- Coupe d'Asie 2024
- 8es
- Irak-Jordanie (2-3)
Aymen Hussein : des dents longues à rayer le gazon
Actuel meilleur buteur de cette Coupe d’Asie 2024 avec 6 buts, Aymen Hussein n’a pas pu empêcher l’élimination des siens face à la Jordanie (2-3), ce lundi, dans un match fou où il a marqué et vu rouge pour avoir fait semblant de manger de l'herbe. Un scénario hors du commun pour un homme dont la vie n’a jamais été vraiment normale.
Lorsqu’il décide de s’asseoir dans la position du lotus près de l’un des poteaux de corner du Khalifa Stadium de Doha, Aymen Hussein est aux anges. En l’espace de quelques instants, le numéro 18 irakien a le temps d’expédier une frappe croisée parfaite pour redonner l’avantage à son pays face à la Jordanie, de parader devant un virage de fans en folie et de terminer par un chambrage à destination des Jordaniens en faisant mine de bouffer la pelouse. Une irrésistible manière de signer son sixième golazo de la compétition, à un quart d’heure du terme, qui devait permettre à l’Irak de rallier les quarts de finale (le score était alors de 2-1) et de définitivement s’imposer comme l’outsider de cette Coupe d’Asie 2024. Il n’en sera finalement rien. Hussein se prend un deuxième jaune pour sa célébration jugée « provocatrice » – elle parodiait celle des coéquipiers de Mousa Al-Tamari sur l’ouverture du score jordanienne – et regardera depuis le vestiaire la Jordanie renverser la partie grâce à deux pions inscrits à la 96e et 98e minute. Un cauchemar pour beaucoup, mais pour Hussein, c’était juste une mauvaise journée de boulot.
أيمن حسين يضع العراق بالمقدمة بهدف ثانٍ في شباك الأردن#الرابعةtv pic.twitter.com/nGTsmZYJZw
— قناة الرابعة – Al Rabiaa TV (@alrabiaatv) January 29, 2024
La sélection avant tout
Avant d’échouer en huitièmes avec les Lions de Mésopotamie, Aymen était tout simplement en lévitation au Qatar. Quel que soit l’adversaire, le goleador de 27 ans avait toujours su trouver la faille : en l’espace de 120 minutes lors des trois premiers duels, Hussein a froissé l’Indonésie avec un pion, deux contre le Viêt Nam et surtout un doublé contre Japon qui avait alors permis à sa sélection de terminer première de son groupe. Une cure de jouvence pour le bonhomme qui avait vécu un début de saison compliqué : deux mois à peine après son arrivée au Raja Casablanca, le club marocain a trouvé un accord avec l’intéressé « à l’amiable » pour mettre un terme à une histoire qui n’a jamais vraiment fonctionné. Le parcours en club d’Aymen est d’ailleurs plutôt anecdotique, où il s’est révélé dominant essentiellement dans le championnat irakien, à Bagdad du côté d’Al-Naft ou d’Al-Quwa-Al-Jawiya, et lors d’une saison au Qatar en 2020-2021 à Umm Salal.
Avec la sélection en revanche, c’est une autre histoire. Outre ses 22 pions en 71 apparitions chez les A, il a participé aux JO 2016 avec les U23 irakiens (où ils feront trois nuls dans la poule du Brésil), l’un de ses premiers rares voyages au-delà des frontières. « Les seules choses que je sais du Brésil, c’est via YouTube et la télé. Ils disent que c’est connu pour leurs plages et les femmes » souriait-il auprès de l’agence AP quelques jours avant le grand départ pour le pays de la samba. Un peu de naïveté qui s’explique grandement par son parcours de vie. Car avant de découvrir Rio ou encore le reste du monde, Aymen Hussein n’a pas vraiment eu ce qu’on peut appeler « une vie de rêve ».
Victime du terrorisme
Été 2014, à Kirkouk dans le nord de l’Irak. Dix-huit mois avant d’inscrire le but qui enverrait les U23 irakiens aux JO, Aymen Hussein revit l’horreur. Dans un village situé à deux pas de ce qui est considéré comme l’un des plus grands centres pétroliers du pays, les avancées de l’État islamique l’oblige à fuir la maison familiale alors qu’il rendait visite à sa mère. Son père, qui était officier dans l’armée irakienne, a été tué par Al-Qaida en 2008 dans un attentat à Bagdad. Cette fois, c’est son frère qui bossait dans la police locale qui a été enlevé par les jihadistes. À ce jour, rien n’indique qu’il sait où il se trouve. « Personne ne sait vraiment ce qui lui est arrivé, expliquait-il toujours en 2017. Ce n’est pas la première fois que ma famille est confrontée au terrorisme. Ce ne sera probablement pas la dernière. » De retour dans le championnat irakien après son expérience marocaine ratée, nul doute que cette Coupe d’Asie plus que réussie va rebraquer quelques projecteurs sur la gueule d’Aymen Hussein. Et qui sait : peut-être qu’on le reverra un jour au Brésil ?
Par Andrea Chazy