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Australie : la revanche de Mitchell Duke, joueur de D2 japonaise à la Coupe du monde
Unique buteur de l’Australie face à la Tunisie (1-0), Mitchell Duke en a profité pour faire taire les critiques au pays. L’attaquant qui évolue en D2 japonaise espère bien bisser contre le Danemark pour permettre à son équipe de sortir des poules en Coupe du monde pour la première fois depuis 2006.
La France a découvert Mitchell Duke (31 ans) sur une frappe presque sans élan qui a frôlé le montant gauche d’un Hugo Lloris battu. La Tunisie sur une tête lobée qui a permis aux Australiens de s’imposer 1-0 et de décrocher leur premier succès dans un Mondial depuis une victoire contre la Serbie (2-1), en 2010. Ce but, le joueur originaire de Liverpool, mais version australienne, dans la banlieue de Sydney, l’a célébré avec un signe destiné à son fils présent en tribune. Mais il aurait pu mettre un doigt devant la bouche à la Samir Nasri. Car les critiques dans son pays ne l’ont pas épargné. Il lui est reproché de jouer en D2 japonaise, au Fagiano Okayama, où il a bouclé le dernier exercice en octobre dernier avec huit buts et trois passes décisives en 36 matchs.
« Je vois les réseaux sociaux, et vous avez des gens qui disent : « Comment quelqu’un de D2 japonaise peut être notre attaquant titulaire contre le Pérou ? », a-t-il lancé au micro de beIN Sports. Mais en fin de compte, ils sont assez ignorants et ils ne savent pas à quel point ce championnat est compétitif et quelle est sa qualité. Je joue et je commence toutes les rencontres, je marque et je fais des passes décisives dans un championnat où nous jouons 42 matchs par an plus les coupes, contrairement au championnat australien qui n’en compte que 26. » Actuel entraîneur des Central Coast Mariners, Nick Montgomery était joueur dans le même club quand Mitchell Duke y a fait ses premiers pas en seniors. Il se souvient d’un « grand caractère. Il n’est certainement pas timide ! Mais il a un grand cœur, et les joueurs l’apprécient tous. » Lui aussi ne voit pas d’inconvénient à ce que l’avant-centre évolue dans un championnat mineur : « Bien sûr, c’est bien que tous les joueurs de l’équipe nationale jouent dans les meilleurs championnats, mais Mitch n’est pas un joueur qui aime s’asseoir sur le banc, donc le plus important pour lui est d’être dans un club où il joue régulièrement. »
Le chouchou du sélectionneur
Enlever Mitchell Duke (23 capes pour 9 pions) de sa liste ? Impensable pour le sélectionneur Graham Arnold. Ce dernier est l’entraîneur qui a lancé l’attaquant en pro, en 2011, aux Central Coast Mariners. Ils ont d’ailleurs été champions d’Australie ensemble en 2013, et le joueur a été emmené par son mentor aux JO 2021. « Je pense que j’ai mérité mes opportunités, et je reste persuadé que Graham Arnold et son staff ont le même avis. J’ai l’impression d’avoir justifié ma place en vert et or, enchaînait-il. Tant que les bonnes personnes sont heureuses, c’est tout ce qui compte. »
50 – Mitchell Duke, qui a inscrit le 50e but de cette #CDM2022, est le premier joueur évoluant en 2e division à marquer lors de cette édition (Fagiano Okayama en D2 japonaise). Outsider pic.twitter.com/QAgjeUXpt0
— OptaJean (@OptaJean) November 26, 2022
Parmi les bonnes personnes, son sélectionneur, lui aussi critiqué sur l’île. « Nous sommes allés là-bas en barrage de Coupe du monde pour jouer pour lui, notre pays et nos familles. Les gens pensaient qu’il était fou en présentant Andrew Redmayne pour les penaltys, mais c’est devenu une sensation mondiale, continue Duke. Il nous a donné la conviction que nous pouvons faire tomber n’importe qui. » Pas la France, mais la Tunisie, oui. Avant ces joutes mondiales, Mitchell Duke a vu ses coéquipiers monter au créneau pour le défendre, alors que nombreux sont ceux qui le jugent trop juste pour devenir un cadre des Socceroos après les retraites de Tim Cahill ou Mile Jedeniak, encore là en 2018. « Certaines personnes ne lui ont pas donné le crédit qu’il mérite, assurait face à la presse son partenaire Awer Mabil. Vous voyez combien il travaille dur pour l’équipe… Mais personne ne parle vraiment du fait qu’il marque beaucoup de buts ! »
Plus en verve au Qatar qu’en Arabie saoudite
Onze années après les débuts en professionnel de Mitchell Duke, son ancien partenaire Nick Montgomery note une vraie progression : « La différence entre le jeune Mitch et le Mitch actuel, c’est qu’il comprend mieux le jeu. Il a toujours cette envie et ce rythme de travail qui sont sa marque de fabrique. Mais en tant que joueur, il n’a pas le respect que ses efforts méritent. Il n’est peut-être pas un buteur naturel, mais il est un vrai casse-tête pour n’importe quel défenseur et il est très bon de la tête. J’ai essayé de l’aider quand il était jeune et il a pris mes conseils en considération. »
La carrière de Mitchell Duke n’a jamais été un long fleuve tranquille. Après des débuts prometteurs au Central Coast Mariners et un statut d’international, il s’envole pour le Japon et le Shimizu S-Pulse (2015-2019). Souvent aligné comme ailier, l’avant-centre, plutôt pivot ou renard des surfaces et à l’aise dans le domaine aérien, ne plante que cinq buts en… 106 rencontres ! De retour chez lui au Western Sydney (2019-2020), il retrouve le chemin des filets avec 14 réalisations en 26 matchs et un statut d’international. Mais il part en Arabie saoudite, à Al-Taawon (2020-2021), où Patrice Carteron le fera jouer ailier et, surtout, où il traîne son spleen et voit son compteur but bloqué à zéro.
« Je n’étais pas heureux là-bas, expliquait-il pour The Australian Je leur ai donné un ultimatum : s’ils ne voulaient pas me donner une chance en tant qu’attaquant, je devais envisager d’autres options pour jouer et être à nouveau heureux à mon poste. Et sur le plan du style de vie, j’étais seul, je n’avais pas de réseaux… » L’Australien semble plus en réussite sur les pelouses qataries que sur celles saoudiennes. Ce mercredi après-midi, ce sera peut-être au tour du Danemark de découvrir Mitchell Duke.
Loïc Bessière
Propos de Nick Montgomery recueillis par LB.