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Bale, dégonflé
Il y a quatre ans, le Real Madrid claquait 100 millions d'euros pour en faire l'alter ego de Cristiano Ronaldo. S'il n'a pas perdu son talent depuis, Gareth Bale est néanmoins rentré dans le rang, entre blessures à répétition et comparaison difficile à tenir avec son coéquipier lusitanien. À l'heure où son équipe affronte son ancien amour Tottenham, l'heure est au premier bilan, forcément nostalgique.
« Nous sommes désormais face à un Gareth en très bonne forme. Ce match lui fait du bien, car s’il a de l’espace, il est létal et inarrêtable. » Zinédine Zidane n’a pas réussi à s’installer comme entraîneur du Real Madrid et à claquer sept titres en moins de 100 matchs par hasard. Si le champion 1998 est à l’aise dans son rôle de coach merengue, c’est en partie parce qu’il gère les stars de son vestiaire comme personne, qu’il s’agisse d’un Cristiano Ronaldo en feu depuis 18 mois, d’un Karim Benzema soutenu bec et ongles dans la tempête, ou encore de Gareth Bale. Le Gallois est une star rien que pour les 100 millions d’euros alignés par Florentino Pérez à l’été 2013 pour le débaucher de Tottenham.
À l’époque, il s’agit du transfert le plus cher de l’histoire, et la dépense se justifie par la saison d’exception que l’ailier vient de faire en Premier League. Or depuis maintenant quatre ans, le Britannique a perdu une partie de sa superbe. Magnifique contre le Borussia Dortmund en Ligue des champions – une passe décisive et un but –, il a cependant souvent dû rester dans l’ombre d’un CR7 immense ou composer avec des blessures assez longues. Depuis son triomphe au Signal Iduna Park, c’est d’ailleurs son mollet qui couine. Quand, la saison passée, c’était une cheville en vrac qui lui avait fait louper près de trois mois de compétition au cœur de l’hiver, puis manquer le money time et une finale de Ligue des champions.
Dans l’ombre de Cristiano Ronaldo… et de Karim Benzema
Pas facile dans ces conditions de tenir la comparaison avec Ronaldo, dont il était censé devenir le pendant, alors que même Karim Benzema, plus complémentaire du Portugais, affiche un meilleur ratio de buts par match d’après les comptes de As : 0,49 pour le Français « qui rend service au Real Madrid dans de nombreux autres domaines » rappelle le journal espagnol, quand « la réputation d’attaquant » de l’ancien de Tottenham « ne se traduit pas dans sa moyenne de buts » . À 0,44 tout de même, ce qui ferait le bonheur de nombreuses écuries. Mais pas suffisamment à la Maison-Blanche, où l’éclosion de Marco Asensio – voire dans une moindre mesure de Lucas Vázquez – rend la présence de Bale dans le onze de moins en moins évidente.
Le Sun croit même savoir qu’à 90 millions d’euros sur la table, Florentino Pérez emballera son ailier dans un joli paquet cadeau avant de payer les frais de livraison. À moins que Manchester United n’offre en échange David de Gea, auquel cas le président du Real serait prêt à céder son Gallois pour beaucoup moins. Déjà pendant l’été, au moment où Kylian Mbappé était pressenti pour poser ses valises à Santiago Bernabéu, c’est bien l’homme au catogan qui était envisagé comme sacrifice pour permettre au prodige français d’arriver avec un statut de titulaire dans le trident offensif madrilène. Karim Benzema ? Intouchable car considéré comme le meilleur lieutenant de CR7, un fluidifiant dans le jeu du Real, quand Gareth Bale ne donnait que des allures de copie un peu terne du Portugais, dont le seul nombre de buts en Ligue des champions la saison passée (12) dépasse le score du Gallois en quatre saisons avec la Maison-Blanche (11).
L’acte manqué avec Dele Alli et Harry Kane
On n’ira pas jusqu’à dire que Bale au Real Madrid, c’est l’histoire d’un fiasco monumental. Trois saisons à minimum 15 buts toutes compétitions confondues, des titres à la pelle, un but en finale de Ligue des champions, de Coupe du Roi ou même de Mondial des clubs, cela situe le joueur dans la catégorie des grands. Mais avec une saison 2016-2017 minée par un physique en compote – 27 matchs, 9 buts en club, absence en finale de C1 – et un rayonnement de CR7 qui ne lui laisse que peu de lumière, Gareth Bale a clairement manqué la marche que devait lui offrir le Real Madrid. Aujourd’hui, malgré un Euro 2016 de haute volée (1), il n’est qu’un second rôle. Une star de plus dans un effectif qui en regorge, et non un prétendant au Ballon d’or comme peuvent l’être Ronaldo, Messi ou encore Neymar, à condition que ce dernier se mette au diapason des deux premiers sur la scène européenne.
Le paradoxe dans l’affaire, c’est que pour recommencer à grandir, Bale aurait peut-être tout intérêt à retourner là d’où il est arrivé, à savoir en Premier League. À l’heure actuelle, Manchester United serait l’écurie la plus intéressée par ses services, et aussi la plus désireuse de payer le prix demandé par le Real Madrid. Mais on ne peut s’empêcher de fantasmer sur ce que sa présence donnerait à Tottenham, club qui l’a révélé et défiera le Real Madrid ce mercredi : un trio avec Harry Kane et Dele Alli où il aurait fort probablement le premier rôle. L’histoire de Gareth Bale, c’est un peu une leçon sur les lois du football : l’entrée au panthéon et l’obtention d’une place de choix se joue essentiellement au timing. Bale a eu le tort d’arriver dans un Real Madrid où règne Cristiano Ronaldo et de quitter les Spurs avant l’éclosion commune de Kane et Alli. Gareth Bale aura bien le temps de penser à tout ça ce mardi soir. A priori, sa blessure au mollet le forcera à vivre ces retrouvailles depuis les tribunes.
(1) Demi-finaliste de l’Euro 2016, le pays de Galles n’a en revanche pas réussi à se qualifier pour le Mondial 2018
Par Nicolas Jucha