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Average : « L’OM autrichien, c’est le Rapid de Vienne »
Après le titre de champion de France de l'OM en 2010, un MC autrichien enregistre un titre confidentiel, dans lequel il rend hommage au club de son cœur. Supporter marseillais depuis plus de quinze ans, Average ne manque aucune occasion de l'afficher dans ses clips et a même tourné avec Soprano dans les pays germanophones. Avant le match retour contre Salzbourg, entretien avec le plus olympien des rappeurs autrichiens, dans un français MC Solaarien.
Peu importe le résultat de ce soir, Salzbourg finira en tête du groupe. Les Autrichiens se réjouissent d’avance ?Je ne crois pas. Red Bull a beau faire du bien au foot autrichien avec son centre de formation, ça reste un club Red Bull sans grande tradition, qui propose à peu près la même chose qu’à New York ou Leipzig. Leur public est complètement à l’opposé de celui de Marseille, ce sont deux genres de football bien distincts qui s’affrontent.
Où faut-il se rendre pour trouver une ferveur comparable à celle du Vélodrome ?Au Rapid. Il y a aussi de bons ultras au Sturm Graz, mais si on doit faire une comparaison, l’OM autrichien, c’est vraiment le Rapid de Vienne.
D’ailleurs, ça te vient d’où cette passion pour Marseille ?Quand j’avais onze ans, ma sœur m’a offert une écharpe de l’OM. C’était mon tout premier contact avec la France. S’en sont suivis une passion pour le rap et la littérature et un cursus de LLCE français à l’université de Vienne. Malheureusement, je n’ai pas fait d’Erasmus, mais j’allais souvent voir des potes à Marseille pour entretenir et perfectionner mon niveau.
Ta première au Vélodrome, c’était quand ?À seize ans, pour une sorte de pèlerinage où j’ai découvert mes rappeurs préférés en live et l’ambiance au stade pour de vrai. C’était vraiment impressionnant, d’autant plus que c’était un Marseille-Bordeaux. Mais mon meilleur souvenir, ça reste le déplacement à Dortmund en Ligue des champions en 2011, quand on se qualifie pour les huitièmes grâce à Valbuena dans les dernières minutes.
Tu vas voir combien de matchs par an ?Cette année, j’en ai déjà fait trois. Marseille étant assez loin de chez moi, j’essaie surtout d’être présent quand ils se déplacent en Europe. Enfin, dans la limite du possible, la Grèce ou la Turquie, ça fait trop loin, sachant qu’en plus, je viens d’être papa. En revanche, je regarde presque tous les matchs de Ligue 1 en streaming et je lis pas mal la presse en semaine pour me tenir informé.
En France, Marseille et Paris sont deux villes rivales, en football comme en rap. Est-ce qu’une opposition pareille existe en Autriche ?Pas tellement, non. Il y a dix ans, c’était ma ville natale, Linz, la capitale du rap autrichien. C’est là qu’on trouvait le plus de personnes impliquées dans les différentes disciplines du mouvement hip-hop. Aujourd’hui, c’est à Vienne que tout se passe. Après, je ne pense pas qu’on puisse dire que Linz soit le Marseille autrichien, car Marseille est une ville très multiculturelle qui compte de nombreux quartiers populaires, que l’on ne retrouve pas ici. En revanche, l’opposition capitale-province existe bel et bien. Mais ça c’est comme partout.
C’est à l’université que tu es devenu rappeur ?Non, j’ai commencé à écrire mes premiers textes vers treize ans et fait mes premières scènes à quinze ans. Je suis de l’école consciente, influencée par le rap marseillais et j’essaie de m’en inspirer dans ma manière d’utiliser la langue, à la fois poétique, mais sans être trop élitiste pour autant.
Qui sont les rappeurs français qui t’ont le plus marqué ?Les premiers, presque évidemment je dirais, c’était IAM. Après, il y a eu les Psy 4 de la Rime, Soprano, 3e Œil, la Fonky Family, même Kalif Hardcore. Aujourd’hui, j’ai élargi mon champ d’écoute, je m’intéresse aussi à des groupes parisiens comme l’Entourage et le S-Crew.
Comment peut-on caractériser le rap autrichien ?Actuellement, il est en train de vivre un changement générationnel. Ce qui le définit à l’origine, c’est la prédominance du courant conscient rappé en haut-allemand, mais aujourd’hui on constate une recrudescence des textes en dialectes régionaux, ce qui permet de se différencier de la scène allemande. Et ça marche ! Pas forcément au niveau mainstream, mais au niveau underground ça a pas mal de succès. Il faut aussi souligner que les rappeurs qui vivent de leur métier sont des exceptions. Moi par exemple, j’ai un boulot en parallèle dans une agence nationale pour le développement humanitaire.
En 2010, tu as accompagné Soprano lors de sa tournée dans les pays germanophones. C’est l’OM qui vous a réunis ?Non, c’est un manager qui m’a proposé de remplacer son traducteur qui était indisponible. Soprano devait donner quelques concerts et assurer la première partie d’un rappeur autrichien à Berlin, Chakuza, assez connu à l’époque. Je n’ai pas hésité une seconde, car c’était la chance d’une vie et finalement, j’ai aussi fait sa première partie.
Soprano était vraiment connu en Autriche ?On l’avait surtout découvert avec le morceau Victory, présent sur la BO de FIFA 2009. Et puis à Vienne, comme dans toutes les métropoles, on trouve beaucoup de gens qui parlent français ou sont francophiles. Mais son concert, c’était vraiment paradoxal : il a joué devant soixante personnes alors qu’il venait de fêter sa place de numéro 1 dans les charts français pour son album La Colombe.
Vous avez gardé contact après cette collaboration ?Après la tournée, on s’est revu deux fois, mais sans plus malheureusement. Mais on a quand même fait un morceau ensemble avec le groupe Texta, qui est une sorte d’IAM autrichien, au vu de leur ancienneté. Et puis il m’a dit qu’il avait fait écouter un de mes titres aux joueurs de l’OM, ça m’a fait plaisir.
Ah, ce fameux titre où tu rappes à la gloire de Marseille après le titre de 2010.Oui, le clip est en deux parties. La première est un hommage de Texta au Blau-Weiß Linz, un club traditionnel avec pas mal de supporters de gauche comme à Marseille. Pour la deuxième, on a mis la planète Mars en fond, pour le symbole. J’ai prêté du matos à des potes qui apparaissent avec moi et ça a eu son petit effet puisqu’un gars des Fanatics qui vivait à Vienne m’a appelé pour qu’on se rencontre. Depuis, je suis en contact régulier avec son groupe et j’assiste aux matchs en virage avec eux.
Est-ce que tu as réussi à créer un engouement pour l’OM en Autriche ? Non, mais j’ai réussi à convaincre mes potes de s’intéresser au club et je remarque qu’il y a de plus en plus de gens qui se ramènent à mes concerts avec des maillots marseillais sur le dos. C’est déjà pas mal.
Propos recueillis par Julien Duez