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Bangoura, autopsie d’un raté

Par Rodolphe Ryo
8 minutes
Bangoura, autopsie d’un raté

Il a marqué l'histoire récente du FC Nantes, mais pas franchement pour de bonnes raisons. Débarqué sur les rives de l'Erdre en 2012, Ismaël Bangoura n'est jamais parvenu à s'imposer. Pire, il s'est rapidement retrouvé, bien malgré lui, au cœur d'un imbroglio juridique. Aujourd'hui placardisé et cordialement invité à s'entraîner avec la réserve, le Guinéen pourrait rebondir prochainement en Ligue 2. Une porte de sortie plus que bienvenue après trois ans de galères.

« Au placard au FCN, l’attaquant guinéen Ismaël Bangoura s’est illustré vendredi avec sa sélection nationale, opposée en amical à l’Algérie. Avant de sortir peu après l’heure de jeu, il a signé un doublé (16e et 39e) – dont un but magnifique d’une frappe enroulée dans la lucarne – pour offrir à la Guinée, entraînée par Luis Fernandez, un succès (1-2) à Alger. » En lisant cette brève publiée dans l’édition du 11 octobre dernier du quotidien Presse Océan, certains supporters nantais ont certainement esquissé une moue dubitative et relu ces lignes une bonne dizaine de fois. Ismaël Bangoura, auteur d’un doublé ? Vraiment ? Difficilement imaginable pour tous ceux qui ont osé s’infliger les matchs du Guinéen la saison dernière.

Un Bangoura peut en cacher un autre

Et pourtant, les faits sont là. Celui qui a quasiment raté tout ce qu’il a pu tenter sur ses derniers matchs sous la liquette nantaise se serait donc baladé contre l’Algérie. Une belle performance à souligner. Enfin, pas tout à fait. Probablement aveuglé par son désir si puissant de voir Bangoura retrouver les chemins des filets, l’auteur de l’article n’a visiblement pas jugé utile de procéder à une petite vérification. Dommage, car si un Bangoura a en effet trompé à deux reprises Azzedine Doukha, le portier algérien, il ne s’agit en aucun cas d’Ismaël, mais bien d’Alhassane Bangoura, dit « Lass » , 174 centimètres et propriété du Rayo Vallecano. En revanche, difficile de contredire le journal lorsqu’il affirme qu’Ismaël Bangoura se trouve actuellement « au placard au FCN » .

Et pour cause, l’ancien canonnier du Dynamo Kiev (28 buts en 46 matchs de championnat entre 2007 et 2009 tout de même) semble avoir totalement disparu des écrans radars. « Ce n’est pas qu’une impression. Il est vraiment tombé aux oubliettes. Il n’est pas du tout dans les plans de Der Zakarian qui a fait ses choix, appuyé par les arrivées cet été en pointe de Sigthorsson et Sala » , confirme Olivier Quint, ancien de la Maison jaune. Pas une seule petite minute de temps de jeu cette saison en Ligue 1 et un statut d’indésirable depuis la fin de saison dernière, c’est peu dire que Bangoura, 30 ans, ne doit pas vraiment se sentir très à l’aise en ce moment. « Depuis début septembre il s’entraîne avec la réserve. Il est en pleine possession de ses moyens physiques, car il a fait la préparation avec le groupe pro et a participé à plusieurs matchs amicaux. Michel Der Zakarian a toujours été clair, aussi bien avec le joueur qu’avec moi-même, à savoir qu’il ne comptait pas sur Ismaël. Vous pouvez ne pas le comprendre d’un point de vue sportif, mais vous êtes obligés de le respecter » , précise Christophe Hutteau, son agent.

« Nous n’avons plus eu de nouvelles de Créteil »

Dans ces conditions, un départ du joueur avant la fin de son contrat (juin 2017) n’aurait rien de très surprenant. La porte de sortie était d’ailleurs très proche lors du dernier mercato. « De nombreuses opportunités se sont présentées, notamment à Chypre et en Israël, mais ces offres ont été déclinées. Ismaël a une famille et ne souhaitait pas partir dans la précipitation » , ajoute Christophe Hutteau. Toujours selon son agent, Bangoura aurait pu s’engager avec Créteil, sous forme de prêt, avant que le deal ne capote finalement : « Le dernier jour du mercato, à 22 heures, Luis de Sousa, le directeur technique de Créteil, m’a confirmé ce qu’il me disait depuis la veille, à savoir qu’il voulait impérativement Ismaël et que son président venait de lui donner son accord. Nous avons donc dit non à d’autres opportunités. Compte tenu de l’heure tardive, le dirigeant de Créteil s’est d’ailleurs mis en relation avec Franck Kita pour lui dire que les documents seraient signés le lendemain matin et que ce n’était pas un souci pour lui et son club si la signature d’Ismaël était considérée comme l’utilisation de leur joker. Malheureusement, nous n’avons plus eu de nouvelles de Créteil malgré un nombre de messages important que nous avons laissés sur son portable. Ce n’est qu’une dizaine de jours plus tard, en raison de la blessure de l’un de leurs attaquants, que Luis de Sousa m’a envoyé un SMS pour me dire qu’ils avaient décidé de changer d’avis … Ce n’est pas sérieux et encore moins respectueux. »

Si la cote d’une arrivée de Bangoura en terres cristoliennes s’est donc envolée, celle annonçant un accord entre le joueur et le Red Star serait en revanche devenue plus que jouable. « Il existe plusieurs possibilités et j’attends des réponses, notamment du Red Star avec qui je discute via son président, Patrice Haddad. Ismaël peut signer n’importe où en France en tant que joker, souligne Christophe Hutteau. J’espère être en mesure de conclure très vite, car il a une envie farouche de jouer et de prendre du plaisir. Ismaël n’est pas devenu mauvais du jour au lendemain, mais il traîne toujours cette histoire de suspension. » Il est vrai que le conflit opposant son ex (le club d’Al Nasr) à sa nouvelle conquête a tout simplement flingué son début d’histoire d’amour avec les Canaris. Et il suffit de revenir un peu en arrière pour s’en rendre compte.

