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Au Rwanda, le PSG fait le jeu politique de Kigali et Doha

Par Alan Bernigaud, à Huye et Nyamata (Rwanda)

Partenaire de l’État rwandais depuis 2019, le Paris Saint-Germain a une forte influence dans ce pays d’Afrique de l’Est. Avec sa PSG Academy, le club fait le bonheur de centaines d’enfants. Mais des zones d’ombre persistent, comme son aide au sportwashing mené par le régime autoritaire du président Paul Kagamé ou son rôle diplomatique pour le Qatar.

Au Rwanda, le PSG fait le jeu politique de Kigali et Doha

Huit terrains délimités par des coupelles, des cônes en guise de cages et des dizaines de gamins qui jouent leur propre finale de Ligue des champions. Si à Nyamata, le Bugesera Stadium est loin de ressembler au Parc des Princes, une ambiance particulière flotte ce 5 avril. Oriflammes et pancartes annoncent la couleur : le PSG est en représentation. Pour ces jeunes Rwandais, jouer sous les ordres de coachs du PSG est une aubaine, d’autant que la plupart n’évoluent dans aucun club. Les rires et les « Ici c’est Paris » hurlés ne trompent pas, ces enfants de l’immense Province de l’Est sont sous le charme. « C’est la preuve que l’aura du PSG se diffuse au Rwanda grâce à notre académie », assure Théonas Ndanguza, directeur de la PSG Academy Rwanda.

Le PSG est mon premier club, je l’aime fort.

Kabayiza, jeune Rwandais pensionnaire de la PSG Academy

Inauguré en novembre 2021 à Huye – à 125 km au sud de la capitale Kigali et 95 km de Nyamata –, ce centre de préformation accompagne chaque saison plus de 200 enfants de 6 à 17 ans. Pour Théonas Ndanguza, « l’objectif est de proposer des infrastructures de qualité pour accompagner ces jeunes jusqu’à l’élite et, à terme, que toutes les équipes rwandaises aient des joueurs formés dans notre centre ». Ce dont rêvent également ces enfants. Aussi, en ce pluvieux samedi 20 avril, la pelouse synthétique du Huye Stadium fourmille dès 8 heures du matin de joueurs de l’académie. « Le PSG est mon premier club, je l’aime fort, glisse Kabayiza10 ans. Avant, je ne pouvais pas jouer sur de vrais terrains, maintenant on fait des matchs et on va découvrir la France ! »

Un pont entre Paris et l’Afrique

En effet, du 11 au 14 mai, les U11 et U13 masculins ainsi que les U15 féminines participeront à la PSG Academy World Cup. Organisée à Paris, cette compétition interne va réunir les 205 académies implantées dans 24 pays. Et en U11 comme en U13, les Rwandais sont tenants du titre chez les garçons. « C’est l’événement phare que l’on organise chaque année. Un moment de football oui, mais surtout de partage culturel avec des enfants qui viennent du monde entier », se réjouit Nadia Benmokhtar, responsable du développement de la marque PSG à l’étranger. Outre la compétition amicale, ces plus de 500 jeunes joueurs feront « un tour d’honneur avec leur drapeau respectif » sur la pelouse du Parc avant le match contre le TFC.

Ces écoles de foot fonctionnent à la manière de clubs amateurs classiques, avec paiement de licence et achat par les parents des crampons ou autres. Une seule exception : la PSG Academy d’Huye. Ici, tout ne serait que bonté et bienfaisance. Gratuité pour les enfants, formation offerte à des dizaines d’entraîneurs locaux, visites fréquentes de professionnels comme Warren Zaïre-Emery, Keylor Navas ou Paulina Dudek… Tout est financé par le PSG. « Nous sommes là pour partager notre méthodologie et aider le développement du football, atteste le directeur technique Benjamin Houri qui loue la fédération rwandaise. Elle travaille très bien et a mis les moyens tant humains que financiers pour faire rayonner le pays dans les années à venir. Cette mission est remarquable et on va tout faire pour l’aider. » Une belle intention qui laisse songeur.

