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Auxerre peut-il redevenir Auxerre ?

Par Régis Delanoë
5 minutes
Auxerre peut-il redevenir Auxerre ?

Un nouvel actionnaire chinois et un nouvel entraîneur à la tête de l’équipe première depuis quelques semaines, mais Guy Cotret maintenu à la présidence et Guy Roux toujours aux affaires, dans l’ombre : l’AJ Auxerre, ex-monument du football français, actuellement lanterne rouge de Ligue 2, ne s’affole pas. Pas encore.

Pendant quatre bonnes décennies, l’AJ Auxerre a été un cas à part du football français. Un modèle économique et sportif unique qui paraissait éternel. Même président, même entraîneur. Le costume de dirigeant pour Jean-Claude Hamel, le survêtement de l’homme de terrain pour Guy Roux, un couple qui fera de cet ancien patronage un exemple de réussite en milieu rural, avec pour paroxysme les années 90 : un championnat de France, des Coupes de France, des épopées européennes, des joueurs internationaux, une aura médiatique et populaire ainsi qu’un statut d’incontournable. Les résultats sportifs restent globalement bons au tournant des années 2000, même si déjà, subrepticement, des choses changent. Guy Roux part, puis revient, cesse définitivement son activité d’entraîneur de l’AJA en 2005 sans pour autant quitter l’Yonne. Jean-Claude Hamel aussi finit par céder sa place et prendre sa retraite en 2009. Un dernier podium en L1 dans la foulée, une dernière campagne inespérée en Ligue des champions, puis c’est la chute. En 2012, la relégation en Ligue 2 est actée, après trente-deux ans d’élite. Quatre ans plus tard, c’est comme si tout avait changé ou presque dans l’Yonne. L’indéboulonnable AJA qui servait de repère est devenu « comme les autres » . Sportivement, l’instabilité est désormais de mise, les entraîneurs se succèdent à un rythme soutenu. L’incertitude est plus que jamais de mise aussi au niveau de l’extrasportif. Est-ce irrémédiable ? L’Association de la jeunesse auxerroise appartient-elle au passé ?

Effectif déséquilibré, mercato manqué

L’état des lieux du moment incite à répondre à ces interrogations par l’affirmative. Car oui, l’équipe au maillot blanc à liseré bleu va mal, très mal, de plus en plus mal. Depuis la relégation de 2012, les résultats étaient déjà pas mal déprimants à lire pour les supporters, mais ils sont franchement devenus une vraie souffrance depuis cet été. Au moment de disputer cette 14e journée de Ligue 2, l’AJA pointe carrément à la dernière place du classement, avec deux points de retard sur le premier non-relégable, Laval. D’autres faits inquiétants : la formation bourguignonne présente pour l’instant la plus mauvaise attaque et le deuxième pire bilan défensif du championnat et n’a remporté que deux succès. Sur le banc, il y a déjà eu un changement. Arrivé en poste en juin, Viorel Moldovan est reparti au soir d’une amère défaite face au Havre fin septembre, victime d’une lassitude express sur ses conditions de travail dès son intronisation lors de l’avant-saison. « À un moment, je ne savais pas si j’étais coach de l’équipe pro ou de CFA. Pendant la préparation, j’ai utilisé quinze joueurs. J’ai pleuré pour avoir un recrutement.(…)Ce n’est pas normal d’avoir un management comme cela. J’attendais autre chose. On se dit qu’on n’a pas de moyens. Mais pourquoi les autres équipes ont d’autres moyens ? J’ai pleuré pour avoir des joueurs de couloir, des joueurs qui changent le rythme. J’ai mal de tout cela. Je suis fatigué. J’ai galéré depuis trois mois. J’en ai marre » , avait-il vidé son sac sitôt la défaite face au HAC (0-1) validée. Ces propos avaient entraîné son licenciement pour faute grave quelques jours plus tard. Depuis, Cédric Daury est arrivé pour lui succéder, avec son profil post-formateur intéressant et de belles idées, mais l’effectif, lui, est le même et paraît toujours aussi déséquilibré. La faute à des jeunes du centre qui peinent à percer chez les pros et surtout à un recrutement manqué. Le président Guy Cotret, aux affaires depuis 2013, a récemment accusé Moldovan d’avoir écarté trois pistes qui lui avaient été proposées au mercato : Andriatsima, Maupay et Alioui, rien moins que les trois actuels meilleurs buteurs du championnat… Après la dernière lourde défaite subie à l’Abbé-Deschamps face à Niort samedi dernier (0-4), Cédric Daury s’est voulu rassurant : « Pour le moment, on est derniers. C’est qu’il y a des raisons et des manques. Mais on ne sera pas derniers à la 38e journée, même pas dans les relégables. »

« Ne pas faire de catastrophisme »

Une confiance (aveugle ?) que partage le président Cotret qui, cette semaine en conférence de presse, a martelé sa « confiance » et réclamé de la « patience » pour cette équipe. « On voit bien ses carences et on a conscience de la nécessité d’un ou deux recrutements complémentaires, soit en joker, mais plus vraisemblablement au mercato d’hiver, a-t-il analysé. On commence à être sollicité par des agents ou des clubs directement. On est au tiers du championnat, ça laisse un peu de temps pour ne pas faire de catastrophisme et voir où on en est le 20 décembre, en se donnant les moyens de pouvoir renforcer l’équipe. » Cette conférence de presse était organisée pour officialiser la reprise de l’AJA. Car c’est l’autre grosse actualité du club, extra-sportive cette fois : la holding financière LFC Invest, ex-PLP (Paris Luxembourg Participations), qui était actionnaire majoritaire depuis avril 2013, vient de céder sa place au groupe chinois ORG Packaging, spécialiste de l’emballage alimentaire et qui fabrique notamment les canettes de Coca pour le marché local. Son boss, James Zhou, devient donc actionnaire du club yonnais, contre sept millions d’euros et la promesse d’en investir six millions de plus sur trois ans. Des sommes pas folles, mais au moins cette actualité laisse-t-elle entrevoir un avenir à l’AJA et à ses supporters. La première réussite de Zhou est d’avoir réussi à se mettre Guy Roux dans sa poche en l’assurant de sa volonté de ne pas remettre en cause l’existence de l’Association AJA, actionnaire minoritaire du club, détentrice des biens immobiliers, dont le stade.

Pour ne pas tout bousculer non plus dans cette terre bourguignonne qui a déjà subi bien trop de secousses ces derniers temps, Zhou semble aussi vouloir maintenir Guy Cotret à la présidence, tout en faisant de belles promesses. « Toute notre ambition est basée sur la longue histoire de l’AJ Auxerre » , a-t-il annoncé. Entendre par là : s’inspirer du passé pour bâtir le futur. Pour le présent, c’est ce soir que ça se joue, au stade de la Licorne d’Amiens.

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