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Aulas, le nerd de la guerre
On connaissait Massimo Moratti décrochant son téléphone en pleine nuit pour répondre aux supporters intéristes qui l'appellent. Voilà Jean-Michel Aulas qui clashe les rageux sur Twitter. Alors que l'OL se rend à Anoeta dans la peau du club éliminé, son président sème le lol et récolte la tempête. Pourquoi ? Parce qu'il ne sait pas faire autrement.
La situation passerait presque pour un classique de l’histoire européenne de l’OL. En ballottage défavorable après le match aller, les Lyonnais ne parviennent jamais à renverser la situation au retour. Les deux dernières fois, c’était en phase finale de Ligue des champions et l’exploit était encore à portée de crampons. Face au Bayern en 2010, après s’être inclinés 1-0 à l’Allianz Arena, puis face au Real un an plus tard en étant accrochés à Gerland (1-1). Les deux fois, les hommes de Claude Puel s’en prennent trois dans le buffet et l’OL doit faire le deuil de ses dernières illusions européennes. Après un match aller qui a tenu de la séance de torture dans tous les secteurs du jeu, jusque dans la folie des deux buts encaissés, autant dire qu’on ne donne pas cher de la peau des Lyonnais ce soir à San Sebastián.
Quand l’argent fout le camp
Du point de vue de la hype qui a succédé à leur bonne entame de saison, l’écart apparu avec la bande à Griezmann à l’aller a eu de quoi surprendre. Du point de vue du déclassement dans lequel l’OL est engagé depuis trois saisons, la promesse d’un retour aux jeudis de Ligue Europa correspond davantage à la logique du moment. Ce d’autant plus que depuis la saison dernière et le parcours parisien en Ligue des champions, le football français a eu le temps de se souvenir que, pour y figurer parmi les grands, mieux valait tenir de solides arguments. Et l’argent reste le premier d’entre eux. C’est précisément ce qui fait défaut à l’OL. Les raisons sont connues : difficultés financières (entre 60 et 80 millions de pertes cumulées), masse salariale qu’il faut réduire, construction du Grand Stade.
Quand l’argent fout le camp, il reste quoi ? Jean-Michel Aulas a agité le retour aux sources en guise de première réponse. Comprendre par là une remise à l’honneur de la formation et de ces bons coups du recrutement qui faisaient le bonheur du club au plus fort de la domination. Jusqu’à ce que deux événements viennent semer le doute. Le premier lors du transfert d’Anthony Martial vers l’AS Monaco. Au-delà du montant (5 millions d’euros) pour un gamin de 17 ans qui a tout juste eu le temps de fouler un terrain de Ligue 1, c’est la contradiction avec le programme présidentiel qui interpelle et inquiète. La formation est elle aussi soluble dans la liquidation des actifs du club. Le second acte tient dans la claque reçue à domicile face à la Real Sociedad. Et histoire de bien saisir la portée de la défaite, Rémi Garde y a apporté les sous-titres : « On ne peut pas empêcher des joueurs qui ont, pour certains, quinze matchs de CFA et trois ou quatre rencontres de Ligue 1, d’avoir un peu d’appréhension avant ce type de rencontre. Le groupe n’a pas une grosse maturité. Mes joueurs n’ont pu faire mieux que ce qu’ils ont produit au cours de la rencontre. »
Haters gonna hate
Ça pue tellement la résignation que plus rien ne semble retenir le spectre maintes fois annoncé et toujours remis à plus tard de la fin de cycle, du retour dans le rang, de la relégation du club qui a tellement vampirisé la Ligue 1. C’est là que Jean-Michel Aulas entre en scène en prenant soin, comme il l’a toujours fait, de l’ouvrir, et en grand de préférence. Depuis janvier dernier, le président lyonnais assène les punchlines comme autant de coups depuis Twitter. Un exercice qui n’est pas sans risque tant il prend un tour aussi drôle que pathétique. Ne serait-ce que pour ces fois où le dirigeant de 64 ans se met au parler jeune à coups de « cool cool » et autres « lol » envoyés à des midinettes venues lui déclarer leur admiration. JMA aurait-il perdu son mojo ? Si l’on en croit la teneur de certains tweets, il semblerait que ce soit surtout son correcteur d’orthographe qui ait fini par le lâcher. Résultat, longtemps le doute a été de mise quant à l’authenticité du compte présidentiel. Avant, une fois la confirmation obtenue, de voir les attaques tomber de partout.
Tout ça pour quoi ? Pour continuer à faire ce que le Tycoon lyonnais a toujours fait : répondre à chaud quand il se sent provoqué, quitte à surréagir. Ses tweets ne sont jamais que le prolongement des déclarations tapageuses qu’il envoie à intervalles réguliers depuis plus de 25 ans. À première vue, rien de bien nouveau sous le soleil de l’Aulassie. À une exception près : le recours à Twitter répond à la situation de l’OL. Puisqu’il n’y a plus de fric pour motiver les joueurs quand tout semble perdu, il faut trouver d’autres leviers. C’est aussi le rôle d’un président. Comme ça qu’en mars 2012, après l’élimination de Nicosie, JMA laisse des lettres dans les casiers de ses joueurs. Il y a trois semaines, c’est par les sentiments qu’il souhaite prendre Gourcuff : « J’aimerais que Yoann rende à l’OL une part de l’amour que le club lui a donné. » Les tweets qu’il balance seul à la face de tous ceux qui le conspuent et l’insultent n’ont pas d’autre vocation : « J’adore les pleurnichards et je joue là-dessus pour que la motivation soit à son comble. Parce que prendre du plaisir à gagner, c’est une chose, mais prendre du plaisir en démontrant à ceux qui ont été défaitistes qu’ils se sont trompés, c’est un pied fantastique. » La révélation ne fait jamais que confirmer la tendance : c’est bien parce que l’OL cherche sa place dans la nouvelle hiérarchie du foot français que Jean-Michel Aulas tient la sienne plus fort que jamais. Autant dire qu’on n’a pas fini de le retrouver en président du lol.
Par Serge Rezza, à Lyon