Un partenariat qui dépasse le cadre sportif 

Quel peut bien être l’intérêt du PSG dans cette histoire ? Côté pile, on trouve ces 200 jeunes par an qui vivent leur rêve footballistique. Côté face, de fortes coïncidences diplomatiques laissant à penser que sport et vente de maillots Hechter sont loin d’être les seules raisons des activités du PSG au Rwanda. Pour exister sur la scène internationale, il est impératif pour les États émergents de s’entourer. Trente ans après le génocide perpétré contre les Tutsis, le Rwanda s’est relevé de façon spectaculaire. Mais sa petite taille et le souvenir encore vif du massacre d’un million d’innocents au printemps 1994 freinent son attrait potentiel. Alors, il soigne ses amitiés. Notamment avec le Qatar, où le sportwashing est un art. À Doha, les propriétaires du Paris Saint-Germain le savent : leur club peut peser dans la balance géopolitique. Exemple au Rwanda avec les achats par Qatar Airways de 60% des parts du futur aéroport international et de 49% de la compagnie aérienne Rwandair. Des acquisitions datées du 9 décembre 2019, soit cinq jours après la signature du partenariat entre le PSG et Visit Rwanda, l’organisme gouvernemental censé promouvoir la destination. D’autres accords en matière d’énergies et de transports ont été signés depuis, et la PSG Academy est née. Toutefois à Paris, Nadia Benmokhtar le soutient, « les académies ne sont pas un outil diplomatique ». Soit.

Paul Kagamé, comme l’émir Tamim ben Hamad Al Thani, aime le sport et sait ce qu’il peut lui rapporter.

Jean-Baptiste Guégan, spécialiste de géopolitique du sport

Pourtant, avoir un relais politique en Afrique est capital pour l’Émirat qui cherche à étendre son influence sur ce continent. « Ces dernières années, Doha a beaucoup investi au Rwanda, en faisant un partenaire économique et un lieu d’investissementobserve Jean-Baptiste Guégan, expert en géopolitique du sport. Ce pays pourrait être dédié au développement d’une diplomatie qatarie en Afrique et un moyen pour peser sur les affaires de la CAF. » Pour ce spécialiste qui a publié ce 25 avril, La Guerre du sport, une nouvelle géopolitique, l’instrumentalisation du foot est évidente : « Rwanda et Qatar partagent un autoritarisme politique marqué ainsi qu’un usage stratégiquement très élaboré d’une certaine diplomatie du sport. Paul Kagamé, comme l’émir Tamim ben Hamad Al Thani, aime le sport et sait ce qu’il peut lui rapporter. »

L’émir du Qatar Tamim ben Hamad Al-Thani reçoit le président du Rwanda Paul Kagame à la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde 2022 à Doha. Photo : Icon sport
L’émir du Qatar Tamim ben Hamad Al-Thani reçoit le président du Rwanda Paul Kagame à la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde 2022 à Doha. Photo : Icon sport

Le football, cette arme diplomatique 

Ce sportwashing du Rwanda concerne désormais tous les sports avec construction d’infrastructures et accueil de compétitions internationales de basket, golf ou cyclisme. Mais le foot reste la priorité de cet État qui s’est attaqué au sport roi en 2018, via Visit Rwanda. D’abord en sponsorisant la liquette d’Arsenal, puis celle du PSG en 2019 contre quelques dizaines de millions d’euros annuels. À l’été 2023, c’est au tour du Bayern Munich de signer un contrat similaire. Les autorités rwandaises certifient que 600 millions de dollars ont ainsi été générés entre 2018 et 2023. Des chiffres difficiles à vérifier, puisqu’étant avancés pour valider la stratégie de Paul Kagamé. En poste depuis mars 2000, le président rwandais jouit toujours de sa casquette de libérateur ayant mis fin au génocide malgré les critiques sur son despotisme. Il devrait facilement être réélu en juillet pour un cinquième mandat qui lui permettrait de poursuivre ses manœuvres.

Si avec une seule participation à la CAN, en 2004, le Rwanda est un petit pays de foot, il a des desseins affirmés. Et Théonas Ndanguza le confirme, la PSG Academy est le premier rouage de cette stratégie. « Le gouvernement veut voir le Rwanda à la Coupe du monde U17 de 2027. On a pour mission de préparer cette équipe nationale au travers de nos meilleurs joueurs ». Un souhait étatique renforcé par la récente création d’une académie estampillée Bayern Munich. La preuve que si Doha a des cartes diplomatiques et économiques à jouer au pays des mille collines, Kigali trace désormais sa propre route. Petit frère n’a qu’un souhait, devenir grand, et le PSG est la base du vaste ouvrage qui se dessine.

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Tous propos recueillis par AB. Photos : AB et Iconsport

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