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Aulas s’en va-t-en guerre

Par Adrien Candau
5 minutes
Aulas s’en va-t-en guerre

Le président de l'Olympique lyonnais a entamé tambour battant la saison, en ciblant à plusieurs reprises la concurrence supposément déloyale que lui opposent l'AS Monaco et le Paris Saint-Germain. Problème : Jean-Michel Aulas mène ce combat tout seul, alors que son nouveau discours en faveur d'un football hexagonal plus égalitaire semble entrer en contradiction avec ses déclarations passées.

Un jour, Jean-Michel Aulas a eu une formule qui résumait bien sa vision d’un football français qui devait se tourner vers ses locomotives : « L’élitisme profite à tout le monde. » Dans les années 2000, alors que l’OL piétine le championnat, le président des Gones est catégorique : la Ligue 1 doit miser sur ses mastodontes. Un discours éloigné de celui qu’il tient vis-à-vis des deux formations dominantes actuelles, l’AS Monaco et surtout le Paris Saint-Germain.

Jean-Michel contradiction

Pourtant, les arguments du grand manitou lyonnais, qui dénonce une trop grande distorsion de concurrence au sein du football français, n’ont rien d’absurde. Le combat mené par Aulas épouse deux causes principales : d’une part, l’inflation des prix des transferts, dont serait en grande partie responsable le PSG : « On essaie de boucler des opérations sur la fin de ce mercato, mais les prix sont 30, 40 ou 50% plus élevés que ce que l’on avait prévu à cause de cette surenchère. » D’autre part, il s’attaque aux avantages inhérents aux statuts actuels du PSG et de Monaco, le premier bénéficiant des financements de QSI, le second de faveurs fiscales bien connues, qui tueraient dans l’œuf tout suspens pour le titre en Ligue 1 : « Quand Lyon dominait le championnat, c’était avec ses propres moyens, pas avec l’argent d’un État… L’excès d’argent du PSG tue l’aléa sportif. »

Des arguments audibles, mais à revers de la vision qui semblait autrefois imprégner Aulas, lui qui a longtemps plaidé pour un football français comme européen plus vertical et élitiste. Car si Jean-Michel Aulas plaide désormais pour les « exclus du système » , il n’a pas franchement cherché à défendre les clubs français du bas de l’échelle par le passé. En atteste la politique de l’OL sur les droits TV du championnat. Aulas est toujours resté inflexible sur la question : la manne télévisuelle doit récompenser les grands clubs, augmentant leur compétitivité à l’échelon européen, favorisant le rayonnement du championnat français à l’international. « Dans les quatre plus grandes nations du foot, la valeur des droits est faite par les clubs qui les représentent dans les grandes compétitions » , soutenait encore Aulas en octobre dernier. «   Mais la popularité du PSG a justement largement participé à augmenter les droits TV » , (748 millions d’euros par an pour la période 2016-2020, soit une augmentation de 23% par rapport au cycle 2012-2016), comme le relève l’économiste du sport Vincent Chaudel.

Pas étonnant de constater que le président de l’OL est ainsi bien seul dans sa croisade anti-PSG, alors que la majorité des présidents de club de Ligue 1 voient dans le mastodonte parisien une opportunité économique. «   Le PSG participe à booster les droits TV et l’intérêt de la Ligue 1 à l’étranger » , pose le président de Montpellier Laurent Nicollin. «   Par ailleurs, l’argument du manque d’aléa sportif qui tuerait à terme le championnat ne marche pas, poursuit Vincent Chaudel. L’incertitude des résultats reste un moteur du système, mais elle est capitale au niveau européen, en C1 comme en C3, pas en championnat. En Allemagne, les stades battent des records d’affluence, alors que le Bayern est presque sûr d’être champion. Il y a un effet Harlem Globetrotters, que tout le monde veut défier, et qui va représenter le pays en Coupe d’Europe. » Quant à l’explosion des salaires que le président lyonnais impute au PSG, elle semble tout aussi contestable : « Le PSG vise une autre catégorie de footballeurs que les clubs de Ligue 1. Le problème vient d’abord des clubs anglais qui ont un pouvoir d’achat supérieur à n’importe quel club français. C’est eux qui créent la surenchère en étant capables de proposer des salaires importants à des joueurs moyens, pas le PSG. »

L’arroseur arrosé

Aulas dénonce également une mainmise du PSG et de l’ASM sur les places qualificatives pour la C1, un problème qu’il a ironiquement participé à créer. Le président de l’OL est membre fondateur et membre du comité exécutif de l’Association européenne des clubs, qui représente les intérêts des clubs européens. Une organisation dont la direction est dominée par les formations les plus puissantes du football continental et qui n’a cessé de gagner en influence auprès de l’UEFA ces dernières années. En atteste la dernière réforme de la Ligue des champions, qui garantit l’accès à la C1 aux quatre clubs issus des quatre championnats européens majeurs, au détriment des formations appartenant aux ligues mineures. Elle prévoit aussi une augmentation de 50% des revenus des clubs participant à la C1, contre une hausse de seulement 23% pour ceux participant à la C3, creusant ainsi l’écart entre les équipes disputant les deux compétitions.

Une logique élitiste qui ne profite pas vraiment à la France, puisqu’elle permet aux «   quatre grands championnats actuels de figer leur position dominante  » , relevait le président de Saint-Étienne Bernard Caïazzo à So Foot récemment. L’Hexagone semble donc condamné à se satisfaire de deux qualifiés directs pour la C1, deux places appelées à être trustées par le PSG et Monaco dans les années à venir. Une impasse pour l’OL et pour son président, dont l’accès à la C1 devient plus restreint : « Il avait sans doute des objectifs de Ligue des champions, et aujourd’hui, le PSG et Monaco lui rendent cet objectif encore plus difficile, observe le président caennais Jean-François Fortin. Pour un club comme le nôtre, c’est différent. Avec l’audience nouvelle de la L1 à travers le monde, j’ai une petite idée des retombées dont on bénéficiera. » « Finalement, en Ligue 1, on a l’impression que la situation actuelle profite un peu à tout le monde » , conclut Vincent Chaudel. Tout le monde, sauf Jean-Michel Aulas.

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Par Adrien Candau

Propos de Vincent Chaudel et Bernard Caïazzo recueillis par AC. Autres propos tirés de L'Équipe.

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