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Bale, le plus dur est derrière ?
Un transfert avec beaucoup (trop) de zéros, des bouts de matchs, des petites blessures, une errance sur le terrain et beaucoup de déception. Jusqu'à ce match fou contre le FC Séville il y a une bonne semaine, l'adaptation de Gareth Bale à son nouvel environnement avait tout du chemin de croix. Plus qu'un mauvais souvenir désormais ?
En s’adonnant à nouveau à sa politique des Galactiques après plusieurs années un peu plus calmes, Florentino Pérez a fait un cadeau à la fois sublime et empoisonné à son club de cœur et à son nouvel entraîneur Carlo Ancelotti. Un cadeau empoisonné parce que Bale est arrivé trop tard au Real Madrid. Comme Luka Modrić l’an passé, le garçon a été transféré dans les dernières heures du mercato après plusieurs semaines d’intenses tractations pendant lesquelles ce dernier a séché l’entraînement pour accentuer la pression sur ses dirigeants. Résultat des courses : Bale est arrivé à Madrid sans préparation physique, épuisé nerveusement et physiquement. Au lieu de laisser du temps pour que le joueur retrouve un semblant de condition physique, le président du Real Madrid a harcelé son monde pour voir son poulain sur le pré au plus vite.
« Le statut de Bale a fait qu’on ne lui a pas laissé le temps d’être à 100%. Dès qu’il était à 70 ou 80%, il était lancé dans le grand bain. Cela a probablement compliqué sa préparation » , estime Pablo Polo, journaliste à Marca. En délicatesse avec son corps, Bale a enchaîné les bouts de matchs ratés, les passages à l’infirmerie et les déplacements inutiles avec la sélection galloise (seulement 30 petites minutes jouées face à la Serbie). Bale est un footballeur dont la qualité repose principalement sur le physique. Un Bale raplapla est un Bale qui balbutie son football.
Bale, le cadeau empoisonné de Florentino Pérez ?
Le transfert de Bale a surtout été un cadeau empoisonné d’un point de vue tactique pour Carlo Ancelotti. Alors que l’Italien affirmait que son Real allait tenir la balle cette saison, son président lui a offert le meilleur contre-attaquant du monde, un joueur dont la spécialité est de débouler dans les grands espaces et de déborder les défenses adverses d’un coup de rein. Pas besoin d’être un expert à Football Manager pour savoir qu’on ne débourse pas 100 millions d’euros pour acheter un ailier gauche alors qu’on aligne déjà le meilleur joueur du monde à ce poste et qu’on ne compense pas cet achat en vendant son principal milieu créateur (Mesut Özil se reconnaîtra). Pourtant rarement déstabilisé, Carlo Ancelotti a toutes les peines du monde à intégrer tactiquement ce nouvel élément.
Le fauteuil à gauche de l’attaque étant occupé par son éminence ronaldesque, l’homme au sourcil levé sait déjà qu’il doit demander au joueur d’évoluer à un poste qui n’est pas le sien. C’est sur le couloir droit, à la place de Di María, que l’adaptation semble la plus naturelle. C’est d’ailleurs à cette position que le joueur débute face à Villarreal et inscrit son premier but sous ses nouvelles couleurs. Quelques jours plus tard contre Galatasaray, l’ancien technicien du Milan tente autre chose en faisant entrer le Gallois à la place d’Isco derrière l’attaquant, un poste connu du garçon puisqu’il y a parfois brillé avec les Spurs. Une errance sur le terrain qui tourne à la farce lorsque le joueur est aligné à la pointe de l’attaque contre le Barça. Un choix douteux qu’Ancelotti justifie après le match par la nécessité de faire pression sur Sergio Busquets. Mouais. Totalement à côté de ses basques, l’ex de Southampton est finalement remplacé à l’heure de jeu par un Benzema bien plus utile dans le jeu.
Jurisprudence Zidane
Alors que la patience de l’exigeant public de Bernabéu commençait sérieusement à s’étioler et que le boulet Bale pesait de plus en plus lourd au pied d’Ancelotti, le match contre Séville du 30 octobre a été une véritable bouffée d’oxygène. Aligné une nouvelle fois au poste qui lui convient le moins mal (ailier droit), le Gallois a commencé par évacuer deux mois de frustration d’une mine en lucarne puis a doublé la mise d’un coup franc chanceux. En plus d’être double buteur, il a pour la première fois semblé faire vraiment partie du collectif merengue, s’associant parfaitement avec Benzema et offrant deux passes décisives. Sans parler de déclic, ce match a montré à ceux qui doutaient que le gamin aux joues couperosées n’avait pas perdu son football. Après cette bonne copie, Bale était attendu au tournant quelques jours plus tard lors du déplacement à Vallecas.
Vraisemblablement fixé à droite de l’attaque — même s’il permute parfois avec CR7 en cours de match —, le garçon a une nouvelle fois livré une performance remarquée, deux nouvelles passes décisives et une belle activité, alors que le reste de l’équipe était aux abois. Deux buts et quatre passes décisives en deux matchs, des statistiques qui parlent d’elles-mêmes : le temps d’adaptation semble être terminé, l’intégration est en bonne voie. Pour Pablo Polo, les débuts difficiles du Gallois n’ont rien d’atypique : « La politique des Galactiques suppose souvent une adaptation laborieuse. Je me rappelle que les premiers mois de Zidane ont été particulièrement durs. Par exemple, Figo ne lui passait pas la balle. Je crois que le groupe est aujourd’hui beaucoup plus uni. Cristiano a envie que Bale s’intègre. Il lui laisse d’ailleurs le coup franc sur lequel Bale marque son deuxième but contre Séville » . Si Bale avait la bonne idée de rééditer ses dernières performances ce soir contre la Juventus et d’offrir au Real son billet pour les huitièmes de finale de C1, nul doute que son intégration serait définitivement actée.
Par Pablo Garcia-Fons, à Madrid