Damien Le Tallec et Fabrice Pancrate

Nous sommes le 31 janvier 2012. Alors que le mercato hivernal vit ses dernières heures, certains présidents décident de s’offrir un dernier petit cadeau, histoire de clôturer en beauté une journée qui aura vu leurs supporters céder aux rêves les plus fous. Pendant que le PSG signe Thiago Motta pour près de dix millions d’euros, Waldemar Kita choisit, lui, de faire plus raisonnable, mais pas moins osé en faisant débarquer dans la cité des Ducs une paire d’attaquants censée booster une équipe bien partie pour rester une saison de plus en Ligue 2. Damien Le Tallec, ex-réserviste au Borussia Dortmund, et Ismaël Bangoura, en provenance d’Al Nasr Dubaï, s’engagent donc avec le FC Nantes. Le début des galères. Un petit peu pour l’attaquant français, qui passera finalement la majeure partie de son temps entre l’infirmerie et le banc de touche, avant de finalement quitter le club six mois plus tard pour rejoindre les Ukrainiens du FK Goverla Uzhgorod. Rien de comparable toutefois avec la situation vécue par l’attaquant guinéen depuis sa signature.

Dans un premier temps, son ancien club annonce s’opposer au transfert et ne retire pas le joueur de son effectif sur son site officiel. Rien de bien méchant pour le président Kita qui déclare alors dans les colonnes de L’Équipe : « Cela peut arriver que cela soit long avec les clubs du Moyen-Orient. Cela peut prendre une, deux, trois semaines. Il est libre. Nous sommes confiants. » Un peu trop confiant peut-être. Car lorsque la Ligue refuse d’homologuer le contrat de deux ans et demi du nouveau joueur nantais, se dessinent alors les prémices de ce qui deviendra rapidement l’affaire Bangoura. Et si l’ancien Rennais se voit finalement attribuer par la FIFA une licence temporaire, cette décision ne sonne pas la fin des ennuis. Bien au contraire. Et pour ne rien arranger, Bangoura ne se montre pas franchement convaincant lors de ses sorties sous le maillot nantais. Certainement perturbé par ce qui se trame en coulisses, et clairement moins performant que ses concurrents directs à la pointe de l’attaque (Djordjevic, Wiltord, Pancrate), Bangoura déçoit et boucle ses premiers six mois nantais avec deux buts au compteur pour neuf apparitions en Ligue 2. En septembre, la direction nantaise l’envoie en prêt du côté d’Umm Salal au Qatar, où il est finalement sorti de l’effectif quelques semaines plus tard. Pour raisons administratives. Décidément.

« Il a été très mal conseillé et d’une grande naïveté »

De retour à Nantes, Bangoura n’est titularisé qu’à deux reprises par un Der Zakarian qui lui préfère logiquement l’efficacité de Djordjevic, la vitesse de Gakpé ou même le jeu de tête d’Aristeguieta. Quant au FC Nantes, après moult rebondissements, il est officiellement reconnu coupable dans l’affaire Bangoura en mars 2014. L’objet du délit ? Avoir incité le joueur à rompre son contrat avec Al Nasr afin de le faire signer. Les Canaris sont par ailleurs interdits de recrutement pour les deux prochaines périodes de transfert, et contraints de verser la coquette somme de 4,5 millions à Al Nasr pour rupture abusive de contrat. Un peu à la surprise générale, Bangoura prolonge, lui, son contrat à l’été 2014 et signe ainsi un nouveau bail allant jusqu’en juin 2017. Le début du renouveau ? Non, le déclic n’arrive toujours pas. Et n’arrivera certainement même jamais.

Titularisé à plusieurs reprises lors de la seconde partie de saison, Bangoura se révèle tout simplement catastrophique. Transparent, incapable de peser sur la moindre défense et bien souvent véritable boulet pour ses propres coéquipiers. Plutôt logique, dans ce contexte, d’entendre en fin de saison Der Zakarian exprimer son souhait de ne plus vouloir conserver Bangoura parmi son effectif. « Je n’étais pas son agent au moment de sa signature, mais une chose est sûre, Ismaël traverse une mauvaise passe depuis son arrivée à Nantes, défend son agent. Il a été très mal conseillé à l’époque. Je pense même pouvoir dire qu’il a été d’une grande naïveté. Il a perdu beaucoup d’argent, et de nombreuses promesses qui lui ont été faites n’ont pas été tenues. C’est la raison pour laquelle j’ai confié son dossier à Maître Matthieu Barandas, spécialisé dans le monde du football, afin qu’il puisse nous dire si ses intérêts ont été bafoués ou non, et si oui, par qui. » Après une relation tant complexe que tortueuse, deux tourtereaux n’ont-ils parfois pas intérêt à se quitter tout simplement bons amis ?

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