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Bleus : ça passe et ça casse
L’Euro des Bleus aura donc commencé par une victoire et un combat, contre une Autriche rugueuse, qui aura coûté un nez fracturé à Kylian Mbappé et d’autres petits bobos. Dans la baston, l’équipe de France de Didier Deschamps sait toujours répondre, mais il est encore trop tôt pour dire si cette bataille de Düsseldorf sera le début de quelque chose de grand.
La 100e victoire de Didier Deschamps sur le banc de l’équipe de France, ce lundi soir contre l’Autriche, ne restera pas comme la plus belle, mais elle raconte quelque chose de son ère à la tête des Bleus. Cette manière de faire toujours, ou presque, tomber la pièce du bon côté parce que ses gars ne trichent pas et se plaisent à livrer des combats. Même si ceux-là ne sont pas esthétiques, le beau est ailleurs dans la culture de l’EDF version Double D : cet attrait pour la baston, cette capacité à encaisser les coups, et réussir à être le dernier debout sur le ring. Ce sont d’autres valeurs, capitales aux yeux du sélectionneur, et qui ne doivent pas masquer toutes les lacunes, toutes les limites – qui n’ont rien de rédhibitoires pour l’instant – affichées par son équipe pour son entrée en lice dans l’Euro. La parole est au patron : « C’est globalement positif, on a été dans le combat, et ça, c’est quelque chose d’important. Le dénominateur commun de tous ces matchs, c’est l’intensité élevée, la qualité et le talent. Il y a aussi eu de la solidarité entre ceux qui ont débuté et ceux qui sont entrés, il faut qu’on garde ça. »
En ordre de bataille
À Düsseldorf, où on leur promettait de vivre l’enfer du pressing autrichien, Antoine Griezmann et ses copains ont rapidement compris que la troupe de Ralf Rangnick n’était pas d’humeur à chanter du Mozart. Konrad Laimer a frappé le premier en venant chatouiller Kylian Mbappé, puis c’était au tour de Kevin Danso de se payer Theo Hernandez, soit les deux menaces principales sur le côté gauche, où le jeu français a rapidement penché en première période. L’Autriche a bouclé la rencontre avec 18 fautes (elle était bien à 6 ou 7 après 20 minutes de jeu) et 5 biscottes. Il y a quelque chose de gratifiant à savoir répondre à l’agressivité d’un adversaire, et à avoir les armes, physiques et mentales, pour ne pas se perdre sur le terrain comme dans l’enjeu. « J’ai vu des mecs qui tirent la langue à la fin du match, ça veut dire qu’on a vraiment fait le boulot, c’est cool. On a fait les efforts les uns pour les autres », appréciait Olivier Giroud en zone mixte. William Saliba l’a dit, ils « leur ont bien répondu », quand Adrien Rabiot, très bon aux côtés de l’inusable N’Golo Kanté, racontait avoir tout prévu : « C’était un match assez engagé, on connaît cette équipe d’Autriche, on savait avant le match, on était préparés. Il fallait se mettre au niveau et répondre dans l’intensité. » Jules Koundé, lui, a parlé d’une équipe qui « met de l’impact », puis a fait une moue en disant qu’il n’avait pas trouvé l’engagement excessif. Comprendre : on a l’habitude, maintenant.
Il a plusieurs fois ragé dans sa zone technique, mais Ralf Rangnick avait quelques compliments à glisser aux Bleus après la rencontre. Là aussi, il faut écouter quand un technicien adverse parle de la bête qui vient de le manger. « Aujourd’hui, les Bleus se sont montrés plus énergiques que lors de leurs derniers matchs tests, notamment par rapport à celui face à l’Allemagne. Ils ont dû batailler jusqu’à la fin, et pour m’être entretenu avec eux après la rencontre, Dayot Upamecano et Ibrahima Konaté étaient contents que le match soit enfin terminé, déroulait-il. Surtout, je crois qu’il faut regarder qui est entré sur le terrain, qui n’est pas entré, qui n’a pas été appelé… Il faut remettre l’église au centre du village : vous savez, c’est l’un des meilleurs adversaires sur la planète, les Français ont fait une performance extraordinaire. » Un peu excessif, sans doute, parce que la France a été trop brouillonne techniquement dans la zone de vérité pour que l’on puisse en faire un monstre de football après ce match, mais à prendre en compte.
Des coups et un nez
Il faut maintenant savoir ce que constituera cette première danse : le début de quelque chose de grand, il est trop tôt pour le savoir, ou une rencontre quelconque d’un tournoi sans éclat. Trop tôt, là aussi. Livrer un tel combat et en sortir gagnant, cela peut ressembler à des fondations posées, des premières pierres, puisque tout part de derrière et que les Bleus ont été solides ce lundi soir. L’esprit de groupe est déjà là, mais l’équipe de France a laissé des plumes dans la bataille. Les crampons de Christoph Baumgartner sur le visage de Mike Maignan ? Sans incidence. Le tampon de Maximilian Wöber pour envoyer Antoine Griezmann dans les panneaux publicitaires ? Du sang et des bandages qui n’auront pas tenu longtemps sur la caboche de Grizou. Le choc entre Kylian Mbappé et Kevin Danso en fin de rencontre ? Une fracture du nez, confirmée par la FFF dans la nuit de lundi à mardi, et une période de soins dans les prochains jours avant de retrouver le terrain muni d’un masque. « C’était limite. Il aurait pu y avoir d’autres cartons, c’est une chose de les préparer pour ce niveau-là, constatait Deschamps. Il y a eu beaucoup d’échanges pour que l’équipe de France soit prête ce soir, même si on y a laissé au moins un nez… Certainement que cette intensité est liée au début de la compétition, aux températures agréables. Au très haut niveau, on se doit d’avoir ça. » Ils devront avoir plus, aussi, pour aller au bout, mais personne ne lui reprochera de penser aujourd’hui que c’est un bon début.
Par Clément Gavard, avec Andrea Chazy, à la Düsseldorf Arena
Propos de Didier Deschamps et Ralf Rangnick recueillis par AC
Propos de William Saliba, Olivier Giroud, Adrien Rabiot et Jules Koundé recueillis par CG