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Avec Patrick Collot, osez l’intérim !
Le plus souvent, l'entraîneur intérimaire n'est qu'un bouche-trou qu'on oublie aussi vite qu'il est parti. Franck Passi en a fait l'amère expérience à Marseille. Voué à céder sa place prochainement à Lille, Patrick Collot a, lui, réussi à grandir dans cette phase de transition. Et pourrait avoir fait de son intérim un tremplin.
« L’intérimaire, c’est le maillon d’une chaîne. Il doit combler un manque provisoire et pour cela, il faut qu’il dispose des compétences techniques et du savoir-faire adéquats. » Caroline Bertrand est directrice Région Nord pour Randstad, l’une des grandes entreprises françaises d’intérim. Si elle ne s’intéresse pas plus que cela au football, elle arrive néanmoins à apprécier l’œuvre éphémère de Patrick Collot à Lille. Une prise de fonctions au pied levé le 22 novembre en remplacement de Frédéric Antonetti, une série de quatre matchs sans défaite – dont trois victoires – et une sortie de zone rouge pour les Dogues. Malgré un tassement des résultats récents, le bilan est très propre. Surtout que « la mission intérimaire de l’entraîneur de football, avec de très lourdes responsabilités et des montants financiers considérables en jeu, cela s’apparente plus à du management de transition » . Un rôle où il faut savoir prendre les décisions difficiles, mais aussi allier les qualités techniques à un « savoir-être » . Dans l’entreprise classique, ce cadre provisoire est là « pour amorcer un changement, éventuellement prendre des décisions très lourdes, et on opte pour la solution externe afin qu’il n’y ait aucune entrave émotionnelle, mais dans le football, c’est intéressant de constater que la logique est inversée, il faut quelqu’un qui connaisse le club, ses joueurs et ses valeurs. » Or, à Luchin, Collot fait presque partie des meubles. Ancien joueur et surtout ancien adjoint « qui a pu profiter du rôle d’observateur pour appréhender la fonction » , il avait déjà expérimenté la saison passée après le limogeage d’Hervé Renard.
Gérard Lopez n’est plus dans l’urgence
Si bien qu’aujourd’hui, le nouveau boss du LOSC, Gérard Lopez, a toujours l’intention de recruter un entraîneur de renom pour lancer son projet, mais il sent qu’il peut prendre son temps : « On a l’avantage d’avoir quelqu’un qui connaît le club, l’équipe, et qui fait du bon boulot. Donc le changement, ça pourrait être la semaine prochaine, le mois prochain, l’été prochain. Il n’y a pas d’urgence. » S’il finissait la saison, qui plus est avec une place en première partie de tableau, l’ancien adjoint de Claude Puel à Lyon s’offrirait une nouvelle envergure. Mais à défaut d’avoir dès à présent l’aura d’un numéro 1, Collot en a peut-être déjà les « cojones » . La Voix du Nord et L’Équipe ont relayé une altercation entre le technicien et son latéral, Julian Palmieri, après le match de Coupe de France contre l’Excelsior St-Joseph, terminée par un tête-à-tête viril. Une affirmation d’autorité pertinente selon Caroline Bertrand : « Il a bien fait de se confronter de suite avec Palmieri (mécontent d’avoir été remplacé en cours de match, ndlr). Dans un rôle de transition, qui plus est quand on est recruté en interne, les gens nous voient forcément un peu avec notre ancienne fonction. En allant recadrer son joueur, qui sortait de la démarche collective, il a réussi à réaffirmer son autorité. Il est intérimaire, mais il est entraîneur avant tout, il prend les décisions. Dans n’importe quel secteur d’activité, ce réflexe est positif, cela permet de ressortir grandi et de donner du poids à ses prochaines décisions. »
Retour dans l’ombre ou grand saut ?
Reste à savoir si la période actuelle peut déboucher pour l’intéressé sur une nouvelle carrière dans la peau d’un entraîneur principal. « Dans le monde de l’entreprise classique, un intérim réussi débouche souvent sur un engagement sur plus long terme » , souligne Caroline Bertrand. Dans le monde du foot en revanche, c’est plutôt rare qu’un intérim valorise l’intérimaire, à l’image de Franck Passi qui a beaucoup donné pour l’OM, mais s’est finalement résigné à quitter le club avec le rachat par Frank McCourt. Pour Patrick Collot, l’interrogation portera sur ses intentions : difficile de ne pas voir le LOSC lui proposer de rempiler dans une autre fonction, mais pas impossible aussi que cette expérience sur le banc ne lui ait donné envie de tenter sa chance loin des Dogues… Avec Julian Palmieri dans les valises ?
Par Nicolas Jucha
Propos de Caroline Bertrand recueillis par NJ et de Gérard Lopez par EC.