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Rodri, la victoire du collectif

Par Enzo Leanni
4 minutes

À la surprise générale, Rodri a été élu Ballon d’or 2024 au nez et à la barbe de Vinícius. Sacré champion d’Angleterre avec Manchester City et champion d’Europe avec l’Espagne, il n’avançait pourtant pas comme favori à cause de son profil moins propice aux récompenses individuelles. Une nouvelle ère est-elle lancée ?

Rodri, la victoire du collectif

Voilà que les votants du Ballon d’or font enfin les choses bien. Depuis des années, le seul nom suffisait à être sacré meilleur joueur du monde, ce qui a permis à Lionel Messi et Cristiano Ronaldo d’accumuler les trophées sans toujours les mériter. Maintenant que les deux monstres sacrés ont tiré leur révérence au plus haut niveau, on pensait que compiler les buts et les passes décisives allait permettre de mettre la main sur la récompense individuelle, à l’instar de Karim Benzema en 2022. Vinícius Júnior en était d’ailleurs convaincu : en étant impliqué dans 35 buts du Real Madrid, toutes compétitions confondues, ainsi qu’en remportant la Liga et la Ligue des champions, le titre ne pouvait pas lui échapper. « Lundi, je vais gagner le Ballon d’or, moi », aurait-il même lancé à Gavi, samedi soir, lors de la claque subie face au Barça, d’après El Chiringuito. Raté.

Un manque de trophées ?

L’étonnement est d’autant plus immense que le meilleur joueur de la saison 2023-2024 n’est pas le clinquant Jude Bellingham, l’ultra prolifique Erling Haaland ou la superstar Kylian Mbappé. À la surprise générale, c’est bien Rodri qui est auréolé de ce titre. Peut-on vraiment considérer le maître à jouer de Manchester City comme un joueur de l’ombre méconnu ? Non, mais avouons que son profil est moins sexy aux yeux du grand public que les attaquants pourvoyeurs de frissons. En septembre dernier, le vent de fraîcheur qui soufflait sur la liste des 30 nommés était salué par la critique, en raison des absences de Messi et Ronaldo pour laisser place à Alejandro Grimaldo, Artem Dovbyk et Ademola Lookman, mais on était encore loin de se douter qu’un joueur du Real Madrid, vainqueur de la Ligue des champions et de la Liga, n’allait pas récupérer le trophée.

Les Skyblues de Rodri n’ont même pas atteint le dernier carré de la compétition européenne, éliminés par Vinícius et les siens, ont échoué en finale de la FA Cup et du Community Shield et au troisième tour de la League Cup. Ils ont tout de même remporté la Premier League, championnat le plus relevé du monde, avec une nouvelle lutte de longue haleine contre Arsenal où le milieu espagnol aura marqué huit buts, dont le dernier de la saison assurant le titre, et délivré neuf passes décisives. Dans une journée où les rumeurs ont dit tout et son contraire, Manchester City a appuyé la candidature de son milieu en publiant une vidéo de tous ses buts dans la saison sur les réseaux sociaux. Le principal intéressé n’a même pas pu s’en réjouir, car il ne possède tout simplement pas de compte Instagram, Twitter ou Facebook, ce qui fait, une nouvelle fois, de lui un OVNI.

Vers une nouvelle ère

Contrairement au Brésilien, Rodri peut se targuer d’avoir brillé durant l’été avec sa sélection. Quand la Seleção s’effondrait en quarts de finale de la Copa América, l’Espagne remportait brillamment l’Euro. Après le Ballon d’or 2023 décerné à Lionel Messi quelques mois après la victoire de l’Argentine à la Coupe du monde, l’envie est peut-être de récompenser davantage les joueurs couronnés avec leur sélection. Surtout que durant l’Euro 2024, la Roja a pris le dessus sur la plupart de ses adversaires grâce à son entrejeu, dont la pointe basse culmine à 1,90 mètre et se sert de ses jambes pour autant de passes exquises vers l’avant que pour des fautes d’antijeu que d’autres pourraient qualifier de « tactiques ». Il représente le milieu de terrain parfait capable de gérer aussi bien les phases offensives que défensives, de marquer, notamment dans des moments importants comme la finale de la Ligue des champions 2023, ou de sauver son équipe, à l’image de son tacle salvateur devant Fabinho en 2022. Les plus optimistes préféreront d’ailleurs oublier que la victoire espagnole sur l’Angleterre s’est décidée sans lui, sorti sur blessure à la mi-temps.

Car Rodri n’est peut-être pas le meilleur joueur de la saison qui vient de s’écouler, manquant de moments forts si importants pour ces trophées, mais il est sacré au nom de la régularité. Cela peut ressembler à une injustice aux yeux du Real Madrid qui envoyait Vinícius, Jude Bellingham ou encore Dani Carvajal, aussi sacré à l’Euro, il s’agit en réalité d’un rétablissement de la justice pour tous les milieux si souvent oubliés dans l’histoire du Ballon d’or. Xavi et Andrés Iniesta avaient été devancés par leur coéquipier Lionel Messi en 2010, alors que Jorginho ou Franck Ribéry ruminent encore leur absence dans le palmarès. Si, cette année, Rodri devance l’attaquant madrilène, c’est uniquement parce que les votants ont décidé de rendre plus collective la plus individuelle des récompenses.

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