce que tu souhaiterais aussi pour le foot ?
C’est plus comme ça que je vois la vie depuis que je suis père de famille. On devient plus responsable. Le foot plaisir, c’est utopiste, c’est peine perdue quand tu vois le nombre de mecs qui essaient de créer la Superligue. Kévin Diaz (chroniqueur pour RMC, NDLR) disait : « L’Eldorado du foot est passé, là, on va avoir des années un peu compliquées. » Avec de tels enjeux financiers, ce n’est pas possible… J’ai plein de potes, quand ils apprennent que je suis pour Bordeaux, qui me disent : « Mais mec, comment tu fais pour supporter Bordeaux ? » Bah c’est comme ça, il y a des bons, des mauvais moments. Et le mauvais moment dure depuis un petit moment, là, mais c’est comme ça. Je donnerais tout pour qu’on soit 12es de Ligue 1. Le fait que le club soit géré par Lopez ne me donne pas d’entrain. C’est un mec qui n’aime pas le foot, ça ressemble à rien du tout, c’est le « Marie couche toi-là » du foot.
Les Girondins de Bordeaux t’offrent un drôle de spectacle depuis quelque temps, c’est sûr…
Je ne rigole pas vraiment, c’est un seul-en-scène dramatique avec une mise en scène dégueulasse. Il faudrait une belle collaboration artistique avec un vrai metteur en scène. Faut rajouter du talent, un Alexis Michalik. On avait confié la mise en scène à David Guion, très gentil certes, mais il n’avait rien à faire aux manettes des Girondins. Il devrait gérer une petite pièce à Avignon, genre « Ma voisine ne suce que pas de la glace », c’est très bien ça ! Maintenant, on a Albert Riera… C’est un sous-Luis Enrique de Slovénie qui a fait 2 mois de Cours Florent et qui te dit : « C’est bon, je sais jouer. » Il a un producteur, disons, particulier (Gérard Lopez, NDLR), le mec tu ne lui confies pas la caisse du spectacle, hein… Si tu es dans un théâtre et que c’est lui qui gère la thune, je peux te dire que tu as intérêt à avoir un bon manager. Il ne voit même pas son équipe jouer sur scène, il n’est même pas là pour les 130 ans du club. Le problème, c’est qu’il n’incarne pas le club. Sportivement, il ne peut pas faire grand-chose, ce sont les joueurs qui prennent 0 point en quatre matchs à la fin de saison, pas lui. La force comique de Bordeaux, c’est de réussir à chaque fois à trouver un scénario auquel personne n’a pensé pour se tirer une balle dans le pied.
Retrouvez plus d’infos sur The Joke sur leur site Internet et leur page Instagram.
Propos recueillis par Quentin Fredon / Photos : The Joke