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  • Nomination de Helena Costa à Clermont

Avant Helena, il y a eu Carolina…

Par Éric Maggiori
5 minutes
Avant Helena, il y a eu Carolina…

Helena Costa sera donc l’entraîneur de Clermont-Foot la saison prochaine. Si c’est évidemment la première fois que cela arrive en France, il ne s’agit pas d’une première en Europe. De fait, en 1999, Carolina Morace avait été nommée sur le banc de la Viterbese, en Italie. Mais l’histoire n’avait pas duré bien longtemps...

105 buts en 150 sélections. C’est le bilan de Carolina Morace, meilleur buteur de l’histoire de la Nazionale féminine. Des chiffres impressionnants qui en ont fait, dans les années 80-90, la première femme star du ballon rond en Italie. Il faut dire que Morace a un truc. Déjà, en club, elle gagne tout. À chaque fois qu’elle signe dans un club, ce club remporte le championnat d’Italie. Trani en 1984 et 1986, la Lazio en 1987 et 1988, la Reggiana en 1990 et 1991, Milan en 1992, Torres Fo.S en 1994, Agliana en 1995, Verona en 1996 et Modena en 1997 et 1998. Zlatan au féminin. Et ce n’est évidemment pas une coïncidence, puisqu’elle termine pratiquement chaque saison meilleure joueuse et meilleur buteur du championnat (11 fois dans sa carrière). Ensuite, Carolina a la tchatche et un gros caractère. Elle donne des interviews, n’hésite pas à mettre des vannes. Tout ça en étant le sosie officiel de Suzanne Somers, la mère dans la série Notre Belle Famille, ce qui, forcément, vous pose une femme. Et tout cela attire. C’est donc presque en toute logique que, lorsqu’elle raccroche les crampons en 1998, des présidents de club italiens commencent à se demander si une femme qui connaît aussi bien le foot ne pourrait pas s’introduire dans le milieu très masculin du Calcio. Un homme va faire le premier pas. Un homme que tout le monde connaît bien en Italie.

Premier match, première victoire

Luciano Gaucci. Voilà l’homme en question. Un mythe en Italie. Président de Perugia dans les années 90-2000, il avait réussi à emmener sa modeste équipe de la troisième division jusqu’à une historique qualification en Coupe UEFA, et avait aussi ôté un Scudetto à la Juve. À la fin des années 90, c’est lui qui fait venir Hidetoshi Nakata en Europe, et qui repère des joueurs comme Marco Materazzi, Ze Maria, Fabio Grosso ou encore Fabio Liverani. Autant dire que le bonhomme, sportivement parlant, a du flair. Et avec Carolina Morace, il flaire justement le bon coup. Après avoir mis un terme à sa carrière à la fin de la saison 1997-98, la désormais ex-joueuse vit sa première expérience d’entraîneur. Elle s’assoit sur le banc de l’équipe féminine de la Lazio, dont elle a elle-même été joueuse de 1987 à 1989. Même si elle ne va pas jusqu’au terme de la saison, l’année se termine par une troisième place en Serie A et une victoire en Coupe d’Italie. Suffisant pour définitivement convaincre Gaucci que Morace a un vrai potentiel.

En juillet 1999, il prend donc son téléphone et lui passe un coup de fil. La conversation est brève car l’excentrique président sait où il veut en venir. Il propose à Carolina de venir entraîner la Viterbese, l’autre club qu’il détient, et qui évolue alors en Serie C1, l’équivalent de la troisième division. L’offre est alléchante et le pari osé : Carolina Morace a l’occasion de devenir la première femme, en Italie, à entraîner un club professionnel masculin. Elle dit oui. La voilà propulsée au stage de pré-saison de la Viterbese qui, à l’époque, vient d’être promue en C1, et a pour objectif de suivre la même trajectoire que Perugia, l’autre club de Gaucci, qui a claqué une double montée C1-B-A en deux ans, de 1994 à 1996. Le jour de la première journée de championnat, le 5 septembre 1999, tous les yeux sont rivés sur le stade Enrico Rocchi, où la Viterbese de Miss Morace reçoit les Siciliens de Marsala. Débuts idylliques : le club de Viterbo s’impose 3-1 et, à la fin de la rencontre, Morace se retrouve sous la Curva avec Gaucci qui expose sa trouvaille, fier comme un coq. Le début d’une belle aventure. A priori.

« Le premier président à virer une femme entraîneur »

Le mariage sportif entre Gaucci et Morace est tellement exceptionnel et improbable qu’on en parle même dans le magazine Time. L’article de l’époque souligne d’ailleurs le « caractère fort des deux protagonistes » . Il ne croyait pas si bien dire. Lors de la deuxième journée de championnat, la Viterbese est battue 5-2 sur la pelouse de Crotone. Un résultat inadmissible pour le président (même s’il s’avère que Crotone dominera toute la saison et terminera largement en tête, avec à la clef une montée en Serie B) qui, au lendemain de la défaite, prend à nouveau son téléphone pour appeler sa coach. Gaucci lui annonce deux choses. D’une, qu’il veut prendre des mesures : à savoir virer son adjointe, Betty Bavagnoli, et le préparateur physique, Luigi Perrone, parce qu’il ne « croit plus en eux » . De deux, qu’il souhaite lui infliger une amende à cause de certaines déclarations inappropriées que Carolina aurait lâché dans un journal local. Femme au caractère bien trempée, Morace refuse de se laisser faire.

24 heures plus tard, elle convoque la presse, prend son bazooka, et dézingue sans retenue. « La volonté de Gaucci de substituer mes adjoints est un vrai manque de confiance envers moi. Je suis désolée, mais je ne veux pas travailler dans ce genre de climat. Il est plus digne pour moi de m’en aller. Et rien ne pourra me faire changer d’avis. Peut-être que Gaucci aurait dû se renseigner avant sur mon caractère. » Vlan ! Carolina prend la porte, malgré un honorable bilan de trois victoires, un nul et une défaite toute compétitions confondues (car il y avait eu, entre-temps, trois matchs de Coupe d’Italie, deux victoires face à Ascoli et Gubbio, un nul contre la Maceratese).

On apprendra de nombreuses années plus tard (après son exil fiscal en République dominicaine) que Gaucci avait tout prémédité. En effet, après la défaite 5-2 à Crotone, il souhaitait virer Morace. Mais après avoir fait tant parler de lui comme étant « le premier président à embaucher une femme entraîneur » , il ne voulait pas devenir « le premier président à virer une femme entraîneur » . Du coup, le fait de l’appeler et de la pourrir au téléphone était une manœuvre stratégique pour la faire démissionner. Manœuvre parfaitement établie et réussie. Aujourd’hui, Carolina Morace, après des expériences sur les bancs de l’équipe d’Italie féminine (2000-2005) et du Canada féminine (2009-2011), est reconvertie comme consultante. Un rôle, forcément, où elle excelle.

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