- 100e Coupe de France
- Vainqueurs disparus
Aux sombres héros de la Coupe (1/2)
Cent ans et autant de lignes de palmarès que se partagent trente-trois clubs vainqueurs. Si soulever la Vieille Dame a souvent permis aux lauréats d’entrer dans le Panthéon du foot français, plusieurs d’entre eux se sont retrouvés au fond du trou quelques années plus tard. Liquidés, fusionnés ou déclassés, ces clubs ont marqué une histoire qu’ils ne peuvent que contempler loin du professionnalisme. Récit du parcours de quatre d’entre eux.
Olympique : à jamais les premiers
1908-1926, vainqueur en 1918
Non, Marseille n’a pas le monopole de l’Olympique. Car le premier club olympien à triompher sur la scène nationale était originaire de Paris et de Pantin. Octobre 1917, l’armée française était encore embourbée sur le Chemin des Dames quand débutait la toute nouvelle Coupe Charles Simon, du nom du fondateur du Comité français interfédéral, ancêtre de la FFF. En période d’Union sacrée, 48 clubs de tout le pays sont réunis pour la première fois dans un même tableau. À cette époque, une équipe de vert vêtue faisait figure d’ogre dans la région parisienne.
Au printemps 1918, les hommes du président Balestra se hissent jusqu’à une finale inédite les opposant au FC Lyon, devant les 2 000 spectateurs du stade de la Rue Olivier-de-Serres à Paris. L’ombre de la Grande Guerre plane sur ce match : les Lyonnais sont privés de leur gardien uruguayen Carlos Mutti, convoqué par la Légion étrangère et l’Olympique compte dans ses rangs quatre soldats belges affectés dans les bases parisiennes. C’est d’ailleurs l’un d’eux, le gardien René Decoux, qui va être expulsé après avoir envoyé un crochet dans la mâchoire d’un adversaire. Grand prince, le capitaine lyonnais Roger Ébrard insiste pour qu’il reste sur la pelouse, voulant un match loyal. L’Olympique le remerciera d’une victoire incontestable (3-0). Deux autres finales de Coupe de France seront atteintes sans réussite, en 1919 contre le CASG et en 1921 face au grand rival du Red Star. Ironie du sort, c’est le club de Saint-Ouen qui absorbera son voisin olympien. La fusion avec le club de Jules Rimet est officialisée le 28 avril 1926. Quel héritage reste-t-il aujourd’hui de ces pionniers ? La couleur verte des maillots de l’actuel Red Star et une ligne sur le palmarès qui atteste que ces Olympiens seront à jamais les premiers.
CA Sports Généraux : la révolution des cols ciel et blancs
1903-1951, vainqueur en 1919 et 1925
Au tout début du XXe siècle, l’omnisport en France était intimement lié aux corporations, soucieuses de proposer des activités gymniques et sportives à ses membres, conformément aux idéaux hygiénistes de l’époque. C’est ainsi que la banque de la Société Générale fonde en 1903 son club sportif et l’installe sur l’actuel emplacement de Roland-Garros. La section football devient une des meilleures de France pendant la guerre. En 1919, les Ciel et Blanc se qualifient pour une finale les opposant au tenant du titre, l’Olympique, sur la pelouse du Parc des Princes. Le CASG vient à bout des Olympiens en renversant le score dans la prolongation grâce à un doublé de Louis Hartzfeld (3-2). Bien que la démarche n’ait rien à voir avec le naming d’aujourd’hui, la toute fraîche Fédération française de football Association insiste pour que le nom de la SoGé s’efface pour devenir le CA des Sports Généraux.
C’est ainsi que les Banquiers seront les Généraux au moment de retrouver en 1925 le FC Rouen pour la première finale disputée à Colombes. Le match s’achève sur un score nul (1-1) et les équipes sont obligées de se retrouver deux semaines plus tard pour un replay remporté cette fois par les Parisiens (3-2). Traversant les années 30 avec brio, le CASG se refuse à basculer dans le professionnalisme. Un choix qui va coûter cher au club. Stagnant dans les championnats amateurs locaux, le club acte en 1951 une fusion avec l’Union Athlétique du XVIe, laissant sur la touche le football au bénéfice de la section rugby, qui elle-même se mariera avec le Stade Français en 1995. Et encore, ce Red Star est toujours prompt à narguer les fantômes, en occupant l’actuel Jean-Bouin, enceinte historique des Généraux en l’honneur de leur glorieux athlète.
