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Aymeric Laporte, LV1 espagnol
En choisissant de représenter l’Espagne, Aymeric Laporte a fait le choix de porter les couleurs du pays qui l’a vu grandir et devenir un footballeur de renom. Arrivé à Bilbao à 16 ans, le natif d’Agen a construit son histoire de l’autre côté des Pyrénées, où il veut aujourd’hui faire le bonheur de la Roja.
Ce vendredi, l’Espagne défiera le Portugal pour son premier match de préparation à l’Euro. Un tour de piste habituel pour les cadres de la sélection, mais une nouveauté pour Aymeric Laporte, qui s’apprête à honorer sa première cape. La résultante personnelle d’une longue réflexion qui aura vu le défenseur de 27 ans opter pour son pays d’adoption.
Arrivée en Euskadi
C’est en 2009 qu’Aymeric Laporte s’engage avec l’Athletic du haut de ses 15 piges après avoir été repéré lors d’un tournoi disputé avec la sélection de Nouvelle-Aquitaine, à Ciboure, et même recommandé par Laurent Strelczak, recruteur pour l’Aviron bayonnais, au club de Bilbao. « L’Aviron dispose d’un partenariat très ancien avec Bilbao, précise Philippe Oyhamberry, formateur du défenseur à Bayonne. Comme le stipule leur règlement, seuls les joueurs ayant évolué dans une équipe basque en jeunes peuvent jouer pour l’Athletic. De plus, l’UEFA interdisait aux mineurs de moins de 16 ans de quitter leur territoire. » Débarqué du Lot-et-Garonne, Laporte doit donc patienter et faire ses classes chez les Ciel et Blanc pendant une saison : « Le contrat était complexe et voulait qu’Aymeric s’entraîne à Bilbao durant la semaine avant de rejoindre l’Aviron le week-end pour les matchs. On faisait jouer un gamin que l’on ne voyait quasiment jamais », se souvient l’entraîneur. Bayonne se révèle en effet n’être qu’une courte étape de six mois, précédant la plongée dans le grand bain.
Laporte arrive finalement à Lezama, le centre d’entraînement de l’Athletic Club, au cours de l’année 2010. « Les dirigeants de Bilbao me mettaient une pression monstre, ils voulaient à tout prix le récupérer. J’ai l’impression qu’ils avaient peur qu’il se blesse ou qu’il leur échappe », se remémore Oyhamberry. Pour intégrer la réserve, le joueur doit cependant passer par la filiale du club, le CD Basconia, qui évolue en quatrième division. Cet adolescent étranger fixe alors rapidement ses objectifs, dictés par une implication qui surprend ses coéquipiers. Parmi eux, Sergio Mendigutxia : « Cette année-là, l’Athletic a accueilli quatre ou cinq Français, dont Aymeric. Au début, il ne traînait qu’avec ses compatriotes. Mais quelques semaines après leur arrivée, le club les a inscrits dans un lycée français de Bilbao et là, c’était la métamorphose. Il me suivait partout et posait des questions sur tout et n’importe quoi. Il voulait que je traduise tout ce qui se disait dans les locaux. » De sportif intermittent, Laporte se transforme en Espagnol à plein temps.
Laporte le professionnel
« Son père a été déterminant pour sa progression, sourit son formateur. C’était un ancien joueur de rugby, et je sais que c’est en partie lui qui l’a aidé à assimiler la culture de nos voisins espagnols. » Une figure paternelle présente aux côtés de Laporte tout au long de ses années bilbayennes, et pour qui le football constituait l’unique centre d’intérêt. Unai Albizua, autre compère de chambrée à Bilbao, souligne « l’ouverture d’esprit d’Aymeric » et rappelle que « signer à Bilbao, avec toutes ses spécificités, c’est un peu vivre en vase clos. Cela peut parfois impliquer d’éventuelles difficultés pour les nouveaux. »
Reste que la cité basque s’est transformée en environnement favorable permettant à Laporte de se focaliser sur le développement d’une carrière de footballeur et une priorité absolue : réussir. « Lorsqu’il rejoint Bayonne, son père me fait comprendre qu’il voulait rapidement le voir intégrer les rangs de l’Athletic. Son papa enchaînait les heures de train pour s’enquérir de la progression de son fils, souligne Oyhamberry. Nous étions là pour le préparer à Lezama, en quelque sorte. » Et lui n’est pas là pour se dorer la pilule au soleil ou flâner avec les copains. « Sur le terrain, il n’était pas là pour rigoler, se souvient Albizua. C’était clairement le plus fort et il faisait tout pour monter en équipe première. » Une carrière tracée et définitivement lancée au soir du 28 novembre 2012, sous les ordres d’un certain Marcelo Bielsa.
Le choix de la raison
La suite, c’est 7 années d’histoire commune et 222 matchs avec les grands sous la tunique des Lions. Le défenseur indiscutable dans un championnat espagnol à son apogée pense alors que la prochaine étape s’appelle l’équipe de France. Chez les jeunes, Laporte enchaîne les sélections avec le brassard de capitaine des différentes catégories d’âge chez les sélections de jeunes (U17, U18, U19 et Espoirs), au point d’être souvent présenté comme la relève en défense centrale des Bleus. Son nom commence à circuler dans l’Hexagone, mais son pays adoptif garde un œil sur son petit protégé. « Lors de ses premières sélections avec les U18 et U19, je sais que des membres de la fédération espagnole voulaient le convaincre de jouer pour l’Espagne, assure Mendigutxia. Mais en discutant un peu avec lui, j’ai compris qu’il était focus sur la France. » Un choix assumé et surtout une évidence pour Albizua : « Il est et restera français. On se chambrait souvent, et peu importe la compétition sportive que l’on regardait, il soutenait toujours la France. Il était extrêmement chauvin et ne s’en cachait pas. » Un Français de naissance et de cœur, mais pour combien de temps ?
Au fil d’un parcours remarquable en clubs (Athletic, Manchester City), la sélection aura longtemps été un caillou dans la chaussure de Laporte. En octobre 2016, le défenseur pense avoir lancé son aventure sous le maillot tricolore après une première convocation par Didier Deschamps. Sauf que l’actuel joueur de Manchester City n’aura pas eu le droit de croquer dans un peu de temps de jeu et de grappiller une ou deux sélections, se retrouvant soit sur le banc, soit en tribunes, soit à l’infirmerie. En réalité, l’histoire entre l’équipe de France et le natif d’Agen n’aura jamais vraiment démarré. Jamais dans les plans de Deschamps, Laporte a choisi de mettre un terme à ce faux suspense en tranchant en faveur de l’Espagne après une ultime discussion avec Luis Enrique. « Je ne dirais pas que c’est un choix par défaut, mais disons que c’est une solution de repli, juge Albizua. Il n’avait pas d’opportunité chez lui, et le règlement lui permettait de changer. Dommage pour la France, les Espagnols sont en tout cas ravis. » Même son de cloche pour Mendigutxia, qui y voit « une décision moins scandaleuse et plus légitime que celle de Diego Costa » et « un joueur prêt à s’inscrire dans la durée en équipe nationale ». Le 28 mars 2017, Aymeric Laporte faisait sa dernière apparition sur la feuille de match d’une sélection : c’était dans la colonne de l’équipe de France lors d’une défaite contre… l’Espagne. À 27 ans, le défenseur a définitivement tourné la page et peut commencer une nouvelle histoire avec la Roja.
Par Adel Bentaha
Tous propos recueillis par AB