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- Angleterre-Panama (6-1)
Baloy, history boy
En inscrivant le seul but du Panama dans une phase finale de Coupe du monde, Felipe Baloy est entré dans la légende. En sauvant l’honneur de son pays face à l’Angleterre, le défenseur de 37 ans a rappelé que dans le football, les vainqueurs ne sont pas toujours ceux que l’on croit.
À chaque Mondial son petit poucet, son lot de tendresse et l’obligation morale de trouver une belle histoire. Qu’elle touche un groupe ou un joueur, quitte à l’oublier dans la foulée. En 2014, la planète foot avait vibré devant Joel Campbell. Quatre ans plus tard, elle se lève pour applaudir Felipe Baloy, son crâne chauve, sa barbe grainée et son pied droit auteur du premier but de l’histoire du Panama dans une phase finale de Coupe du monde. De quoi effacer l’amertume du score de tennis encaissé face à l’Angleterre.
Capitaine banquette
Inutile de chercher un quelconque frisson dans le jeu du Panama, il n’y en a pas eu. Cette équipe, si on lui reconnaîtra l’envie de ne pas vouloir faire de la figuration, n’était tout simplement pas au niveau de ses adversaires, que ces derniers soient belges ou anglais. Vieillissante, fermée, peu technique, elle ne remporte pas les faveurs de l’amateur de beau jeu. Et pourtant, syndrome du petit poucet oblige, elle fascine. Parce que personne n’a envie de voir un participant au Mondial se faire laminer trois fois de suite sans jamais avoir l’occasion de se défendre. Parce que l’esprit de compétition interdit de se limiter à cette expression consacrée qui voudrait que « la qualification soit déjà une victoire en soi » .
Regarder le Panama, c’est regarder un collectif. Car inutile de se mentir : la plupart des observateurs ne connaissent pas spécifiquement les 23 acteurs en présence. Et cela aurait continué d’être le cas si le destin n’avait pas décidé que la Marea Roja devait remporter un jeu dans le set que lui a infligé l’Angleterre. Ce jeu restera associé à un nom : Felipe Baloy. Pas le plus capé du groupe (cent sélections contre 143 pour le recordman Gabriel Gómez), mais bien le plus âgé. Et porteur du brassard de capitaine à ce titre. Un capitaine absent puisqu’il faisait banquette face à la Belgique et n’est entré qu’au bout de 70 minutes face aux Three Lions. Pour l’histoire.
Globe-trotter en pré-retraite
Felipe Baloy n’est pourtant pas le perdreau de l’année. Sa carrière avec le Panama a commencé il y a 18 ans par un nul (2-2) face au Guatemala, le pays dans le championnat duquel il évolue aujourd’hui sous le maillot de Municipal, avec qui il a terminé troisième du dernier exercice. Mais à l’époque, Pin a 19 ans et fait ses premières armes au pays avec San Miguelito. Trop petit pour ce gabarit moyen (1,86 mètre), le Panama ne sera que la première étape d’une longue carrière qui l’emmènera de la Colombie au Brésil, en passant par le Mexique. À Monterrey et Santos Laguna, il remporte deux titres nationaux et vit les meilleures années de sa riche carrière. De quoi compenser la disette du Panama sur la scène internationale.
Avec la Marée rouge, Baloy se forge une image de soldat, bosseur acharné et capable d’encadrer les générations successives qui composent le noyau national. Aujourd’hui, il n’est qu’un vétéran parmi le groupe des papys de la sélection (dix joueurs sur 23 ont plus de trente ans), mais il est venu rappeler que ce sont dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes. Lorsque le jeune Ricardo Avila (21 ans) lui adresse ce superbe coup franc, il est le seul à pouvoir tendre le pied pour tromper Pickford et inscrire son quatrième but avec le Panama. Le tout premier de sa nation dans une Coupe du monde. Lui qui avait annoncé sa retraite internationale après le Mondial a déjà conclu sa carrière de la meilleure des manières. Quand on ne boxe pas dans la même catégorie que les gros, les victoires se savourent un peu différemment. La vague de joie qui a parcouru le stade pendant les dix dernières minutes était là pour le prouver. Mission accomplie. Chapeau.
Par Julien Duez