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Banega, l’auberge espagnole
Ce soir contre la Fiorentina, Éver Banega sera une pièce essentielle dans le collectif du FC Séville. De retour en Espagne après des galères soignées par une parenthèse argentine, désormais, le fan de Newell's souhaite embellir ses prochaines années sur le Vieux Continent. Pour le plaisir des yeux.
Loin des yeux, loin du cœur. L’expression, tant utilisée après un flirt de vacances ou un long séjour Erasmus loin de sa moitié, est souvent confirmée par un retour à la réalité assez tragique. Pourtant, Éver Banega semble avoir trouvé la parade à la nostalgie d’un amour lointain. Pour remédier à un tel manque, le milieu de terrain s’est tatoué son amour de jeunesse sur son mollet droit : l’écusson des Newell’s Old Boys, illustré par son numéro 19 et ce message : « Solo Dios me entiende » (seul Dieu me comprend, en VF). Peut-être donc que Dieu a compris qu’Éver Banega voulait absolument réaliser son rêve d’enfant, à savoir jouer pour l’un des deux grands clubs de sa ville natale, Rosario. Une ville qui l’a vue grandir dans un quartier à la réputation difficile, puis taper ses premiers ballons sur les terrains vagues, sans toutefois parvenir à revêtir sa tunique préférée du NOB. La faute à un talent trop grand, repéré trop tôt par Boca Juniors. Mais Dieu est taquin et va réaliser ses prières quelques années plus tard, en prenant la forme d’une Audi R8 sans frein à main activé. Dans une station-essence près du camp d’entraînement du FC Valence, Éver oublie le coup de main essentiel pour stabiliser son véhicule à l’arrêt, et fait le plein pénard avant que sa caisse ne vienne lui écraser la jambe. Résultat : une fracture tibia-péroné qui, combinée à celle de la malléole, l’oblige à stopper sa carrière pendant six longs mois. Quand il retrouve les terrains de Liga après sa blessure, la concurrence est rude à Valence, avec Seydou Keita, Javi Fuego ou Dani Parejo. Dès lors, Éver souhaite avoir un temps de jeu conséquent pour être visible aux yeux du sélectionneur, Alejandro Sabella, et décide donc de rentrer au pays. Un coup de Trafalgar qui lui permet enfin d’embrasser son NOB chéri, pour quatorze petits matchs. Qu’importe. Éver vient de réaliser son rêve, avant de revenir montrer à l’Europe toute l’étendue de son talent.
« Toute personne qui aime le football aimera Banega »
Car du ballon, l’Argentin en dégage indéniablement. Dès son arrivée au bastion ché en 2011, Sergio Canales voyait en Banega l’étoffe d’un grand joueur. « Dans le vestiaire, il faisait déjà partie des cadres importants de l’équipe, affirme l’actuel milieu offensif de la Real Sociedad. Son influence était grande sur et en dehors du terrain, même s’il était encore jeune dans cette période. On sentait qu’il dégageait un potentiel énorme. » Arrivé à seulement vingt ans en Espagne, Banega avait déjà illuminé la Bombonera le temps d’une saison complète avec l’équipe pro de Boca. Suffisant pour inciter Valence à placer des billes sur le prodige. Le club le prête une saison pour se faire les dents chez l’Atlético Madrid, puis le place dans son groupe l’année suivante. Histoire qu’il reçoive le témoin de la part des tauliers que sont David Albelda et Ruben Baraja. L’alchimie prend, Éver se fait un nom au Mestalla au point de récolter, à l’aube de la saison 2012/2013, le numéro 10 détenu jusque-là par Juan Mata. Banega transpire le football, et ses coéquipiers l’ont bien compris. « Les fans de football sont attirés par ces joueurs, leur vision de ce sport, mais aussi par leurs capacités cérébrales, analyse Canales. Ceux qui pensent vite et bien sont les footballeurs qui réaliseront une belle carrière. Au final, ce sont les joueurs techniques qui ressortent le plus souvent de l’esprit des gens, parce qu’ils apportent de la beauté au jeu. Toute personne qui aime le football aimera Banega. » Une romance « riquelmesque » à l’état pur.
Et au milieu coule l’Argentine
Si tout semble facile avec un tel bagage technique, la réalité est pourtant loin de l’être. En plus de cet accident assez cocasse, certaines rumeurs faisant état de problèmes d’alcool l’ont affecté dans sa vie privée. Banega devient moins accessible, plus méfiant à l’égard de tous les ragots circulant sur sa personne. Raison de plus pour aller se ressourcer au pays pendant six mois. « Il avait déjà cet écusson tatoué au moment d’arriver à Valence, confie Canales. Il nous parlait souvent de son pays, mais aussi de la joie qu’il avait d’être ici en Europe, avec ses nouveaux coéquipiers. C’était pour lui l’accomplissement d’un objectif de venir en Liga. » Avec cette arrivée en août dernier au FC Séville, le joueur prend encore plus de galon et, surtout, beaucoup de plaisir. « Depuis cette année, Éver a retrouvé un très gros niveau à Séville et il fait maintenant partie des tauliers de l’effectif, résume l’ancien joueur du Real Madrid. Je pense qu’il va continuer à jouer en Liga, parce que c’est un championnat qui lui correspond parfaitement. Il a encore quelques belles années devant lui. » Quelques belles échéances aussi, à commencer par le mois de juin prochain, au Chili. « Voir Banega en équipe nationale pour la Copa América serait une chose logique, conclut Canales. Il peut vraiment apporter à cette équipe, et ce serait dommage de s’en priver. » Un peu comme si on enlevait la chouquette au sommet d’une pièce montée.
Par Antoine Donnarieix