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« Avant, Portugal-Islande, c’était 10-0 »
Blessé mais présent au lancement du nouveau ballon d'Adidas en vue des huitièmes de finale de l'Euro, Bernardo Silva profite de son repos forcé pour mater la compétition à la télé. Frustré, il n'en demeure pas moins optimiste. Pour le Portugal comme pour une Ligue 1 qu'il aime bien.
Salut Bernardo. Tu as bonne mine et tu as l’air en forme. C’est le cas ? La blessure est derrière toi ? Écoute, ça va très bien. En fait, je suis déjà à 100% pour pouvoir commencer la saison avec Monaco, mais ça me rend d’autant plus triste de ne pas avoir pu disputer l’Euro avec le Portugal. Surtout ici, en France. Mais bon, je suis tout ça devant la télé. Jusqu’ici, on a fait deux matchs nuls, donc on n’est pas contents. Normalement, le Portugal se doit de gagner contre des équipes comme l’Islande et l’Autriche. Mais ça, c’est le passé. Maintenant, il ne nous reste plus qu’à faire le boulot contre la Hongrie.
Parmi les joueurs qui n’ont pas déçu, il y a Raphaël Guerreiro. Que penses-tu de lui ? Raphaël, j’ai joué avec lui à l’Euro espoirs, on avait été jusqu’en finale et j’ai joué contre lui avec Monaco face à Lorient. Là, il va jouer à Dortmund, ça va l’aider à encore plus progresser. C’est un super joueur. Très rapide, technique. Dans quelques années, ça sera un des meilleurs latéraux du monde.
Tu aurais fait du bien dans l’animation offensive portugaise qui rame un peu parfois. Quel est ton sentiment par rapport aux difficultés rencontrées par la Selecção jusqu’ici ? Pour moi, c’est un peu comme la France. On a contrôlé nos deux premiers matchs, on avait la possession, on s’est créé des opportunités. Malheureusement, on a manqué d’efficacité, on a loupé deux ou trois occasions à chaque fois, on touche les poteaux. Normalement, Cristiano et Nani, ce genre d’occasions, ils les mettent au fond.
Ces deux matchs illustrent parfaitement un grand classique du football actuel qui veut que les petites équipes n’existent plus…C’est un cliché de dire ça, mais c’est vrai. Toutes les équipes jouent bien. Elles jouent leur jeu, qui n’est pas toujours celui que les gens aiment, mais c’est difficile de les affronter. Il y a dix ans, si le Portugal avait joué contre l’Islande, c’était un 10-0. Maintenant, tu ne verras pas ça. Surtout à l’Euro où il y a beaucoup de pression sur les joueurs et où ces équipes-là défendent beaucoup.
D’un autre côté, défendre est aussi une manière de jouer au football. À Monaco, par exemple, vous avez souvent été pointés du doigt pour ça, mais au bout, il y a souvent le résultat… Prend l’exemple de l’Italie. Dans le football, tu peux avoir une mentalité offensive ou défensive, mais dans les deux cas, il est possible de bien jouer. Il y a beaucoup de sélections défensives qui jouent très bien. Pour moi, les deux matchs de l’Italie à l’Euro, c’était très impressionnant. De toute façon, les buts vont arriver avec le temps, dès les huitièmes, ça va se décanter. Les équipes seront obligées de jouer pour survivre. Il y aura plus de buts !
Tu parlais de pression tout à l’heure. La sélection portugaise en ressent à l’heure actuelle ? Beaucoup. Surtout ici en France. C’est comme si on jouait à domicile. Rien que pour ça, on a beaucoup de pression sur les épaules.
En France, certains ne comprennent pas pourquoi tu ne t’es pas imposé au Benfica. Tu as ton explication ? Il y avait un petit problème avec le coach, déjà (il sourit). L’année où je pars, il y avait aussi énormément de bons joueurs. Il y avait Gaitán, Aimar, Salvio, Marković… Ce n’était pas facile. Et moi, j’étais très jeune… J’ai fait tout mon possible pour pouvoir jouer avec les pros, mais malheureusement, je n’ai pas réussi. Mais je suis content de la tournure qu’a prise ma carrière, je ne regrette pas, j’ai joué la Ligue des champions, je joue dans une bonne équipe, c’est cool.
On sous-estime pas mal le championnat portugais. Quelles sont les différences avec la Ligue 1? Pour moi, ce sont deux championnats très différents. Le championnat portugais est peut-être un peu plus technique, mais au Portugal, tu as trois grandes équipes : Benfica, Porto et Sporting. Après, tu as deux, trois équipes qui jouent bien, comme Braga, puis Guimarães. Mais derrière ces équipes-là, les autres ne jouent pas très bien. Ici en France, quand tu joues contre le dernier, c’est dur. Tu sais que tu vas tomber sur une équipe agressive, qui va essayer des choses. En Liga Nos, si Benfica se déplace chez la lanterne rouge, tu sais qu’ils vont gagner et la plupart des supporters seront pour le Benfica… En France, toutes les équipes ont beaucoup de supporters.
Ça a dû te faire bizarre de passer du stade de la Luz à Louis-II quand même…C’est sûr que ça change un peu… Il y a énormément de fans au stade du Benfica, à chaque match, le stade est magnifique et plein. À Monaco, c’est différent, mais je me suis habitué. C’est normal, Monaco c’est une petite ville.
Tu allais au stade étant gamin ? (Il coupe) Tous les matchs ! Je me rappelle l’époque de Mantorras, j’étais tout le temps au stade. Et puis après, on a eu la super équipe avec David Luiz, Di María, Saviola, c’était dingue. Mais récemment, mon meilleur souvenir est à l’extérieur. Je me rappelle un match à Porto, après le décès d’Eusébio. On a joué avec onze Eusébio sur le maillot et on gagne 2-0. Incroyable.
Tu es un joueur de ballon. Ça ne te frustre pas la Ligue 1 et la manière de jouer de ton équipe ? La Ligue 1, c’est physique et agressif, avec beaucoup de joueurs travailleurs. Nous sommes une équipe qui joue assez défensif, c’est la manière de jouer de Jardim. Moi, je te le dis, même si parfois c’est frustrant : je préfère mal jouer et gagner que de pratiquer un football flamboyant et perdre.
Tu disais qu’il y avait beaucoup de Portugais en France, mais il y a aussi pas mal de Français à Lisbonne…Il y a beaucoup de Français chez nous ! Aussi pour les impôts, hein. Moi, toute ma famille est de là-bas, j’y retourne souvent. La première chose que vous devez faire si vous allez à Lisbonne, c’est aller au stade du Benfica. Une fois cette mission accomplie, Lisbonne c’est une super ville pour faire la fête. En matière de tourisme, pas d’architecture, Lisbonne se rapproche un peu de l’Espagne : tu te balades, tu prends le soleil, tu manges, tu apprécies. Il y a de bons restaurants. Bon, et je dois t’avouer qu’il y a aussi de jolies filles…
Propos recueillis par Swann Borsellino