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Badiashile, derrière les larmes
Seule éclaircie du mandat de Thierry Henry, Benoît Badiashile a fondu en larmes samedi soir, à Dijon, au bout d'une nouvelle soirée cauchemar pour l'AS Monaco. Ou comment un gamin de 17 ans, formé au club, brillant dans la tempête, doit assurer une partie du premier sauvetage de sa jeune carrière. Pas simple.
Il paraît que l’AS Monaco partait à Dijon pour faire « la guerre » , qu’on allait voir ce qu’on allait voir et que la « réaction » était là, pas loin. Raté, encore raté. Qu’est-ce qui a provoqué la glissade cette fois ? « Une erreur qui tue » , expliquait Franck Passi, entraîneur numéro un d’une nuit samedi soir, à Gaston-Gérard. À comprendre : alors que les Monégasques étaient dans leur match, que Falcao et Fàbregas venaient de croquer des balles d’ouverture du score, Kwon Chang-hoon a profité d’un mauvais alignement de Naldo pour aller piquer une première fois l’ASM. On jouait depuis 24 minutes en Bourgogne, et les cartes ont commencé à tomber du château, une à une. Dans la grisaille, on a alors vu Naldo avaler son deuxième carton rouge en trois matchs de Ligue 1 (du jamais-vu depuis trente ans !), Monaco sauter psychologiquement et prendre une deuxième bastos dans le crâne à vingt minutes de la fin sur une perte de balle de Ballo-Touré transformée en but par Naïm Sliti. Puis, à la fin de la rencontre, il a fallu rendre des comptes et Danijel Subašić est allé faire face aux supporters. Un peu plus loin, c’est finalement autre chose qui a attrapé les mirettes.
Le symbole est immense : samedi soir, un ado a été aperçu en pleurs, touché plus que les autres par une situation de plus en plus critique (aucun club ne s’est sauvé après avoir compté quinze points en vingt-deux journées depuis 1958). Cet ado, c’était évidemment Benoît Badiashile, une nouvelle fois plutôt solide dans le jeu, dont le CV affiche seulement 863 minutes de Ligue 1 et qui restera dans les têtes comme la seule lumière du mandat de Thierry Henry. Le même Henry qui avouait il y a quelques semaines qu’il fallait « faire attention » au jeune défenseur : « Parfois, tu oublies qu’il est jeune, mais c’est encore un gamin. » Aujourd’hui, le voilà placé au milieu d’une situation très violente émotionnellement – un maintien est une affaire de tripes –, mais aussi condamné à assurer un rôle de taulier de défense à un âge où il devrait normalement poursuivre son apprentissage. Celui-ci se fait en accéléré, et ce, alors qu’Henry, l’homme qui l’a lancé un soir de novembre face au PSG (0-4) pour pallier un forfait de Kamil Glik, le coach qui n’a pas eu peur de le titulariser en Ligue des champions, où Badiashile est l’un des premiers joueurs nés au XXIe siècle à avoir commencé une rencontre, vient d’être sacrifié. Pas simple.
Le gosse qui transpire la sérénité
Pourtant, il faut finir par s’habituer : avec Badiashile, tout va plus vite, et depuis qu’il a foutu son nez en Ligue 1, l’international U19 ne sue pas. Il transpire souvent la sérénité. Cela a notamment été le cas contre Nice, à Marseille, mais surtout à Amiens, début décembre, où il avait été de loin le meilleur joueur de l’ASM au milieu d’une défense à quatre et aux côtés de Kamil Glik. Ce jour-là, Benoît Badiashile avait touché une soixantaine de ballons, régné dans les airs et au sol, mais avait surtout tenu avec autorité la barque monégasque. Après la rencontre, Youssef Aït Benasser était alors venu raconter tout le bien qu’il pensait de son jeune coéquipier pendant que Youri Tielemans soulignait « l’intensité » apportée par le bonhomme. Simple : depuis le match contre le PSG, Badiashile, qui a commencé sa carrière comme attaquant à Limoges avant de reculer d’un cran au SC Malesherbes et de se stabiliser ensuite en défense centrale, n’a plus bougé du onze titulaire de l’AS Monaco.
Cela s’explique d’abord par son profil, Badiashile possédant une qualité de relance rare qui s’imbriquait parfaitement dans le football que rêvait de mettre en place Henry à Monaco. Après dix titularisations en Ligue 1, le Limougeaud est le joueur de champ qui affiche le plus gros taux de passes réussies de l’effectif monégasque (90%), mais est aussi l’un de ceux qui en tentent le plus (plus de 55 par match en moyenne). C’est aussi un défenseur qui n’a pas peur de jouer haut, qui possède un très bon jeu de tête – ce qui lui a permis d’égaliser contre Nice (1-1) mi-janvier – et qui rassure. Interrogé par Goal il y a quelques semaines, son sélectionneur chez les U19, Lionel Rouxel, pointait malgré tout des axes de progression : « Il a encore du travail sur ses interventions au duel et dans l’anticipation des trajectoires. C’est un travail technique, il doit être plus proche au duel, que ce soit lorsque les ballons sont au sol ou quand ils se disputent dans les airs. » Son enchaînement au haut niveau et dans une situation telle qu’une lutte pour la survie d’un club en première division permettent de favoriser les progrès rapides. Cela va désormais être le cœur du cas Badiashile : Jardim va-t-il lui laisser une place pour s’exprimer ou le Portugais va-t-il tenter de remettre sur le circuit Jemerson, qui sort d’une première partie de saison terrible, mais avec qui il a été un jour champion de France ? L’heure n’est plus aux souvenirs, mais au présent, Monaco n’ayant pas le temps de vivre avec son passé. Première réponse ce mardi soir, à Guingamp, en Coupe de la Ligue. Une Coupe de la Ligue où Loïc, le frère de Benoît, a été le héros en quarts de finale face à Rennes et qui peut être un beau mouchoir.
Par Maxime Brigand