Cercle Athlétique de Paris : cap’ et plus cap’
1906-1964, vainqueur en 1920
Dès la Belle Époque, le CA Paris s’impose comme le club phare du sud-est parisien.
Même si la Grande Guerre refroidit la hype des Rouges, tout se remet en ordre de marche après l’Armistice. Si bien que les Capistes vont se retrouver en finale de la Coupe de France 1920 face au (déjà) doyen Havre Athletic Club. S’appuyant sur ses sept internationaux français, le Cercle Athlétique surprend les Normands (2-1) grâce à un jeu fluide et au doublé de Henri Bard, alias « Bebé Cadum » , du fait de son visage poupon. À la suite de cet exploit, le CA Paris prend de plein fouet le revers de la médaille. Le vestiaire implose et seuls Charles McDewitt et Georges Moulène restent au club qui a tout à reconstruire. Le CAP parvient tout de même à retrouver le gratin du foot en devenant champion de France 1927. La même année, les Capistes retrouvent la finale de Coupe où ils s’inclinent (1-3) face au Red Star, décidément fossoyeur attitré de ses voisins parisiens. Au moment de recevoir sa médaille d’argent des mains du président de la République, Gaston Doumergue, le gardien du CAP Armand Blanc se morfond en déclarant : « En sport comme en politique, les Rouges sont battus » . Une prémonition qui deviendra réalité quelques années plus tard, puisque le CAP disparaîtra des radars bien avant la chute du mur de Berlin. En 1963, le CAP quitte sans faire de vague un monde pro qu’il fréquentait depuis 1932. Le club tombe en DH, moment où il annonce sa fusion avec le SO Charenton avec qui il vivote depuis dans les divisions amateurs du Val-de-Marne.
FC Sète : les Dauphins échoués
1914-2008, vainqueur en 1930 et 1934
On parle d’un temps que les moins de 90 ans ne peuvent pas connaître. Ces folles années 20 où le FC Cette, nom occitan de Sète – la commune héraultaise – régnait sur le football du Midi. Problème, c’est contre ses voisins que les Dauphins perdent deux de leurs trois premières finales de Coupe de France, face à l’OM en 1924, et contre Montpellier en 1929.
Il faudra attendre 1930 et une finale face à un Racing Club dans son stade Yves-du-Manoir, pour que le réorthographié FC Sète brille sur la scène nationale avec son effectif « paneuropéen » , pour reprendre les mots d’un reporter allemand. Le Yougoslave Ivan Beck offre la victoire aux siens avec un doublé, avant de rejoindre sa sélection en Uruguay où se prépare la première Coupe du monde. Devenus pros, les Sudistes participent au premier Championnat de France de D1 en 1933 et décrochent le titre dès 1934. Quelques jours plus tard, ils deviennent les premiers à réaliser le doublé Coupe-Championnat en dominant l’OM (2-1). La guerre va briser cet élan. Le club flirte longtemps avec la relégation, à laquelle il n’échappera pas en 1953-1954. Une page sombre de son histoire, puisqu’elle s’accompagne des disparitions d’Emmanuel Gambardella, journaliste, secrétaire général du club puis président de la FFF, et de Georges Bayrou, président du club pendant un demi-siècle. Malgré le soutien des stars locales Georges Brassens et Jean Vilar, les Dauphins échoueront au niveau régional. S’ils arrivent à réintégrer l’antichambre de l’élite (1970-1977, 1983-1989 puis 2005-2006), les soucis financiers plomberont toujours les ambitions sportives, comme le dépôt de bilan de 2009 synonyme de rétrogradation en DH. Se débattant aujourd’hui en CFA, le club connait un parcours qui ressemble surtout à une supplique pour ne pas être enterré sur la plage de Sète.
Retrouvezl’histoire du Club Français, de l’AS Cannes, de l’Excelsior AC Roubaix, du Racing Club et de l’EF Nancy-LorrainePar Mathieu Rollinger